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Les couverts
Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les ustensiles permettant de manger proprement et de manière civilisée à table étaient désignés sous le nom de « les couverts »? Moi ça m’a intrigué. Etant donné, nous dit le dictionnaire que ce mot possède la même étymologie que le verbe couvrir et s’écrit comme son participe passé, je comprends le mot couvercle. Mais les couverts me posent une énigme.

Couteau à manche de silex
Le couteau est très vite devenu un ustensile indispensable. Les hommes ont commencé à fabriquer des couteaux avec des pointes ou des éclats de pierre, leur fixant des manches en corne ou en bois afin qu’ils tiennent bien dans la main et soit d’usage plus aisé. Dès qu’ils surent fabriquer du métal, les hommes ont muni les couteaux de lame de bronze, de fer et d’acier. Certaines villes s’en firent une spécialité telle Cordoue ou Damas. Créés par des forgerons à l’origine, les couteaux furent fabriqués par des artisans couteliers spécialisés qui transmirent leur savoir-faire par le biais d’apprentissage. En France la Haute-Marne, la ville de Thiers et la région de Nontron en Dordogne en firent leur spécialité.
D’instruments lourds à lames à deux tranchants servant pour se battre et découper de grosses pièces de viande, les couteaux devinrent de délicats petits instruments de luxe emmanchés de matières précieuses à usage domestique aux lames à un seul tranchant. Chez les grecs et les romains et ensuite au Moyen-âge, le couteau est le seul couvert présent sur les tables et dans tous les milieux. Le couvert était vite mis, une nappe à laquelle on s’essuyait les doigts, un couteau pour l’officier tranchant ou le maitre de maison et un verre commun à deux convives au moins. A la fin du XIVe siècle, le couteau est muni d’une pointe fine pour piquer la viande et la porter en bouche, chaque convive apporte son étui à couteau dont la lame se replie dans le manche. Ce n’est que lorsque la fourchette est apparue et devint d’usage courant que l’extrémité des couteaux s’arrondit.
Au XVIIIe siècle, toutes sortes de couteaux de table commencèrent à devenir populaires, du moins dans les classes les plus aisées. Et les couteliers fabriquèrent des couteaux à fromage, à poisson, à beurre… qui allaient avec les services de faïence ou de porcelaine que toute maitresse de maison se devait de posséder. Les plus riches se faisaient fabriquer des couteaux en argent, les autres en métal argenté et les plus pauvres en fer.
Les couteaux furent les parents pauvres des cadeaux de mariage on leur prêtait la funeste réputation de rompre les liens d’amitié et d’affection. Cependant, l es traditionnelles maisons de coutellerie créent encore et toujours des modèles immuables ou des nouveautés qui ont un grand succès. Car avoir sur soi son propre couteau de table et s’en servir à table est considéré maintenant comme très acceptable et ce geste a perdu son odeur de paysannerie.
Comme le couteau, la cuillère ou cuiller fut un objet personnel. Ce mot vient du verbe cochleare, signifiant : manger des escargots ou des coquillages. Son usage courant est assez tardif car l’on but longtemps la soupe à même l’écuelle quand on ne trempait pas son pain dedans pour pomper le liquide.
Les cuillères furent fabriquées en bois à l’origine, et les classes les plus pauvres durent s’en contenter longtemps ; puis en métal et surtout en étain pour les bourgeois, en argent pour les nobles et en or pour les rois. De là l’expression, « naître avec une cuiller d’argent dans la bouche ».
Au XVIIIe siècle, les orfèvres inventèrent de multiples cuillères : à dessert, à café, à thé, à glace en plus des traditionnelles cuillères à soupe. Il existait même des cuillères à jus de fruit pour les bébés dont l’extrémité étaient fermée et percé d’un trou. L’imagination chez les fabricants est infinie et les manches sont l’objet d’audace créative.
Les souvenirs les plus achetés par les touristes sont les petites cuillères à café au manche terminé par le blason de la ville ou de la région.
« La fourchette : petit instrument de cuisine ou de table pour tirer la viande du pot ou quelque autre met du dedans du plat pour le porter à sa bouche » écrivit Furetière dans son dictionnaire.
La fourche ou petite fourche existait depuis que l’on cuisine. La fourchette de cuisine à deux dents était dans toutes les cuisines et sur les tables. On s’en servait pour distribuer la viande aux convives. Il existait également des petites fourchettes pour manger les olives et les fruits mais l’usage à table tel qu’on le pratique était inconnu.
