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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Jeudi 21 Février 2019

 Et pour se reposer de toutes ces agapes et repas plantureux, voici deux textes qui chantent la sobriété. Le premier d'Erri de Lucca dans Montedidio dépeint le simple dîner d'un homme pauvre dans une humble chambre et il en fait un tableau digne d'un grand maître du clair obscur. 

Le dîner de Raffaniello :
« Là où il habite, une chambre qui était un débarras, il n’y a pas de lumière électrique. Le soir, il allume une bougie. Il la pose sur une chaise, il dit qu’il faut qu’elle soit basse car la lumière veut monter. Il dit aussi que la bougie éclaire l’obscurité, elle ne la chasse pas. Au feu de la mèche, le verre de vin s’allume, l’huile brille, le pain sent le feu et se met à sentir bon. Qu’est ce que vous mangez d’autre ? lui dis-je. Un oignon, dit-il, comme il est beau près de la bougie, on a plutôt envie de l‘embrasser que de le couper. Puis il y met de l’origan, le sel scintille quand il en fait tomber une pincée sur l’assiette devant la lumière. Pendant qu’il me parle de ces choses connues, je m’aperçois que je ne les ai jamais vues sous une bougie. Elles semblent meilleures. Elles sont nourrissantes… »

Le second est écrit par Marie Rouanet et est tité de son ouvrage "La cuisine amoureuse, occitane et courtoise" et vante le plaisir de l'attente qui attise la gourmandise en éveillant les sens.

"Porter les sens à incandescence suppose toute une économie. Montaigne nous disait qu’il faut « étudier, savourer, ruminer tout contentement », le sonder, « plier la raison à le recueillir » pour qu’il n’échappe pas stupidement.

Cela suppose en premier lieu de cultiver le désir. Et à table le désir s’appelle la faim… Je pense à ce carnet de guerre, rédigé par un prisonnier dans un stalag d’Allemagne, entre 40 et 42 et où il nota les recettes que ces hommes privés du nécessaire se racontaient entre eux en salivant. .. Une exacerbation du désir sert le plaisir final. Mâcher à l’avance chaque bouchée, rêver sur les ingrédients, leur provenance, avoir l’eau à la bouche rien que d’y penser, évoquer les odeurs… voilà de quoi multiplier le contentement. « Petites tripes d’agneau de lait » disait le carnet, « les nettoyer dans plusieurs eaux, la dernière étant vinaigrée. Faire cuire dans un bouillon bien aromatisé (ail, thym, laurier, poivre) où on aura coupé une carotte en très petits morceaux, une branche de céleri de même. Longue cuisson. Le jus doit réduire… » J’imagine ces hommes, dans le froid de leur baraquement, le ventre creux et la cervelle pleines d’images alléchantes.

Certes on ne peut prôner la privation systématique… Mais, un jeûne préparatoire et voulu en souriant d’aise ?  Mais, une austérité générale ? La cuisine courtoise n’aime pas les estomacs distendus, les lourdeurs d’après repas. Elle suppose l’appétit et, paradoxalement, les gens maigres. Le tastevin n’est pas un ivrogne et l’amateur de fine cuisine est une sorte d’ascète ? Ne craignez rien, je vous voie faire la moue. On peut rêver et attendre sans vraiment mourir de faim. Il est possible d’arriver aux repas avec un appétit convenable, si on use généralement de modération. Comme, alors, sont délectables et apéritifs les odeurs et les bruits de la cuisine ! "

- 15:46 - rubrique Nourriture et littérature - Permalien - 0 commentaires

Lundi 18 Février 2019

Laurent Gaudé, un de nos bons écrivains français et ils ne sont pas si nombreux que cela, décrit dans son roman "Sous le soleil des Scorta" (collection Babel chez Actes Sud) un repas familial remarquable par sa simplicité et son abondance. Simplicité des recettes réalisées à partir des produits de la mer pèchés par l'hôte de ce repas et avec riz et pâtes et abondance des plats offerts par des hôtes qui veulent concenter leurs invités qui leur sont chers.. 
Ce repas célèbre le plaisir de se retrouver et de bien manger pour des gens dont le quotidien est aléatoire, qui vivent de peu et pour qui un bon repas est important et se remplir le ventre une nécessité. 

