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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Lacuisine amoureuse



Encore un livre de cuisine?
Oui, mais celui-là est très différent de tous les autres. S’il parle de cuisine et Marie Rouanet en parle beaucoup, il en parle avec poésie, sensualité, simplicité et gourmandise.
Le titre est très intéressant, regardons chaque terme :
-          Amoureuse, certes Marie Rouanet est une cuisinière amoureuse, amoureuse des saisons qui donnent des plaisirs éternellement renouvelés mais toujours nouveaux. Amoureuse des produits de la terre et des bonheurs culinaires simples. Amoureuse des souvenirs olfactifs et gustatifs de son enfance. Amoureuse car généreuse : plaisir de cuisiner pour donner du plaisir aux autres.
-          Courtoise, car la cuisine de Marie Rouanet rejoint l’amour courtois dans son attente (des saisons, des cuissons, des repas). Le but de cette cuisine courtoise est d’offrir un plat parfait pour un fugitif instant, avec des plats simples, économes. La courtoisie de ne pas lier la bonne cuisine et le plaisir des repas à un porte-monnaie bien rempli.
-          Occitane Marie Rouanet l’est, en effet, empreinte des traditions, des produits de saison, des saveurs et des odeurs de son terroir.
On s’offre un vrai moment de bonheur, un peu nostalgique, qui est le reflet d’un art de vivre simple où m’on prend le temps de faire les choses.
C’est l’évocation de toutes les cueillettes de fruits et légumes sauvages, de champignons, des parties de pèche et des retours de chasse. Des quêtes de nourriture au cours desquelles le temps est aboli et d’où on rapporte des nourritures pour lequel il faut aussi prendre le temps de bien les préparer : plumage des oiseaux, cuisine de la soupe de crabe, épluchage et multiples cuissons lentes des gelées de fruits sauvages.
Ce sont les lents mijotages, les pâtes qui lèvent,  les graines qui germent et qui poussent, l’attente des légumes et fruits de saison, les odeurs qui flottent dans la maison, les belles tables nappées aux couverts rutilants et aux assiettes généreuses.  
Ce sont les rites culinaires saisonniers liés aux fêtes du calendrier, aux rites des saisons : la cuisine du cochon, les plats de Noël, les beignets et crêpes des jours de fêtes d’hiver, les « tomata » de juillet et l’écossage des haricots. Toujours suivis de la manière la plus réjouissante pour le palais de les cuisiner. Le livre est une manière d’éphéméride où chaque mois apporte son lot de recettes et de bonheur gustatif.
Marie Rouanet écrit  d’une plume avec une vraie sensualité amoureuse, un réel plaisir gourmand, un authentique bonheur d’exister. C’est un hymne à la vie ou comment faire d’une obligation vitale, se nourrir et nourrir sa famille quotidiennement, un bonheur de chaque instant. Où chaque plat porte le souvenir d’un rayon de soleil, d’une lumière particulière, d’un endroit, d’un moment de la journée ou de l’année. Ou chaque bouchée dégustée provient d’une lente maturation ou gestation, de l’amour de la cuisinière pour ce qu’elle cuisine et pour ceux à qui elle offre ses plats.
Je ne résiste pas au plaisir, puisqu’il n’est question que de cela, de vous faire partager les lignes que Marie Rouanet écrit sur l’attente. 
Porter les sens à incandescence suppose toute une économie. Montaigne nous disait qu’il faut « étudier, savourer, ruminer tout contentement », le sonder, « plier la raison à le recueillir » pour qu’il n’échappe pas stupidement.
Cela suppose en premier lieu de cultiver le désir. Et à table le désir s’appelle la faim… Je pense à ce carnet de guerre, rédigé par un prisonnier dans un stalag d’Allemagne, entre 40 et 42 et où il nota les recettes que ces hommes privés du nécessaire se racontaient entre eux en salivant. .. Une exacerbation du désir sert le plaisir final. Mâcher à l’avance chaque bouchée, rêver sur les ingrédients, leur provenance, avoir l’eau à la bouche rien que d’y penser, évoquer les odeurs… voilà de quoi multiplier le contentement. « Petites tripes d’agneau de lait » disait le carnet, « les nettoyer dans plusieurs eaux, la dernière étant vinaigrée. Faire cuire dans un bouillon bien aromatisé (ail, thym, laurier, poivre) où on aura coupé une carotte en très petits morceaux, une branche de céleri de même. Longue cuisson. Le jus doit réduire… » J’imagine ces hommes, dans le froid de leur baraquement, le ventre creux et la cervelle pleines d’images alléchantes.

Certes on ne peut prôner la privation systématique… Mais, un jeûne préparatoire et voulu en souriant d’aise ?  Mais, une austérité générale ? La cuisine courtoise n’aime pas les estomacs distendus, les lourdeurs d’après repas. Elle suppose l’appétit et, paradoxalement, les gens maigres. Le tastevin n’est pas un ivrogne et l’amateur de fine cuisine est une sorte d’ascète ? Ne craignez rien, je vous voie faire la moue. On peut rêver et attendre sans vraiment mourir de faim. Il est possible d’arriver aux repas avec un appétit convenable, si on use généralement de modération. Comme, alors, sont délectables et apéritifs les odeurs et les bruits de la cuisine ! 

La Cuisine Amoureuse, Courtoise et Occitane

Marie Rouanet

Editions Loubatières

le 12.08.05 à 22:19 dans Livres
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Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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