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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Gaspillage alimentaire

 Il ne vous aura pas échappé que cette semaine des chefs et des personnalités se sont mobilisés pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Cela fait du bruit dans le landerneau journalistique qui en fait le thème de journaux et d’émissions. Les chefs ont nourris plusieurs milliers de convives à Lille en cuisinant des aliments encore consommables prêts à être jetés. En effet, les poubelles des particuliers et celles des grands enseignes de l’agroalimentaire débordent d’emballages pleins et le geste de jeter immédiatement à la poubelle des plats à moitié mangés est quotidien dans nombre de cuisine. Les chiffres de ce gaspillage donnent la nausée. Il ne suffit pas de s’émouvoir quelques instants par an, regardons plutôt les causes et les moyens de lutter contre cette désastreuse et immorale tendance.

 
 

Des chiffres

Les chiffres sont éloquents, même s’ils varient selon les sources. Nous pouvons lire sur le site Planetoscope :

 

 

« Chaque année, en France, plus de 2,3 millions de tonnes de nourriture seraient gaspillés dans la distribution. Dans la restauration collective et commerciale, le gaspillage se monte à 1,5 million de tonnes.

 

 Au sein même des foyers, pour 67 millions de Français qui jettent 100 kilos par personne et par an, cela donne 6,5 millions de tonnes. Au total, en France, sans comptabiliser les pertes de la production agricole, plus de 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, soit 155 kilos par Français. (Sources : Rapport d’Urban Food Lab pour le ministère de l’Agriculture, et FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), 2011

 

 Selon France Nature Environnement en 2012, les chiffres sont différents : chaque Français jetterait 20 kilos d'aliments chaque année, ce qui représente 1.2 million de tonnes de nourriture qui finissent à la benne.

 

 Chaque année, nous jetons environ 7 kilos de produits non déballés et non consommés par personne. D’après une étude réalisée par Verdicité et FNE, nous pouvons estimer que le gaspillage alimentaire représente 10% des déchets ménagers et assimilés. Les foyers jettent, en moyenne, entre 500 et 1500 € par an de nourriture encore consommable. »

 

En des temps où la restriction budgétaire est de mise !

 

Au-delà de cette bataille des chiffres, 1,3 milliards de tonnes, c'est-à-dire 750 milliards d’€ d’aliments sont jetés chaque année dans le monde, 43% seulement des produits alimentaires cultivés sont consommés par des humains… 

Pour compléter le tableau, nous jetterions par personne 13 kg de fruits et légumes abîmés, de restes consommables et de produits non consommés. Le gaspillage familial représente 42%. Nous sommes acteurs de ce gaspillage. Car derrière ces aliments jetés, il y a leur ramassage et leur traitement.

 
 

Pourquoi jetons-nous la nourriture ?

C’est un phénomène assez récent lié à notre société de consommation et à nos nouveaux comportements d’achats. Notre mère, notre grand-mère faisait ses courses près de chez elle, portant son panier à la main ou tirant son panier à roulettes. De taille modeste, on ne pouvait y mettre que ce dont on avait besoin immédiatement. Les aliments mis dans des sacs en papier ou enroulés dans du papier journal étaient cuisinés le jour même ou le lendemain. Tous les foyers n’étaient pas forcément équipés de réfrigérateur, mais on ne gaspillait pas la nourriture. Il y avait encore un respect pour une nourriture qui représentait une valeur. Une valeur ancestrale générée par des craintes de famines ou de disettes qui ont constituées le lot de bon nombre de français et d’européens durant des siècles. Les pays développés avaient gagné leur auto suffisance alimentaire, mais le contact quotidien avec le producteur donnait un prix et un sens à ce que nous mangions. Et personne ne trouvait anormal de payer la nourriture à son prix de manière à rétribuer correctement le producteur. Comme on respectait la nourriture, on ne la jetait pas. Les restes étaient cuisinés, la cuisine des restes avait sa place dans tous les bons livres de recettes ou était enseignée dans les écoles ménagères. A cette époque aussi, les mères de famille cuisinaient quotidiennement pour nourrir leur famille. Vous m’objecterez que les femmes étaient moins nombreuses à travailler. Certes ! Mais le soit disant manque de temps n’est pas une excuse, on trouve toujours le temps de faire ce que l’on a vraiment envie de faire.