J'ai choisi pour l'illustrer un tableau de Renoir qui se passe au bord de l'eau et montre le plaisir simple de se retrouver autour d'une table.

 
« Ils étaient une quinzaine à table et ils se regardèrent un temps, surpris de constater à quel point le clan avait grandi. Raffaele rayonnait de bonheur et de gourmandise. Il avait tant rêvé de cet instant. Tous ceux qu’il aimait étaient là, chez lui, sur son trabucco. Il s’agitait d’un coin à un autre du four à la cuisine, des filets de pêche à la table, sans relâche, pour que chacun soit servi et ne manque de rien.

Ce jour resta gravé dans la mémoire des Scorta. Car pour tous, adultes comme enfants, ce fut la première fois qu’ils mangeaient ainsi. L’oncle Faelucc’ avait fait les choses en grand. Comme antipasti, Raffaele et Guiseppina apportèrent sur la table une dizaine de mets. Il y avait des moules grosses comme un pouce, farcies avec un mélange à base d’œuf, de mie de pain et de fromage. Des anchois marinés dont la chair était ferme et fondait sous la langue. Des pointes de poulpes. Une salade de tomates et de chicorée. Quelques fines tranches d’aubergines grillées. Des anchois frits. On se passait les plats d’un bout à l’autre de la table. Chacun piochait avec le bonheur de n’avoir pas à choisir et de pouvoir manger de tout.

Lorsque les assiettes furent vides, Raffaele apporta sur la table deux énormes saladiers fumants. Dans l’un, les pâtes traditionnelles de la région : les troccoli à l’encre de seiche. Dans l’autre, un risotto aux fruits de mer. Les plats furent accueillis avec un hourra général qui fit rougir la cuisinière. C’est le moment où l’appétit est ouvert et où l’on croit pouvoir manger pendant des jours. Raffaele posa également cinq bouteilles de vin du pays. Un vin rouge, rugueux, et sombre comme le sang du Christ. La chaleur était maintenant à son zénith. Les convives étaient protégés du soleil par une natte de paille, mais on sentait, à l’air brûlant, que les lézards eux-mêmes devaient suer.

Les conversations naissaient dans le brouhaha des couverts – interrompues par la question d’un enfant ou par un verre de vin qui se renversait. On parlait de tout et de rien. Guiseppina racontait comment elle avait fait les pâtes et le risotto. Comme si c’était encore un plaisir plus grand de parler de nourriture lorsque l’on mange. On discutait. On riait. Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se vide jamais.

Lorsque les grands plats furent vides, tous étaient rassasiés. Ils sentaient leur ventre plein. Ils étaient bien. Mais Raffaele n’avait pas dit son dernier mot. Il apporta en table cinq énormes plats remplis de toute sorte de poissons pêchés le matin même. Des bars, des dorades. Un plein saladier de calamars frits. De grosses crevettes roses grillées au feu de bois. Quelques langoustines même. Les femmes, à la vue des plats, jurèrent qu’elles n’y toucheraient pas. Que c’était trop. Qu’elles allaient mourir. Mais il fallait faire honneur à Raffaele et Guiseppina. Et pas seulement à eux. A la vie également qui leur offrait ce banquet qu’ils n’oublieraient jamais. On mange dans le Sud avec une sorte de frénésie et d’avidité goinfre. Tant qu’on peut. Comme si le pire était à venir. Comme si c’était la dernière fois qu’on mangeait. Il faut manger tant que la nourriture est là. C’est une sorte d’instinct panique. Et tant pis si on s’en rend malade. Il faut manger avec joie et exagération.

Les plats de poissons tournèrent et on les dégusta avec passion. On ne mangeait plus pour le ventre mais pour le palais. Mais malgré toute l’envie qu’on en avait, on ne parvint à venir à bout des calamars frits. Et cela plongea Raffaele dans un sentiment d’aise vertigineux. Il faut qu’il reste  des mets à table, sinon, c’est que les invités n’ont pas eu assez. A la fin du repas, Raffaele se tourna vers son frère Guiseppe et lui demanda en lui tapotant le ventre : « Pancia piena ? » Et tout le monde rit, en déboutonnant sa ceinture ou en sortant son éventail. La chaleur avait baissé mais les corps repus commençaient à suer de toute cette nourriture ingurgitée, de toute cette joyeuse mastication. Alors Raffaele apporta en table des cafés pour les hommes et trois bouteilles de digestifs : une de grappa, une de limoncello et une d’alcool de laurier……
Le repas était fini. Quatre heures après s’être mis à table, les hommes s’étaient jetés en arrière sur leurs chaises, les enfants étaient allés jouer dans les cordages et les femmes avaient commencé à débarrasser.

Ils étaient maintenant tous épuisés comme après une bataille. Epuisés mais heureux. Car cette bataille-là, ce jour-là, avait été gagnée. Ils avaient joui, ensemble, d’un peu de vie. Ils s’étaient soustraits à la dureté des jours. Ce repas resta dans toutes les mémoires comme le grand banquet des Scorta. Ce fut la seule fois où le clan se retrouva au complet.  Si les Scorta avaient eu un appareil photo, ils auraient immortalisés cet après-midi de partage….. »

- 12:09 - rubrique Nourriture et littérature - Permalien - 0 commentaires

Jeudi 14 Février 2019

 Une manière de continuer la dernière chronique.
Dans " Aventures d'un gourmand voyageur ", édité chez Christian Bourgois, Jim Harrison, livre la recette d'un sacré gueuleton qu'il prépare à sa chienne préférée et à lui même avec la grouse qu'ils ont chassée ensemble. Une union humaine et animale dans le plaisir de chasser et de manger.  

De retour au chalet, le lui ai frit le cœur et le foie de la grouse, qu’elle a mangés en agitant violemment la queue. Le gésier de l’oiseau était bourré de feuilles de tremble, de gaulthéries desséchées et de myrtilles. En cette fin d’automne, je discernais le cœur mûr de l’été. J’ai mis de côté la daube que j’avais pour le dîner. J’ai placé le contenu du gésier dans la cavité de l’oiseau pour aromatiser la chair, ajoutant un tapis de feuilles de sauge fraîches, puis j’ai enduit la peau de beurre, de citron et de poivre, et je l’ai rôti. Par chance, j’avais un récipient plein de bouillon de bécasse pour préparer une sauce, ainsi qu’un noble tuscan isole à boire. J’ai donné la moitié du blanc de l’aile à la chienne, dont la respiration est devenue sifflante et qui s’est mise à péter d’aise, arborant son étrange sourire canin, les oreilles rabattues vers la nuque, les yeux plissés, et elle a frémi de plaisir, son œil aveugle me rappelant presque agréablement le mien.”

L’un des derniers chapitres est consacré à une recette de boulettes à la viande, exquis accompagnement de spaghetti, qui, dixit l’auteur, devrait apporter une cargaison de puissance et de grâce dans votre existence. On le croit sur parole.

- 12:10 - rubrique Nourriture et littérature - Permalien - 0 commentaires

Mercredi 30 Janvier 2019

 On continue la série des descriptions de repas mémorables dans la littérature avec le "Repas de noces" d’Emma Bovary. Flaubert, une fois de plus, dresse un tableau remarquablement vivant et évocateur d'un repas lors d'une noce campagnarde, tel qu'il avait pu en voir dans sa Normandie natale.On y remarque son amour de la bonne chère et son regard acéré qui porte un regard fort réaliste sur les manières de tables.


Repas de noces à Yport de Albert-Auguste Fourie 1886

"C’était sous le hangar de la charreterie que la table était dressée. Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassées de poulet, du veau à la casserole, trois gigots et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de quatre andouilles à l’oseille. Aux angles se dressait l’eau-de-vie dans les carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse épaisse autour des bouchons et tous les verres d’avance avaient été rempli jusqu’au bord. De grands plats de crème jaune, qui flottaient d’eux-mêmes au moindre choc de la table, présentaient dessinés sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux époux en arabesque de nonpareille.

On avait été cherché un pâtissier à Yvetot, pour les tourtes et les nougats. Comme il débutait dans le pays, il avait soigné les choses et il apporta lui-même,  au dessert, une pièce montée qui fit pousser des cris. A la base d’abord c’était un carré de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes en stuc tout autour, dans des niches constellées d’ étoiles en papier doré; puis se tenait au second étage un donjon en biscuit de Savoie, entouré de menus fortifications en angélique, amandes, raisins secs, quartiers d’oranges ; et enfin sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il y avait des rochers, avec des lacs de confiture et des bateaux en écales de noisettes, on voyait un petit amour se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient terminés par deux boutons de roses naturelles en guise de boules au sommet.

Jusqu’au soir on mangea. Quand on était trop fatigué d’être assis, on allait se promener dans les cours ou jouer une partie de bouchon dans la grange. Puis on revenait à table. Quelques-uns, à la fin, s’y endormirent et ronflèrent. Mais au café tout se ranima, on entama des chansons, on fit des tours de force, on portait des poids, on passait sous son pouce, on essayait à soulever les charrettes sur ses épaules, on disait des gaudrioles, on embrassait les dames. Le soir, pour partir, les chevaux gorgés d’avoine jusqu’aux naseaux eurent du mal à entrer dans les brancards. » 
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Lundi 21 Janvier 2019

Il existe dans la littérature des récits  de repas absolument remarquables qui donnent à voir les mentalités des époques où vivaient et vivent les auteurs et le goût de ces derniers pour la chose culinaire. Les XIXe siècle, siècle des écrivains réalistes et naturalistes est riche en descriptions d'agapes, de dîners, de soupers entre amis et de grands repas que ne dédaignerait pas le célèbre gaulois Obélix. 
Nous allons commencer par Flaubert, pour qui la table était une affaire importante. Dans Salammbô, il débute le roman par le récit d'un banquet étonnant. Héritier de Rabelais, par le nombre de mets offerts aux convives mais homme de son temps par le désir de faste et de raffinement.

C'est une description qui commence par une ouverture qui a un  rythme remarquable:
"C'était à Mégare, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar" .

Le décor est posé. Entrons dans ce jardin et observons les convives, les mercenaires recrutés par Hamilcar,  et la mise en place du repas:

"Ils s'alongeaient sur des coussins, ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux ou bien, couchés sur le ventre, ils tiraient à eux les morceaux de viande, et se rassasiaient appuyés sur les coudes, dans la pose pacifique des lions lorsqu'ils dépècent leur proie. Les derniers venus, debout contre les arbres regardaient les tables basses disparaissant à moitié sous des tapis d'écarlate et attendaient leur tour. Les cuisines d'Hamilcar n'étant pas suffisantes, le Conseil leur avait envoyé des esclaves, de la vaisselle, des lits; et l'on voyait au milieu du jardin, comme sur un champ de bataille où l'on brûle les morts, de grands feux clairs où rôtissaient des boeufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages plus lourds que des disques, et les cratères pleins de vin, et les canthares pleins d'eau auprès des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux; çà et là les chansons commençaient."

Avec quoi Halmilcar allait-il rassasier ses mercenaires? Les mets décrits réunissent la quantité et la qualité, une délicatesse qui s'oppose au gigantisme, Apicius versus Carême.

"D'abord on leur servit des oiseaux à la sauce verte, dans des assiettes d'argile rouge rehaussé de dessins noirs, puis toutes les espèces de coquillages que l'on ramasse sur les côtes puniques, des bouillies de froment, de fève, d'orge, et des escargots au cumin sur des plats d 'ambre jaune. Ensuite les tables furent couvertes de viandes: antilopes avec leurs cornes, paons avec leurs plumes, moutons entiers cuits au vin doux, gigots de chamelles et de buffles, hérissons au garum, cigales frites et loirs confits. Dans des gamelles de bois de Tamrapanni flottaient, au milieu du safran, de grands morceaux de graisse. Tout débordait de saumure, de truffes et d'assa foatida. Les pyramides de fruits s'éboulaient sur les gâteaux de miel, et l'on avait pas oublié quelques uns de ces petits chiens à gros ventre et soies roses que l'on engraissait avec du marc d'olive, mets carthaginois en abomination aux autres peuples."

Je passe sous silence la description des manières de manger de ces mercenairse qui restent des barbares et qui permet à Flaubert de distinguer  les diverses origines de ces soldats. Car ensuite, répond à ce fastueux repas, les largesses d'Hamilcar envers le peuple de Carthage dont la ville fut rasée et qui souffre de la faim. De nouveau, le décor est planté, la distribution des mets peut commencer:

"
Carthage était en joie, une joie profonde, universelle, démesurée, frénétique; on avait bouché les trous des ruines, repeint les statues de dieux, des branches de myrte parsemaient les rues, au coin des carrefours l'encens fumait, et la multitude sur les terrasses faisait avec ses vêtements bigarrés comme des tas de fleurs qui s'épanouissaient dans l'air. Le continuel glapissement des voix était dominé par le cri des porteurs d'eau arrosant les dalles; des esclaves d'Hamilcar offraient en son nom de l'orge grillé et des morceaux de viande crue... Le festin alait durer toute la nuit et les lampadaires à plusieurs branches étaient plantés comme des arbres, sur les tapis de laine peinte qui enveloppaient les tables basses. de grandes buires d'électrum, des amphores de verre bleu, des cuillères d'écaille et des petits pains ronds se pressaient dans la double série des assiettes à bordures de perles; des grappes de raisin avec leurs feuilles étaient enroulées comme des thyrses à des ceps d'ivoire; des blocs de neige fondaient sur des plateaux d'ébène, et des limons de grenades, des courges et des pastèques faisaient des monticules sous les hautes argenteries; des sangliers, la gueule ouverte, se vautraient dans la poussière des épices; des lièvres couverts de leurs poils paraissaient bondir entre les fleurs; des viandes composées emplissaient des coquilles; les pâtisseries avaient des formes symboliques; quand on retirait les cloches des plats, il s'envolait des colombes."

Là encore, l'abondance le dispute au luxe et le faste à la beauté. toute peine est abolie. La nourriture comme récompense et réconfort après la souffrance. Après les épées, les colombes. 
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Dimanche 11 Septembre 2011

 
SUR LE PRESSOIR

Sous les étoiles de septembre
Notre cour à l'air d'une chambre
Et le pressoir d'un lit ancien;
Grisé par l’odeur des vendanges
Je suis pris d'un désir étrange
Né du souvenir des païens.

 

Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie?
Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Margot, Margot ma jolie!

Parmi les grappes qui s'étalent
Comme une jonchée de pétales
O ma bacchante roulons-nous
J'aurais l'étreinte rude et franche
Et les tressauts de ta chair blanche
Écraseront les raisins doux

 

Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie?
Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Margot, Margot ma jolie!

Sous les baisers et les morsures,
Nos bouches et les grappes mûres
Mêleront leur sang généreux;
Et le vin nouveau de l'Automne
Ruissellera jusqu'en la tonne,
D'autant plus qu'on s'aimera mieux!

 

Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie?
Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Margot, Margot ma jolie!

Au petit jour dans la cour close
Nous boirons la part du vin rose
Œuvré de nuit par notre amour;
Et, dans ce cas tu peux m'en croire,
Nous aurons pleine tonne à boire
Lorsque viendra le petit jour!

 

Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie?
Couchons ce soir
Tous les deux sur le pressoir
Margot, Margot ma jolie!

Gaston Couté

Cette poésie a été mise en musique et fort bien chantée par un groupe qui s’appelait La Tordue. Elle m'a semblée convenir parfaitement à cette période de vendanges.

 
 
 

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Lundi 29 Août 2011

Babette… un jour de décembre, annonça triomphalement à ses maîtresses que les provisions étaient arrivées à Christiana et avaient été chargées ensuite sur un bateau à destination de Berlewaag où on les avait débarquées le jour même….

«  Mais quelle provisions, Babette ? demandèrent Martine et Philippa.

Et bien ! Mesdames ! Les provisions pour le dîner d’anniversaire ! Dieu soit loué ! Elles sont arrivées de Paris en parfait état ! »…….

Pourtant Martine sursauta en apercevant un chargement de bouteilles qui arrivait dans la cuisine. Elle prit une des bouteilles et dit à voie basse :

« Qu’y a-t-il dedans, Babette ? Ce n’est pas du vin, j’espère ?

- Du vin, Madame ? s’écria Babette. Oh ! Non ! C’est du Clos Vougeot 1846. »

Et elle ajouta :

- Il vient de chez Philippe, rue Montorgueil. »

Martine ne s’était jamais doutée que les vins puissent porter des noms ; elle fut donc contrainte de garder le silence sur ce point-là.

 

Karen Blixen, le Festin de Babette

 

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Lundi 22 Août 2011

 « ’J’ai été très bien élevée. Pour preuve première d’une affirmation aussi catégorique, je dirai que je n’avais pas plus de trois ans lorsque mon père me donna à boire un plein verre à liqueur d’un vin mordoré, envoyé de son Midi natal : le muscat de Frontignan.

Coup de soleil ; choc voluptueux, illumination des papilles neuves ! Ce sacre me rendit à jamais digne du vin. Un peu plus tard j’appris à vider mon gobelet de vin chaud aromatisé de cannelle et de citron, en dînant de châtaignes bouillies. A l’âge où l’on lit à peine, j’épelai, goutte à goutte, des bordeaux rouges anciens et légers, d’éblouissant Yquem. Le champagne passa à son tour, murmure d’écume, perles d’air bondissantes, à travers des banquets d’anniversaire et de première communion, il arrosa les truffes grises de la Puisaye… Bonnes études, d’où je me haussai à l’usage familier et discret du vin, non point avalé goulûment, mais mesuré dans des verres étroits, absorbé à gorgées espacées, réfléchies.

C’est entre la onzième et la quinzième année que se parfit un si beau programme éducatif. Ma mère craignait qu’en grandissant je ne prisse les « pâles couleurs ». Une à une, elle déterra, de leur sable sec, des bouteilles qui vieillissaient sous notre maison, dans une cave – elle est, Dieu merci, intacte – minée à même un bon granit. J’envie, quand j’y pense, la gamine privilégiée que je fus. Pour accompagner au retour de l’école mes en-cas modestes –côtelette, cuisse de poulet froid ou l’un de ces fromages durs, « passé » sous la cendre de bois et qu’on rompt en éclats, comme une vitre, d’un coup de poing – j’eus des Château-Larose, des Château-Lafite, des Chambertin et des Corton qui avaient échappé, en 70, aux « Prussiens ». Certains vins défaillaient, pâlis et parfumés encore comme la rose morte ; ils reposaient sur une lie de tannin qui teignait la bouteille, mais la plupart gardaient leur ardeur distinguée, leur vertu roborative. Le bon temps !

J’ai tari le plus fin de la cave paternelle, godet à godet, délicatement… Ma mère rebouchait la bouteille entamée, et contemplait sur mes joues la gloire des crus français. »

Colette, Prisons et paradis

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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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