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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Un modèle occidental de culture intensive à déconstruire

  Les siècles durant lesquels les pays occidentaux s’installèrent en colonisateurs dans les pays du monde entier, leurs administrateurs se sont employés à étendre sur les territoires qu’ils géraient un modèle agricole unique. Cela avait commencé avec les grandes compagnies à Charte telles la Compagnie des Indes Occidentales, l’East India Company et la Compagnie unifiée des Indes Orientales Néerlandaises. Chaque compagnie, visant le monopole de la production et du commerce des épices, délocalisation les zones de productions des muscadiers, girofliers, canneliers et poivriers, laissant aux indigènes les travaux de main d’œuvre et réservant aux occidentaux la gestion des cultures et du commerce.

Au XIXe siècle, la mainmise des européens se fit plus lourde : il fallait éliminer les diversités des cultures et d’occupation des sols, qui relevaient de traditions multiséculaires, par la  sédentarisation, les regroupements arbitraires de populations dans les villages et en instaurant une nouvelle cartographie des territoires selon des méthodes occidentales d’arpentage. Le but étant de contrôler les populations paysannes et leurs productions en instaurant un nouvel ordre social qui consistait à clôturer les terres communales ce qui privait les éleveurs les plus pauvres du droit de la libre pâture et tous les habitants des ressources forestières. On put alors s’employer à développer des cultures industrielles nouvelles et très rentables : hévéa, caféiers, théiers, rizières, canne à sucre, cacaoyers, palmier à huile… Des productions de qualité moyenne qui satisfaisaient la demande d’une clientèle avide de nouveautés et vite dépendante de ces nouveaux produits dont certains furent l’objet de spéculations.

Il n’y eut aucun respect pour les traditions culturales préexistantes, les anglais firent combler les johads, jugés insalubres qui étaient des bassins creusés dans la terre indispensables pour retenir les eaux de pluie et permettant les cultures, ce qui entraina un vrai déficit d’irrigation, des sols secs et impropres à la culture, au bénéfice de puits, peu nombreux et éloignés souvent des villages,  qui obligèrent à faire des kilomètres de marche à pied supplémentaires pour aller chercher de l’eau, une tâche dévolues aux femmes et aux petites filles qui furent peu à peu déscolarisées.

Même chose au Burkina Faso où l’on abandonna la technique des zoï, semences plantées dans de petites cavités rondes creusées dans la terre qui recueillent l’eau à la saison humide et qui permettent aux plantes de mieux croître. Et on pourrait multiplier les exemples.

Quelques agronomes se sont élevés contre ces pratiques, tel Edward Howard qui voyait l’intérêt des pratiques traditionnelles indiennes adaptées aux sols et au climat, mais il prêcha dans un désert.

Un réveil s’est fait plus récemment à l’instar d’hommes tel Pierre Rahbi ou des membres d’ONG, chantres de l’agroforesterie ou de la permaculture, hommes qui regardent et étudient les expériences et pratiques du passé pour y trouver des solutions à notre agriculture gourmande d’eau, bientôt rare, et d’intrants chimiques néfastes à la biodiversité végétales et animales.

Car nous avons fait les mêmes erreurs chez nous en remembrant à tous va, facilitant le travail des gros tracteurs amis faisant disparaitre haies et clôtures et toute la faune qui y habitait. En imposant des variétés limitées de semences ce qui eut pour conséquences une diminution inquiétante de la biodiversité et obligea à la création d’une banque des semences que nous risquons d’être dans un avenir peut-être pas si lointain d’utiliser.

Et on le voit ces pratiques ne nuisent pas seulement à la biodiversité  végétale et animale, aux cultures traditionnelles mais elles ont un coût humain désastreux. Le bilan est donc largement déficitaire sur un plan environnemental et social.

 

Pour prolonger la lecture :

Le testament d'un agronome: javascript:void(0);/*1560266928277*/

Un million de révolutions tranquilles de Bénédicte Manier :

http://excerpts.numilog.com/books/9791020900098.pdf

The great Agrarian Conquest : the colonial reshaping of a rural word de Neeladin Bhattacharya, 2018

le 11.06.19 à 16:14 dans Agriculture
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