Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Depuis des années des meuniers nous roulent dans la farine !

242 millions d’amende à des producteurs de farine en France et en Allemagne viennent d’être infligés par l’Autorité de la Concurrence, le 13 mars. 242 millions ! Une belle somme à la mesure d’une faute indigne : une entente sur les prix de vente de la farine dans les grandes surfaces. Cela concerne le marché de la farine en sachet, un marché qui a rapporté un CA de 171 millions d’euros en 2008 en France, faites le calcul pour être ainsi sanctionnéee la fraude a du être grave.


Source: www.meuneriefrancaise.com

D’après la dépêche de l’AFP : « L'Autorité de la concurrence estime dans son avis que ces séries d'ententes ont provoqué pour le consommateur un surcoût final de 11% pour ce produit "de consommation courante indispensable" dont la demande dépend peu du prix.

Le premier volet de ces ententes concerne deux groupements de meuniers français: France Farine (marque Francine), qui assure pour ses actionnaires la vente de farine en moyenne et grande distribution, et Bach Mühle, qui gère les ventes auprès du hard discount. »

Comment fonctionnait cette entente ?

En premier lieu, par la création de deux groupements de meuniers français: France Farine (marque Francine), qui assure pour ses actionnaires la vente de farine en moyenne et grande distribution, et Bach Mühle, qui gère les ventes auprès du hard discount. Ces deux structures s‘entendaient sur les prix et la répartition des commandes. De cette manière France Farine contrôlait le marché en éliminait toute concurrence entre les meuniers, en particulier sur la marque Francine qui restait leur exclusivité.  Pour cette entente qui dure depuis 1965, date de la création de France Farine, sept meuniers ont écopé d'une amende de 146,9 millions d'euros: Axiane Meunerie, Euromill Nord, Grands Moulins de Paris, Grands Moulins Storione, Grands Moulins de Strasbourg, les Minoteries Cantin et les Moulins Soufflet (ces derniers pour leur appartenance à Bach Mühle). (Source AFP)

En second lieu, par la mise en place d’un cartel entre 13 meuniers français et allemands qui avait conclu un « pacte de non-agression mutuelle » pour limiter à 15 000 tonnes les échanges de farine entre la France et l’Allemagne, résultat d’une longue série de réunions secrètes.  En limitant l'entrée sur le marché français des meuniers allemands, plus compétitifs, les producteurs nationaux ont pu conforter leur entente en France, "pratiquer des prix supraconcurrentiels" et ils "n'ont pas procédé aux améliorations de leur outil de productions", lésant ainsi les consommateurs français, selon l'Autorité.

Les membres du cartel ont été condamnés à 95,5 millions d'euros d'amende. Parmi eux, on retrouve côté français France Farine, Bach Mühle, Grands Moulins de Paris, Grands Moulins de Strasbourg et Axiane Meunerie. Côté allemand, les groupes mis en cause sont Bindewald, Bliesmühle, Flechtorfer, Friessinger, Heyl, Mills United, Saalemühle et VK Mühlen.(AFP)

Cette entente aurait coûté selon l’Autorité de la concurrence un surcoût de 11% pour les consommateurs. (C’est là où je me réjouis de n’acheter mes farines qu’auprès d’un petit meunier bio, directement au moulin).

Les membres de l’entente

Les 4 groupes français concernés par cette décision sont :

Nutrixo : premier meunier européen, né du rapprochement en 2001 des groupes meuniers Euromill, Grands Moulins de Paris, Storione et Interfarine, le groupe NutriXo se positionne dans la première transformation (farine...), la seconde transformation (pains et viennoiseries surgelées, pâtisseries...) ainsi que la distribution (magasins franchisés à l’international...).

Chiffre d’affaires de 1,2 milliards d’euros en 2009, 5 000 salariés ; principales marques : Campaillettes, Campaillou, Copaline, Délifrance, Francine.

Epis-Centre Axiane Meunerie (groupe Axéréal) : dispose de 10 moulins et d’une capacité d’écrasement de 500 000 tonnes, principalement dans la région Centre.

Les Grands Moulins de Strasbourg : exercent une activité de minoterie. Le CA par produit se répartit comme suit : farine (87 %) commercialisée soit en vrac auprès d’une clientèle artisanale et industrielle, soit conditionnée (marques Francine et Gruau d’Or) ; négoce de produits alimentaires (8,5 %) : les produits sont vendus au travers d’un réseau d’une cinquantaine de boutiques ; malt (5,5 %) ; divers (2 %).Le groupe réalise 28 % de son CA - qui a été de 277 M€ en 2008 - à l’export.

Le groupe Soufflet dont l’implication serait moindre : 3 018 M€ de CA en 2009 - dont 458 M€ pour la division meunerie. Celle-ci compte 643 emplois et a produit, en 2009, 1 112 000 t de farine.

Moulins Soufflet Pantin est présent dans les principaux secteurs de commercialisation des farines (boulangerie artisanale, industries utilisatrices -biscotterie, biscuiterie- et exportation). L’entreprise bénéficie de l’expérience de Soufflet Négoce pour l’export. Moulins Soufflet a développé le concept Baguépi, exclusivement réservé aux artisans boulangers partenaires. La société offre une gamme très large de farines de haute qualité sous les marques Baguépi et Mélior.

Cette enquête qui a démarré lorsque le meunier allemand Werhahn (2^ème groupe meunier allemand) s’est dénoncé n’est pas terminée. L’autorité de la concurrence se penche maintenant sur des ententes concernant la vente de farines aux boulangeries artisanales. Pour l’instant, France Farine a été dissoute et la marque Francine devrait être reprise par Nutrixo.

Les meuniers français sont dans un beau pétrin. Depuis toujours la farine et le pain ont été au centre des préoccupations des mangeurs. Autrefois, le peuple se serait révolté contre de telles pratiques.  L’annonce de cette entente et de cette fraude ne fait ni chaud ni froid aux consommateurs que nous sommes. Consommateurs insensibles à la corruption et aux fraudes si fréquentes ou changement de mentalité : le pain et la farine ont une part tellement petite dans notre alimentation que cela ne nous touche plus ?

le 20.03.12 à 09:00 dans Autour de la nourriture
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