Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

La morale d'Yquem

 Il m'a pris l'envie de revenir sur ce livre, paru en 2000, dont la lecture fut un réel plaisir et un grand enrichissement, un ouvrage qui exhale un parfum de nostalgie. Nostalgie à plus d'un titre car le terme "Morale" semble bien désuet, voire ringard, dans notre société "moderne" qui s'étourdit de faux débats, de scoops douteux et de pensées creuses sur le vin.

La Morale d'Yquem

Alexandre de Lur Saluces,

entretiens avec Jean-Paul Kauffmann

Grasset- Mollat éditeurs.

Si certains vrais connaisseurs et amateurs disent qu'Yquem est le seul "grand" vin qui vaille son prix, ce livre le prouve.

L'histoire d'Yquem est racontée en sept chapitres, des origines des familles Sauvage et Lur Saluces et de la naissance du domaine à l'achat de la propriété par LVMH, conséquence de graves litiges familiaux.

Cette histoire est expliquée sous forme d'entretiens entre deux personnalités remarquables, de véritables gentilshommes, j'ose dire des humanistes, respectueux l'un de l'autre et du sujet qui les occupe : Yquem, ce vin "fruit de la terre et du travail des hommes". C'est peut-être en cela que Yquem est un vin mythique, sacralisé.

J. P. Kauffmann, grand amateur et connaisseur de Bordeaux, aime Yquem et par ses questions pertinentes méne une conversation qui nous fait découvrir ce qu'est le terroir et le climat de la propriété, la manière dont sont menés les travaux de la vigne et ceux du chai, les raisons de la notoriété de ce vin extraordinaire. En face de lui, A. de Lur Saluces répond avec beaucoup de franchise, de modestie, alliées à une légitime fierté du travail bien fait qui met en valeur toute l'appelation Sauternes.

Une teneur de haut niveau, Mr de Lur Saluces est un éléveur de vins et un éleveur d'âmes.

Le ton est tout de suite donné, il s'agit de Morale, d'un sens du devoir vis à vis d'un patrimoine familial qui existe depuis quatre siècles, d'une terre, véritable don des cieux que l'on respecte, que l'on n'exploite pas, vis à vis de tous les hommes et femmes qui font quotidiennement la gloire d'Yquem, d'une honnèteté envers les amateurs de ce vin.

Il y a pages 103 et 104 une superbe définition d'Yquem: "... ce qui domine est ce sentiment d'équilibre. Equilibre entre les éléments sucrés qui pourraient être entêtants, mais qui sont contrebalancés par des touches d'amertume, voire d'acidité. Lorsqu'en finale, on abandonne le vin et qu'on l'avale, il reste quelque chose qui raconte une histoire, une histoire qui dure et qui s'étale dans le temps....Yquem, c'est l'harmonie qui évolue, dont les constituants se fondent pour donner naissance à d'autres équilibres, à des nouvelles harmonies au fil du temps".

De simples et émouvantes photos évoquent le passé et le présent d'Yquem, illustrations très justes des propos tenus par les deux protagonistes du livre.

Une évocation de Fargues et de ses remarquables vins auxquels Alexandre de Lur Saluces préte un grand soin.

Il faudra maintenant être très attentif à ce nom... qui deviendra peut-être aussi mythique qu'Yquem, c'est tout le bien que l'on peut souhaiter à Alexandre de Lur Saluces.

le 24.09.08 à 09:00 dans Livres
- Commenter -

Partagez cet article