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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Le poisson et Saint Jean de Luz

Je vous ai souvent parlé des poissons et de leur pêche. Mais aujourd’hui, je laisse la plume à Bernard Carrère, propriétaire du plus que charmant hôtel « La Devinière » à Saint Jean de Luz, membre actif du convivium Slow Food du Pays Basque, qui a commis ce texte pour annoncer une soirée autour du poisson de mer.

 

Ardent défenseur de l’un des éléments les plus attractifs, les plus significatifs et les plus originaux de ce territoire de gourmandises bordé par l’océan qu’est le Pays Basque, «Bizi Ona, le Slow Food au Pays Basque, » se devait d’aller à la rencontre de ce produit d’exception qu‘est le poisson de mer. C’est à la rencontre de ces pêcheurs en mer et de leur difficile métier que nous consacrerons notre réunion du lundi 16 juin 2008, à 19 heures précises, au Restaurant « Olatua », 30, Boulevard Thiers, à Saint-Jean-de-Luz.

Conteur devant l’Éternel, l’abbé Mikel Epalza, aumônier des marins, accompagnera également notre soirée.

 

“Les Travailleurs de La Mer...” donnent tort à “Totor”!

 

Jadis, au temps d’avant, celui où le printemps ne faisait pas le pont lorsque le mois de mai se croyait en été, le soleil du Pays Basque illuminait de ses langues de feu les eaux vives du port de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, villages d’autrefois et villes d’aujourd’hui dont les ruelles étroites serpentent vers les quais où les pêcheurs d’ici vivent au rythme vrai d’une nature belle immensément grandiose.

 

De tout temps, la ville de Saint-Jean-de-Luz doit sa renommée à l’intrépidité de ses marins. Son port fut un nid d’explorateurs proches cousins des pirates et, en temps de guerre avec les espagnols ou les anglais, de francs corsaires.

Les marins de Saint-Jean-de-Luz craignaient peu les méchants rois : on est libre quand on ne craint point d’affronter la mer où la liberté est sans bornes.

Réputés dès le onzième siècle pour la pêche à la baleine qu’ils pratiquèrent avec tant de fougue qu’il n’y en eut bientôt plus dans les eaux du Golfe de Gascogne, les pêcheurs luziens n’hésiterons pas à armer de plus gros bateaux pour aller les chercher là où elles se trouvent : à Terre-Neuve, et même aux Amériques où un équipage basque débarqua quelques années avant Christophe Colomb !

C’est à Terre-Neuve que les luziens apprirent à saler et sécher la morue, poisson jusqu’alors inconnu de l’armement de Saint-Jean-de-Luz, mais qui ne tarda pas à faire la fortune de ses armateurs et d’ouvrir pour la ville les portes de la prospérité. Celle-ci fut particulièrement grande aux XVI° et XVII° siècles, période au cours de laquelle le port de Saint-Jean-de-Luz prit une importance telle que, en 1660, sa flotte comptait plus de quatre-vingts bateaux pour environ trois mille hommes d’équipage. L’activité du port était alors considérable et c’est dans une ville riche, prospère et heureuse que le mariage de Louis XIV et de l’Infante Marie-Thérèse est célébré le 9 juin 1660.

Quelques unes des belles demeures édifiées par les riches armateurs luziens portent encore le témoignage de leur séjour et de celui de la Cour.

Louis XIV logea dans la maison Lohobiague, sa mère, s’installa dans celle de Joanoenia, propriété de la célèbre famille d’armateurs Haraneder, dont les arcades se mirent toujours dans les eaux du port. C’est dans ce “noble hôtel aux larges salles, aux grands appartements antiques, situé au coin du premier bassin face à la mer” que s’installa l’Infante Marie-Thérèse. Le Cardinal Mazarin descendit dans une maison du quai de Ciboure, à quelques pas du Couvent des Récollets où venaient le rejoindre la Reine-Mère et l’Infante pour y entendre la messe…

 

Mais ça, c’est une autre histoire que celle dont nous allons parler lors de notre réunion !

L’histoire qui nous intéresse est celle des pêcheurs, de leur travail - «Les Travailleurs de la Mer» chers à Victor Hugo - et du produit de leur pêche : le poisson !

 

 

De réunions en soirées, de conférences en dîners, les cuisiniers nous ont appris une idée simple : utiliser les plus beaux produits de la région dans le respect des saisons, les travailler avec imagination et créativité en leur donnant de la puissance pour rendre chaque préparation unique…

 

Roi indiscutable de la gastronomie basque, le poisson est un produit d’ici !

Il tient une place prépondérante sur toutes les tables de la Côte, mais aussi de l’arrière pays, en Navarre ou en Soule, régions plus éloignées.

En Pays Basque, l’art culinaire du poisson tient en quelques mots : extrême fraîcheur et préparation simple et très courte : la morue, fraîche ou salée, le colin, l’anchois et la sardine, les kokotxas (joues de merlu), le merlu sauce verte, les calamars dans leur encre ou à l’oignon, le txangurro (araignée de mer) ou l’onctueux ventre de thon grillé tout comme la dorade sont un régal sans nom …

 

Mais pour mieux les apprécier, il faut aussi connaître le métier de ceux qui nous les offrent : les pêcheurs. 

 

L’homme est en mer.

Depuis l’enfance matelot,

Il livre au hasard sombre une rude bataille.

Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut qu’il aille,

Car les petits enfants ont faim.

Il part le soir,

Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.

Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.

La femme est au logis, cousant les vieilles toiles.

Remaillant les filets, préparant l’hameçon,

Surveillant l’âtre où bout la soupe de poisson … 

Victor Hugo - La Légende des Siècles.

 

Mais que nenni, «Totor» ! comme dirait Juliette.

Ta «Légendes des Siècles» est un peu obsolète !

Aujourd’hui notre monde a changé, Cher Hugo :

Le mari reste à terre, sa femme est au bateau ! 

Que ce soit la saison du thon, de la bonite,

Qu’un arc en ciel parcourt de sa courbe inédite

La palette changeante d’une mer en furie,

La femme ne craint plus la moindre intempérie !

Que le bleu de la mer, soit gris tendre ou gris vert,

Anne-Marie Vergez, tous les jours, prend la mer …

 

Mais ce soir, c’est à terre que Anne-Marie Vergez, marin pêcheur au port de Saint-Jean-de-Luz,  nous parlera de son métier et de sa passion pour la mer.

 

La mer est plus belle

Que les cathédrales,

Nourrice fidèle,

Berceuse de râles,

La mer sur qui prie

La Vierge Marie !

Paul Verlaine - Sagesse

 

 

Ramuntxo Berria qui a le goût du bonheur, mettra notre dîner en scène : c’est le maître de salle.

En cuisine, Olivier Lataste nous offrira tout son talent. C’est avec cette complicité dans le travail que ces deux compères ont inventé Olatua pour y exercer leur métier appris dans quelques belles maisons : « Les Pyrénées » de Firmin Arrambide, le Cheval Blanc de Jean-Claude Tellechea, la Chocolaterie Henriet de Serge  Couzigou, et chez Michel Rostang. Le décor de leur adresse n’a rien de somptueusement international, ni de lourdement folklorique. Vous n’y trouverez ni bois cérusé, ni teintes à la mode basco-parisienne. Nous ne sommes pas dans une adresse «terroir caisse» pour touristes en vadrouille !

Un comptoir de bistrot, des murs où foisonnent des photos de familles et quelques tables anciennes accompagnent simplement la cuisine franche et précise d’un cuisinier généreux conjuguant modernité et classicisme lorsqu’il revisite le répertoire de la «cuisine bourgeoise» du siècle dernier, et avant-gardiste lorsqu’il s’amuse à inventer, selon son retour du marché, quelques belles gourmandises que Ramuntxo saura vous conter.  

Vous l’aurez compris; cette adresse marquée par une régularité à toute épreuve est l’une de nos «cantines» préférées. En ce drôle de printemps qui se croit en automne, elle devrait nous offrir un avant goût de l’été.

OLATUA, 30, boulevard Thiers - SAINT-JEAN-de-LUZ. - tél. 05 59 51 05 22.           

Bernard CARRERE

 

 

 

 

 


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le 26.05.08 à 09:00 dans Dégustations
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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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