S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

La Champagne en temps de guerre

 Un pied de nez à la barbarie humaine, certes, mais un peu plus de deux décennies plus tard, le bruit des bottes allemandes résonnait dans les villes et les villages champenois. Un autre cas de figure se dessine, des liens familiaux et commerciaux très solides s’étant tissé depuis des années entre la Champagne et l’Allemagne à des niveaux élevés, puisque Ribbentrop avait débuté sa carrière comme courtier en vins de champagne avant d’épouser une demoiselle Henkell. Mais ce n’est pas lui qui posera problème en 40.

1940-1945 : des occupants amateurs de bulles

La Champagne dut participer à l’effort de guerre et les prélèvements allemands de champagne furent dès le début très importants : environ les 2/3 de la production de 1940-41, exigés par le Weinfüher Otto Klaebisch qui était, avant la guerre, le directeur général d’une des plus grosses maisons de vins mousseux allemands. Jusqu’en 1943 les prélèvements furent l’objet de négociations serrées entre le Weinfüher et le CIVC, représenté par Robert de Vogüé, directeur de Moët & Chandon, qui déguisait le montant réel des stocks de champagne afin de réduire les prélèvements. R. de Vogüé, membre d’un réseau de résistance, fut arrêté à l’automne 44. Condamné à mort en mars 44, il fut gracié et envoyé en déportation. Les allemands mirent la main sur Moët&Chandon et Heidsieck. Terminées les concessions et les négociations.

Les prélèvements allemands ont été évalué pour la période entière de l‘Occupation à 86,4 millions de bouteilles de champagne, 82 258 hectolitres de vins clairs et 10,6 bouteilles de mousseux représentant 5 377 000 000 francs. Cela équivalait à environ 57% de la production de cette période (avant la guerre les exportations vers l’Allemagne se montait à 1% de la production).Parallèlement le marché noir illicite fut évalué à 2 millions de bouteilles pour un montant de 200 millions de francs. La différence de prix est impressionnante et certains pendant l’occupation ne furent pas aussi droits dans leurs bottes que R. de Vogüé, Maurice Doyard, Charles Théron ou René Chayoux pour ne citer que les membres de CIVC et surent tirer profit d’une collaboration avec l’ennemi. Les plus célèbres étaient le baron de Polignac, directeur de la maison Pommery, fondateur de l’Accueil franco-allemand et membre du Groupe Collaboration et René Lalou, directeur de Mumm, revenue dans le giron de la famille Mumm, et membre du comité de collaboration économique européenne.

Les producteurs champenois souffrirent aussi de la pénurie de verre (les verreries ne fonctionnaient plus, le charbon étant envoyé en Allemagne) qui les empêcha de maintenir leurs stocks.

La naissance du CIVC

Pour faire face aux demandes tellement importantes de l’occupant, il fallait en Champagne parler d’une seule voix pour pouvoir négocier avec l’ennemi. C’est ainsi que naquit le CIVC, Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne, toujours actif de nos jours. Depuis près d’un siècle, les crises et les tensions se succédaient. Crise du Phylloxéra, effondrement des prix du vin et soulèvement des vignerons acculés à la misère en 1911, la guerre de 14-18, la crise économique et les différents entre les « marnais » et les » aubois », poussèrent des vignerons-récoltants à s’organiser pour réfléchir et tenter de résoudre les problèmes. Furent créé successivement et parfois conjointement au comité des appellations contrôlées,
- un comité d’experts de la Champagne viticole (Marne, Aube et Aisne) en 1935
- et une commission spéciale de la Champagne viticole qui fixait les règles de qualité du champagne, en matière de rendement à l’hectare et de pressurage.
A la veille de la déclaration de guerre, un projet de loi visant à créer un Office régional du vin de Champagne avait été présenté. Cet Office devait être une organisation interprofessionnelle permanente, dirigée par un conseil paritaire de membres élus qui réglementerait la production et le marché des vins de Champagne, stimulerait la création de coopératives et limiterait les fraudes.
La déclaration de guerre mit fin à ce projet et ce n’est que le 10 juillet 1941 que fut créer le CIVC qui était l’émanation de tous les comités et commissions qui avaient vu le jour les années précédentes. Il réunissait des représentants des vignerons et du négoce appartenant aux organisations professionnelles et syndicales existantes.

D’un mal est sorti un bien, face à l’urgence de s’organiser pour limiter les prélèvements allemands et préserver les intérêts des vignerons et négociants, la profession pouvait enfin se réorganiser.

 
 

Mots-clés : Technorati, Technorati

le 18.09.12 à 09:00 dans Vins
- Commenter -

Partagez cet article


Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR