S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

Le Sésame


Champs de sésame au Népal (wikipedia)

« Sésame ouvre toi ! » Vous vous souvenez certainement de cette injonction d’Ali Baba pour pénétrer dans la caverne aux trésors. Pourquoi Sésame ? Sans doute est ce du au fait que lorsque les graines de sésame sont arrivées à maturité, elles s’ouvrent pour libérer les graines en émettant un bruit qui ressemble à une clef tournant dans une serrure. Cette jolie légende montre l’importance d’une graine dans une région allant du  Moyen-Orient au la vallée de l’Indus.

Sésame d’où viens-tu ?

Si l’on réalisait un sondage auprès d’un panel représentatif de la société, la plupart des sondés répondrait de l’Inde. Il n’aurait pas totalement tort, car cette plante ne fut pas baptisée Sesamum indicum, sans raison. Ensuite, les graines ont été répandues de l’Inde dans le monde arabe et autour de la Méditerranée et en Afrique d’où les esclaves noirs les ont importées en Amérique du sud au XVII et XVIIIème siècles où le sésame est encore très cultivé.

Ces graines étant très bénéfiques (comme nous le verrons plus loin), les hommes leur ont donc attribué une création divine. Le Brahmapuran raconte qu’après de longues pénitences, Yama, dieu de la mort créa le sésame. Le sésame devint alors un  principe de vie et fut donc utilisé lors des cérémonies funéraires comme symbole d’immortalité et de purification. Lors des cérémonies funéraires elles jouent un rôle primordial. On les verse dans des vases remplis d’eau bénite en récitant la prière suivante : « Tu es le sésame consacré au dieu Soma, créé par les dieux…réjouis les trépassés, les mondes et nous. » Puis à la fin de la crémation, les assistants déposent sur le rivage de la rivière où ils se sont purifiés des poignées de graines de sésame qui serviront au défunt dans son voyage vers l’au-delà comme symbole d’éternité.

En Assyrie aussi, les récits de la mythologie racontent que les dieux ont bu du vin de sésame avant de créer le monde et l’on connait l’intérêt des populations du Moyen-Orient pour le sésame.

On prêtait au sésame des pouvoirs magiques. Au Moyen-âge, chez les juifs lors de la cérémonie du quorban, la famille du futur époux offrait à la famille de la future mariée des petits pains de sésame avant la cérémonie de mariage afin de libérer le fiancé du mauvais œil.

 
Le sésame joua un rôle primordial dans l’agriculture dès l’Antiquité.

Que se soit en Mésopotamie ou en Egypte, la culture du sésame fut très développée. On connait par des tablettes retrouvées lors de fouilles que le sésame faisait partie des aliments des mésopotamiens. En effet, sur certaines tablettes ont été inscrites les listes d’aliments nécessaires au roi Assur-nasir-apal II pour le banquet qu’il offrit à 69 574 convives pour célébrer la rénovation de la ville de Kalah-Nimrud : 10 000 cruches de graines de sésame et de su-u en plus des cruches d’huile. Au IVème siècle l’huile de sésame était réservée à l’aristocratie assyrienne, puis son usage se répandit dans toute les couches de la société et elle fut utilisée presque exclusivement en Perse jusqu’à la Renaissance. La Syrie  fut un centre agricole de la fin de l’époque hellénistique au IIIème siècle avant JC, époque à laquelle il en retira de grandes richesses

La culture du sésame

Plants de sésame (wikipedia)

Ce fut en Egypte que sa culture fit l’objet d’une remarquable organisation. Introduit avant l’époque de Théophraste d’après Hérodote, probablement depuis la Babylonie, le sésame fut cultivé de manière extensive sous le règne de Philadelphe à l’époque hellénistique comme le montrent les Reserve Laws de ce roi. Chaque année, les surfaces à planter en graines oléagineuses étaient réparties par le gouvernement central entre les différents nomes (région). Dans ces nomes, l’administration les répartissaient entre les villages et à l’intérieur des villages entre les fermiers. Chaque fermier recevait du gouvernement la quantité de semences nécessaires et les récoltes étaient effectuées sous la surveillance de l’administration parce qu’elles étaient soumises à l’impôt. Le gouvernement en prélevait ¼ et le reste allait à l’adjudicataire qui s’occupait de la livraison, du transport des graines aux moulins des huileries réparties dans les villes et les villages. Il n’existait aucun moulin privé, hormis ceux des temples qui bénéficiaient du privilège de fabriquer de l’huile pendant deux mois, puis les moulins étaient mis sous scellées. Le gouvernement fixait le prix du sésame et c’est l’adjudicataire qui versait aux fermiers le prix de la quantité livrée, ce qui permettait aux fermiers de payer au gouvernement les graines livrées par celui-ci préalablement.

Le sésame continua à être cultivé en Asie et au Proche-Orient, où l’huile de sésame était régulièrement utilisée dans la cuisine comme huile de cuisson et comme assaisonnement. Si Pline en parle ans son Histoire Naturelle, ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle, en 1969 que l’Europe découvrit le sésame lors de l’ouverture du canal de Suez à la  circulation des navires.

 
Le sésame dans la cuisine.

Hippocrate l’avait écrit : le sésame était une graine à forte valeur nutritive, les grecs consommaient les graines grillées et les graines broyées servaient à la confection des pains et des galettes. Tout comme en Afrique. En Chine elles servent à confectionner des douceurs et une sorte de sirop très nutritif et au Japon, le sésame entre dans la fabrication de sauces et de condiments. Au Moyen-Orient, on fabrique à partir des graines pillées le halva et la tahina. Le tahina, la base du houmous, sert d’accompagnement à une foule de mezzés très appréciés alors que le halva est une pâte sucrée très riche : on pile des graines te sésame et des amandes avec du sucre qui sert à la confection de gâteaux. En dehors des cérémonies funéraires, le sésame est quotidiennement utilisé en Inde, l’huile de sésame et les graines entrent dans de nombreuses préparations culinaires.

En Europe, on a récupéré les traditions de l’houmous et on utilise les graines dans la boulangerie et la viennoiserie. Les graines de sésame parsèment les petits pains des hamburgers et parfois les salades sous forme de gomasio, mélange de sel et de sésame broyé. C’est surtout l’huile qui est appréciée surtout celle réalisée à partir de graines de sésame blanc qui sont d’une grande subtilité. L’huile dégage des arômes d’asperges blanches et de topinambours cuits et se révèle en bouche d’une grande fraicheur. Elle exhale des arômes de foin coupé. Cette huile  offre un bel équilibre aromatique et une constitution élégante, elle est très intéressante à utiliser en cuisine. Le livre de Denis Hervier « Huiles & Saveurs » consacre un chapitre à l’huile de sésame avec des conseils d’utilisation et des recettes.

Les vertus du sésame
Enfin, sachez que les graines de sésame, noires ou blanches, sont excellentes pour la santé. Riches en fibres, elles contiennent des nombreux minéraux : calcium, magnésium, manganèse, phosphore, fer, zinc. Elles vous apporteront des vitamines E, B1, B2, B3, B6 et B9 ainsi que des antioxydants fournis par des phytoestrogènes et des phytostérols.



graines de sésame blanc (wikipedia)

 

Finalement si les trésors de santé que contiennent les graines e sésame étaient la véritable raison qui a poussé Ai Baba à déclarer « Sésame ouvre-toi » devant la grotte aux trésors des 40 voleurs plutôt que le bruit des graines s’envolant de la capsule. A moins que les graines aient symbolisé les trésors qui allaient sortir de la caverne ? N’extrapolons point, nous ne saurons jamais pourquoi et c’est bien ainsi. Mais il n’y a pas de mystère sur les bienfaits gustatifs de ces petites graines, consommons-les sans modération.
 

le 08.05.13 à 09:11 dans Histoire des aliments
- Commenter -

Partagez cet article


Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR