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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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DON ALIMENTAIRE

L’évergétisme dans les cités grecques et les banquets

 Dans les sociétés plus organisées, la notion de don-/contre-don évolue. Il peut être aussi un moyen de lutter contre les famines ou d’approvisionner un pays, une ville ou une région, ravagés par une guerre ou une catastrophe naturelle. Les cités y avaient recours en faisant appel aux contributions des citoyens les plus riches pour distribuer du blé ou de la viande aux citoyens nécessiteux. Pour cela l’intention du donateur doit être pure, générosité et bienfaisance témoignant d’une volonté de préférer l’autre à soi-même. Ce qui n’est pas toujours le cas de l’évergétisme grec qui a parfois une fonction religieuse et qui n’est que rarement une forme de redistribution, mais plutôt un don ostentatoire, les évergètes grecs se faisaient plaisir à eux-mêmes comme le dit Paul Veyne.
Le don de vivres est donc une forme de tribut ou d’impôt, par exemple quand Athènes manque de ressources pour contribuer à la nourriture des citoyens, elle fait appel aux plus riches de la cité (Aristote, Politique VI, 5 (1320B) mais elle peut évoluer lorsqu’elle soumet l’économique aux objectifs du chef : donner apporte du prestige : c’est le propre de l’évergétisme car le seigneur se doit d’être généreux. « Les plus riches des cités grecques faisaient tout leur possible pour améliorer leurs cités, ils agissaient soit individuellement soit par le biais des souscriptions organisées par les cités. Ces dons de nourriture n’étaient pas purement gratuits mais répondaient souvent au désir d’assurer la concorde entre les classes et d’éviter les troubles ». (Rostovtseff, histoire économique et sociale du monde hellénistique)

Et c’est donc tout naturellement que cette pratique nous entraine vers les banquets. On annule le don en le consommant dans le don alimentaire. Les citoyens de la cité qui se rendaient aux banquets et qui mangeaient la nourriture offerte annulaient le contre-don, c’est le contraire du potlatch. Ils reconnaissaient seulement la richesse et le prestige des donateurs et cette reconnaissance est semblable à un contre don de haute valeur. On remarque un même concept dans les dons alimentaires entre égaux comme le verre ou le pain offert à l’invité, les repas offerts lors des cérémonies civiques ou familiales ou pour sceller des alliances privées : les mariages ou publiques, les repas d’affaires pour sceller des contrats.

L'ambassade à Achille (livre IX de l'Iliade)
source Wikipedia

Un des plus ancien texte écrit, l’Iliade nous en donne un exemple au chant IX : Nestor envoie une délégation pour fléchir Achille qui les reçoit en leur offrant un repas : 

« - Salut ! Venez-vous en amis, ou est-ce une grande nécessité qui vous amène ? […] ayant ainsi parlé, le divin Achille les fit avancer et asseoir sur des sièges allongés et des tapis de pourpre. Et tout aussitôt il adressa la parole à Patrocle, qui se tenait près de lui.

-          Poses un plus grand cratère, fils de Menetois ; force le mélange, et prépare une coupe à chacun, car ils sont sous mon toit les hommes que je chéris le plus.

[…] Achille alors à lueur du feu, tira la grande table à découper les viandes ; il y plaça les dos d’un mouton et d’une chèvre grasse, et l’échine florissante de graisse d’un porc appétissant. Automédon tenait les viandes et le divin Achille les tranchait, les dépeçait en menus morceaux, et les enfilait tout autour des broches. […] Puis quand le feu eut brûlé et que la flamme tomba, il aplanit la braise et étendit les broches par-dessus puis […] de sel divin il saupoudra les viandes. Lorsque Patrocle les eut enfin rôties et les eut versées sur un plateau, il prit le pain et le répartit sur a table en belles corbeilles. Achille alors distribua les viandes […] et invita son compagnon, Patrocle à sacrifier aux dieux. Patrocle alors jeta dans le feu la part du sacrifice, et les convives, sur les mets préparés et servis devant eux, étendirent les mains. Puis, lorsqu’ils eurent chassé le désir de boire et de manger, Ajax fit signe à Phénix. Le divin Ulysse comprit et, remplissant alors une coupe de vin, il la leva à la santé d’Achille :

-          Salut, Achille ! Les repas où tous sont également partagés ne nous ont pas manqué, aussi bien dans la tente d’Agamemnon l’Atride qu’ici même aujourd’hui, car nombreux sont les mets agréables que nous avons goûtés. »

Il est facile de passer de l’évergétisme au clientélisme et c’est le cas de Panem et circenses décrit par Juvénal dans ses Satires (10,8), les distributions de pain considérées comme une distribution obligatoire, un besoin essentiel du peuple que les empereurs effectuaient pour s’attirer ses faveurs.
a suivre...

le 23.10.21 à 16:40 dans Autour de la nourriture
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