 

 Des achats mal maitrisés

 Ces temps sont de toutes manières révolus. L’immense majorité de ceux que l’on nomme à juste titre des consommateurs poussent d’énormes caddies dans les allées des supermarchés pour s’approvisionner en nourriture environ une fois par semaine. Achats impulsifs, déterminés bien souvent par la publicité ou l’argument de prix bas.  Un immense caddy rempli d’aliments que nous rangeons dans le réfrigérateur et les placards de la cuisine. Une semaine plus tard, il reste beaucoup de choses car nous achetons plus que ce dont nous avons besoin. Résultat, des dates de péremption dépassées, des aliments tout préparés qui ne nous disent plus rien ou que nous n’avons plus envie de manger. Qui finissent à la poubelle, car il faut faire de la place pour les prochaines courses.

 Trop d’abondance, trop de facilités d’achats de nourriture industrielle à bas prix nous ont fait perdre ce respect de la valeur de la nourriture, le vrai prix de la nourriture. Et puis le bon sens a disparu de nos sociétés.

 

Des mentalités à changer

 Quoique l’on dise ce comportement de gaspillage prouve que l’on est encore un pays riche, car dans les vrais pays pauvres on ne jette pas la nourriture, elle est trop précieuse. On la cuisine, on la conserve avec respect.

 Chez nous les connaissances culinaires se sont perdues. Certes, beaucoup de français cuisinent encore mais pour beaucoup seulement le week-end ou quand on reçoit. La cuisine quotidienne s’est perdue. Ajoutons à cela la perte des savoir-faire culinaire et la perte de l’envie de cuisiner qui se cumule à des reflexes individualistes : chacun mangeant ce qu’il aime sans se soucier des autres. Donc au bout du compte, la perte de l’imagination. Car comme l’a si bien dit Raymond Dumay dans son ouvrage « De la gastronomie française » la pauvreté pousse à devenir imaginatif pour se nourrir.  Elle arrive en 4ème position après le vin, l’eau et le client et juste avant les condiments parmi les conditions nécessaires et suffisantes pour l’apparition d’une gastronomie. Partant du principe qu’elle incite les cuisiniers à utiliser les produits de la région pour en préparer des plats originaux. Et, ajoute t’il : « la polyculture, propre aux pays pauvres, ne fournit pas seulement un grand nombre de produits secondaires succulents : volailles, lapins, pigeons, etc., mais en aiguisant l’esprit elle permet de faire encore de bonnes récoltes du côté des gibiers, champignons, etc. La cuisine du savetier est meilleure que celle du financier. »

 

Il me souvient d’un article lu il y a quelques années dans lequel il était raconté comment à Cuba durant les terribles années de disettes alimentaires, les femmes inventaient toutes sortes de recettes pour utiliser les restes voire les épluchures comme des steaks à base d’écorces d’agrumes et de graines. Et d’une émission de radio durant une semaine gastronomique au cours de la quelle une femme, aide soignante, expliquait comment on avait toujours bien mangé chez elle, car elle appliquait le précepte de sa grand-mère : « Le mijotage sauve de la faim. » Elle achetait des viandes peu chères qui cuisait longuement et dont elle régalait sa famille. Ce qui détruit l’argument aussi fallacieux que celui du temps, qu’un petit budget empêche de bien se nourrir.

 

Il suffit juste de cuisiner. Quand les services sociaux organiseront-ils des cours de cuisine à destination des plus démunis. C’est plus facile de distribuer des bons d’achats mais cela leur éviterait de se nourrir de plats tout préparés à bas prix dont la valeur nutritive est nulle.

 

Relançons la cuisine familiale, découvrons ou redécouvrons celle des restes qui a donné tant de bons et délicieux plats régionaux : les petits farcis, le pounti, les soupes de poissons, le hachis parmentier, les tourtes et gratins, le pain perdu, le pudding et tant d’autres plats des restes qui ont nourri des générations.

N’achetons pas trop à l’avance ; nourrir sa famille ou soi-même mérite bien qu’on consacre à cette activité autant de temps que celui que nous passons devant la télévision. Et vu le coût de ce que l’on jette, la fréquentation des commerçants de notre quartier, selon ses besoins, permettra sans doute de gagner à la fois du temps et de l’argent et de fréquenter son voisinage immédiat. 

Quelques lectures pour mettre en pratique de bons gestes anti gaspillage:

61 recettes avec du pain
La bonne cuisine, bon marché et bonne pour la santé
Petit traité de la boulette
Les bonnes soupes du monastère
La cuisine des fonds de terroir


Mots-clés : Technorati

le 08.10.14 à 16:00 dans Coup de gueule- Coup de coeur
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Commentaires

 En effet, lutter contre le gaspillage alimentaire, c’est aussi mieux consommer et mieux manger. C’est redonner à l’alimentation et au travail de ceux qui la produisent leur juste valeur.

Melanie de Demenagement Martineau http://www.demenagementmartineau.ca

Melanie - 04.07.16 à 00:45 - # - Répondre -

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