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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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plaisir des sens

 Et pour se reposer de toutes ces agapes et repas plantureux, voici deux textes qui chantent la sobriété. Le premier d'Erri de Lucca dans Montedidio dépeint le simple dîner d'un homme pauvre dans une humble chambre et il en fait un tableau digne d'un grand maître du clair obscur. 

Le dîner de Raffaniello :
« Là où il habite, une chambre qui était un débarras, il n’y a pas de lumière électrique. Le soir, il allume une bougie. Il la pose sur une chaise, il dit qu’il faut qu’elle soit basse car la lumière veut monter. Il dit aussi que la bougie éclaire l’obscurité, elle ne la chasse pas. Au feu de la mèche, le verre de vin s’allume, l’huile brille, le pain sent le feu et se met à sentir bon. Qu’est ce que vous mangez d’autre ? lui dis-je. Un oignon, dit-il, comme il est beau près de la bougie, on a plutôt envie de l‘embrasser que de le couper. Puis il y met de l’origan, le sel scintille quand il en fait tomber une pincée sur l’assiette devant la lumière. Pendant qu’il me parle de ces choses connues, je m’aperçois que je ne les ai jamais vues sous une bougie. Elles semblent meilleures. Elles sont nourrissantes… »

Le second est écrit par Marie Rouanet et est tité de son ouvrage "La cuisine amoureuse, occitane et courtoise" et vante le plaisir de l'attente qui attise la gourmandise en éveillant les sens.

"Porter les sens à incandescence suppose toute une économie. Montaigne nous disait qu’il faut « étudier, savourer, ruminer tout contentement », le sonder, « plier la raison à le recueillir » pour qu’il n’échappe pas stupidement.

Cela suppose en premier lieu de cultiver le désir. Et à table le désir s’appelle la faim… Je pense à ce carnet de guerre, rédigé par un prisonnier dans un stalag d’Allemagne, entre 40 et 42 et où il nota les recettes que ces hommes privés du nécessaire se racontaient entre eux en salivant. .. Une exacerbation du désir sert le plaisir final. Mâcher à l’avance chaque bouchée, rêver sur les ingrédients, leur provenance, avoir l’eau à la bouche rien que d’y penser, évoquer les odeurs… voilà de quoi multiplier le contentement. « Petites tripes d’agneau de lait » disait le carnet, « les nettoyer dans plusieurs eaux, la dernière étant vinaigrée. Faire cuire dans un bouillon bien aromatisé (ail, thym, laurier, poivre) où on aura coupé une carotte en très petits morceaux, une branche de céleri de même. Longue cuisson. Le jus doit réduire… » J’imagine ces hommes, dans le froid de leur baraquement, le ventre creux et la cervelle pleines d’images alléchantes.

Certes on ne peut prôner la privation systématique… Mais, un jeûne préparatoire et voulu en souriant d’aise ?  Mais, une austérité générale ? La cuisine courtoise n’aime pas les estomacs distendus, les lourdeurs d’après repas. Elle suppose l’appétit et, paradoxalement, les gens maigres. Le tastevin n’est pas un ivrogne et l’amateur de fine cuisine est une sorte d’ascète ? Ne craignez rien, je vous voie faire la moue. On peut rêver et attendre sans vraiment mourir de faim. Il est possible d’arriver aux repas avec un appétit convenable, si on use généralement de modération. Comme, alors, sont délectables et apéritifs les odeurs et les bruits de la cuisine ! "

le 21.02.19 à 15:46 dans Nourriture et littérature
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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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