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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Les hommes des épices

Apothicaires et épiciers

En effet, les épices furent très recherchées à cette époque comme condiments ainsi que nous l’avons évoqué et dans la pharmacopée. Les apothicaires qui étaient des préparateurs et distributeurs de drogues utiles à la santé en faisaient grand usage. Leur fonction, longtemps confondue avec celle des médecins, s’en distingua à mesure que le nombre de drogues augmenta. Jusqu’au 13ème siècle, l’apothicaire est un religieux, membre du clergé régulier. Après le concile de Trente (1130) qui interdit aux religieux l’étude et la pratique de la médecine, les apothicaires deviennent civils et se groupent en confréries ; au fil des siècles des ordonnances et des édits codifient la profession. Par Lettres Patentes, Charles VIII leur donne des statuts, l’érige en métier juré, réglemente les études et l’exercice de cet art, en lui ajoutant la prérogative des poids et balances. Seul le diplômé est apothicaire et le restera jusqu’à l’abolition des maîtrises. Au 18ème siècle, le rôle de l’apothicaire est considérable dans les progrès réalisés en thérapeutique et les statuts du Collège de Pharmacie annoncent la mutation de l’apothicaire en pharmacien. Les boutiques des apothicaires étaient signalées par la « Chevrette » récipient à bec destiné à contenir des liquides.



Au début, apothicaires et épiciers se confondaient. Après une scission, les épiciers formèrent une profession à part entière et les épiceries permirent à leurs propriétaires de réaliser de véritables fortunes. En effet, les épices étaient utilisées aussi bien pour relever les aliments que pour masquer les mauvaises odeurs.
 Les épices signifiaient aussi les douceurs, car il n’était pas envisageable de servir confitures, confiseries et fruits confits sans qu’ils soient cuits avec des épices,  n’appelait-on pas, au Moyen Age, « épices » les présents faits aux juges par les plaideurs. Ces présents consistaient en confitures nommées épices car les fruits se confisaient avec des épices ; le terme est resté jusqu’à la révolution.

 Marco Polo et Ibn Battuta

Marco Polo fit un très long voyage, en 1271, sur la route des épices et de la soie en compagnie de son père et de son oncle tous deux marchands à Venise qui avaient déjà pris cette route lors d’un précédent périple qui avait duré 15 ans. Mais celui que nos trois personnages vont entreprendre va durer 25 ans. Cette « exploration » racontée dans « le Devisement du monde » ou « Livre des Merveilles » apprit au monde la route exacte des épices ainsi que leur origine et leur volume de production puisqu’il emprunta, à l’aller, la route terrestre de la soie et, au retour, la route maritime des épices.
Marco Polo nous apprend dans le Devisement du Monde « le poivre, le gingembre, la cannelle, la girofle venant d’Inde, d’Asie du sud-est, de la Chine du Sud et du Tibet alimentent un réseau de commerce à travers le monde entier concernant à la fois la cuisine et la santé, l’Europe ne peut s’en passer et le monde musulman en fait grand usage. Un auteur andalou anonyme précise dans un recueil de cuisine que « la connaissance des épices est la base de l’art culinaire. Elles permettent de différencier les mets, de leur donner de la saveur, d’élever leur goût. Elles apportent le bien et permettent d’éviter ce qui est nuisible.  »


Ce qui nous est prouvé par le récit du voyage que fit, en 1325, un musulman de 21 ans ; Ibn Battuta, partant de Tanger pour accomplir le pèlerinage de la Mecque. Il effectua alors un des plus grands périples de l’époque médiévale. Il visita pendant 23 ans, sur la route du retour, des cités lointaines : Constantinople, Calicut, Canton, Kilwa sur la côte est de l’Afrique, l’Espagne, pour finir Fès où il s’installa et écrivit le récit de ses aventures. Son journal nous offre une évocation vivante du monde et des routes commerciales, en particulier de l’utilisation et du commerce des épices.
-         Chez les sultans, offrande de présents « Composés de poivre, de gingembre et de cannelle »
-         Préparation du riz par une esclave des sultans : « elle répand dessus du beurre fondu, y met du poivre en grappes confit, du gingembre vert, des limons confits et des mangues »
-         Visite du pays de Malabar : « on cueille le poivre quand arrive l’automne, et on l’étend sur des nattes au soleil…. On ne cesse de le retourner jusqu’à ce qu’il soit parfaitement sec et qu’il devienne très noir ; après quoi on le vend aux marchands…J’en a vu dans la ville de Calicut, où on le mesure au boisseau comme le millet dans nos contrées. »
L’avance de l’empire ottoman  signe, en 1453, fermeture de la route des épices et la fin du Moyen-Age et envoie sur les mers les explorateurs européens à la recherche des épices rares et si chères.

 


Mots-clés : Technorati

le 22.10.05 à 12:38 dans Histoire des aliments
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