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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Amour de la cuisine ou phénomène de mode?

Les cuisines et les salles à manger ont une longue histoire comme nous venons de la voir et ne cessent d’évoluer.
Et maintenant ?
Actuellement, la cuisine semble à la mode, et par cuisine on entend aussi bien la réalisation des plats que l’agencement et le rôle de la pièce où l’on prépare les repas.
Pourquoi cette mode ?
Nous avons vu qu’au 19ème siècle, les cuisines s’équipent des dernières innovations techniques, elle est une pièce à part où œuvre la maitresse de maison ou la cuisinière dans le plus grand secret.  Il ne serait jamais venu à l’idée d’une femme de faire entrer ses invités dans la cuisine. Les plus aisées avaient une cuisinière ou une bonne qui se chargeait quotidiennement de la cuisine, et les moins aisées prenaient du personnel pour faire la cuisine et servir dans les grandes occasions. Et tous les repas se prenaient dans la salle à manger.
Cependant la plupart des femmes cuisinaient tous les jours pour leur famille et souvent aussi pour les invités. Et justement, parce que les cellules familiales évoluent, que les filles ne vivent pas forcément près de leurs mères et que les femmes de la campagne viennent à la ville pour travailler ou suivre leurs maris,  l’éducation à la cuisine devient une nécessité. Elle existait déjà au sein des familles, mais elle se développe à l’école, dans les nouvelles revues féminines et dans les livres de cuisine qui se multiplient. Toute femme qu’elle travaille ou non se devait d’être une maitresse de maison accomplie et l’école se chargeait  aussi de cette aspect de l’éducation des filles. La disparition de la domesticité et surtout des cuisinières remit les femmes aux fourneaux ou du moins la ramena dans les cuisines. Certaines devinrent d’admirables cuisinières.
Le grand tournant se fait dans la seconde moitié du 20ème siècle avec les progrès techniques qui libèrent les femmes des travaux ménagers et leur entrée massive dans le monde du travail. Il en résulta deux choses, d’abord une augmentation de leur pouvoir d’achat et un désintérêt des tâches ménagères dans lesquelles on incluait la préparation des repas. Cela coïncidait également avec le principe d’une société de consommation érigée en mode de vie. La cuisine devint un lieu qui devait être aussi beau que les autres pièces. Et voici que naquit les cuisines intégrées et les cuisinistes. La cuisine s’exhibe et on y retourne manger. Vive les éléments de cuisine bien pensés, fonctionnels et beaux, dans lesquels s’encastrent le four, le lave-vaisselle, le micro-onde et la plaque de cuisson, assortis à la mini table où papa, maman et les 2 enfants mangent tous les repas sur des sets de table car quand même on ne va pas mettre un beau couvert tous les jours !
Cependant l’inflation de l’immobilier entraînant la diminution de la taille de la cuisine, le plan de travail est souvent si exiguë qu’on peut difficilement y cuisiner. C’est sans importance puisque les surgelés et prêts à manger son là pour libérer la femme et éviter d’avoir de la vaisselle qui encombre et n’est pas décorative. Car la mode est aussi de recevoir dans sa cuisine. C’est tellement sympa et branché.
Finalement la cuisine s’ouvre sur les autres pièces plus de portes ni de murs, Des hottes aspirantes super puissantes, des comptoirs où l’on s’assoie comme dans un bar et où on mange vite car ce n’est pas confortable (et il y a le film qui commence bientôt !).  Retour aux habitudes du Moyen-Âge dans les humbles demeures….
Pas tout à fait quand même, car Dame Commerce veille. Par le biais des revues de cuisine et de gastronomie qui prolifèrent, des livres de cuisine qui reviennent à la mode, on va redonner aux femmes qui s’en étaient détourné le goût de la cuisine. Recettes de chefs faciles à faire, présentées comme au restaurant, plats pour les nuls aussi belles que des recettes de chefs et réalisées sans se salir les mains avec les robots et autres accessoires (mais parfois bien difficiles à caser dans les mini cuisines aménagées !). Et l’on présente ses réalisations dans d’exquises assiettes, de charmantes verrines qui viennent encore remplir les placards. Et puis les blogs culinaires font leur apparition. Et c’est l’inflation, car on peut montrer ses réalisations et sa cuisine  à  la terre entière. Le nouvel appareil ménager est l’appareil photo numérique, car on ne peut pas donner sa recette sans faire une superbe photo, et peu importe l’intérêt de la recette. Compliqué tout ça, comment concilier cuisine de tous les jours et reportage photographique ? Esthétique et cuisine familiale pour une grande tablée ? Même super woman ne peut faire 2 fois par jour, voire même seulement pour un seul repas de ravissantes présentations dignes d’un 4 étoiles où une armée de marmitons sont là pour suppléer le chef.
J’avoue ma perplexité. Et mes doutes. Ne sommes nous pas encore tombés dans un phénomène de mode où l’avoir primerai sur l’être  et l’ostentatoire sur la sincérité ?
 

Ne restons pas sur une note pessimiste. Nous espérons que cette mode aide à acheter, à cuisiner et  à manger des bons produits de saison auprès de producteurs amoureux et respectueux de leurs produits et de leurs clients, à prendre du temps pour faire plaisir aux autres, à revenir à des plaisirs simples.

 

le 18.09.06 à 18:54 dans Autour de la nourriture
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