On raconte qu’au XIIe siècle, une princesse byzantine devenue l’épouse de Dominio Silvio, un doge de Venise, apporta dans ses bagages des fourchettes. On ne peut pas dire qu’elle fit école. En effet, on ne trouve traces de fourchettes dans les inventaires qu’à partir du XVe siècle. Une des raisons qui entrava son extension et sa popularité venait de a façon de s’en servir : il fallait la manier de la main gauche, la droite étant mobilisée par le couteau et ce n’était pas chose aisée. Plus tard, en France, la fourchette était considérée comme efféminée et réservée aux femmes. Une seule exception les mignons d’Henri III qui les maniaient aussi aisément que leur bilboquet. L’usage de la fourchette ne devint réel et populaire qu’au XVIIIe siècle. Jusqu’alors on continuait à se servir du couteau et de la fourchette pour piquer les mets dans le plat commun et les déposer sur le tranchoir ou l’écuelle ou pour couper la viande mais on portait celle-ci à la bouche avec la main.
Ce sont la folie des fraises, puis celle des huîtres au XVIIIe siècle qui popularisèrent les fourchettes. Il fut alors façonné des petites fourchettes à huîtres qui ouvraient la voie à la création de gammes très vastes de fourchettes de toutes sortes qui portaient 3 ou 4 dents.
Les couverts, une fois populaires et d’usage courant et même quotidien, faisaient partie des ustensiles que l’on trouvait dans tous les foyers. Posséder des couverts en argent était l’apanage des plus riches nous l’avons dit plus haut, le fer et l’étain moins solide et ne cabossant facilement contentaient les plus pauvres. Mais même ces couverts là étaient parfois ornés sur le dos du manche de filets ou de moulures. L’argenterie était le plus souvent chiffrée dans la bourgeoisie et portait le blason de la famille dans la noblesse. Lors des mariages, on offrait une « ménagère » de 50, 120 ou 180 couverts indispensables pour bien recevoir. Ces couverts ne sortaient que les grands jours et étaient rangés dans les boites, bien alignés sur leur garniture de velours. Pour les jours ordinaires, les couverts l’étaient aussi.
Comment paraitre lorsqu’on ne pouvait s’offrir des couverts en argent ? En imitant l’argent. On pouvait les faire plaquer ou doubler de l’argent. Les fameux couverts d’argent fourré. Au début du XIXe siècle, on alla plus loin lorsque 2 inventeurs lyonnais inventèrent le maillechort, une superbe imitation de l’argent réalisée à partir d’un alliage de cuivre, de zinc et de nickel. Hélas les couverts en maillechort ne faisaient pas illusion très longtemps, peu solides, ils résistaient mal à l’usure du temps. Heureusement Charles Christofle eut une idée de génie. Cet orfèvre utilisa un procédé qui venait d’être inventé : argenter le métal grâce à la galvanoplastie. Cela faisait parfaitement illusion et permettait de sortir la vraie fausse argenterie dans les grandes occasions et ne pas se ruiner quand on faisait son cadeau de mariage. Mais cela ne supprimait pas la corvée de faire briller l’argenterie.
Maintenant l’inox et l’acier brossé ont remplacé l’argent. D’entretien plus simple, ils sont devenus les matières préférées des designers qui signent les couverts pour les plus grandes maisons aux lignes pures ou audacieuses, aux formes originales.
En acier ou en inox les beaux couverts sont sur les tables tous les jours. Les mœurs et le rythme de la vie moderne ont simplifié les manières de table et les mêmes couverts souvent très beaux passent de la table de tous les jours aux tables de fêtes sans aucun complexe. Mais l’argenterie fait toujours rêver et les ménagères en argent ou en imitation font de la résistance et sont encore très présentes sur les listes de mariage chez les grandes maisons d’orfèvrerie comme dans les grands magasins.
Mots-clés : Couverts

le 04.10.10 à 10:20
dans Arts de la table
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Commentaires
Le couteau, quelle histoire !
Merci d'être revenu, à travers la grande Histoire et les petites anecdotes, sur lm'originaire de cet outil/ustensile si cher à mon coeur !!
Bel article en général !
Rénovation ciseaux - 05.10.10 à 15:06 - # - Répondre -
Merci
cet article est très intéressant, vous avez fait un petit récit historique très pationnant
Expert immobilier - 28.12.10 à 14:57 - # - Répondre -
Quel talent ;)
Bravo, j'ai aimé apprendre autant de chose sur cet objet si ordinaire et si utile :)
Estimation immobilière - 27.09.18 à 21:56 - # - Répondre -
Bel article
Très bel article sur l’histoire des couverts et de ce mot. En tant que traiteur, je fais attention aux couverts que j’utilisent lors des événements et j’ai apprécié en apprendre plus sur ces derniers.
Merci.
Juliette - 13.08.19 à 15:40 - # - Répondre -
De belles photos
Merci pour cet article ainsi que pour les belles photos des couverts que vous avez présentées. Pour l'organisation d'événements tels que le mariage, le baptême ou la réception avec invités, le choix des couverts est toujours difficile.
Denise
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Denise - 13.08.19 à 15:48 - # - Répondre -