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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Le sel dans l'histoire du monde

Histoire du sel

Après les invasions barbares, les états s’organisèrent. Les princes eurent des besoins d’argent et ceux qui gouvernaient des régions où le sel était extrait eurent l’idée de se servir des revenus que pouvait procurer le commerce du sel. Peu à peu, ils reprirent aux moines, associations de bourgeois ou petits seigneurs les exploitations des salines ou marais salants et en taxèrent la production.  C’est ainsi que les taxes sur le sel sont nées et, quand elles tombèrent entre les mains du roi, elles devinrent un unique impôt : la Gabelle. Cette taxe fut la plus détestée par la population, car elle pesait sur un aliment obligatoire et était de surcroît parfaitement arbitraire puisque certaines provinces en payaient beaucoup, d’autres moins et d’autres enfin pas du tout. Elle généra une contrebande organisée par les faux-sauniers et réprimée par les gabelous. Les faux-sauniers risquaient gros car les punitions s’échelonnaient du marquage au fer rouge à l’exécution capitale en passant par l’envoi aux galères. Les rois de France ne furent pas les seuls à monopoliser le commerce du sel, en Chine il fut fait de même au VIIème siècle et les britanniques en firent autant en Inde. Il fallut une marche de Gandhi vers des salines dans lesquelles il ramassa une pognée de sel, imité en cela par des milliers de personnes, quelques années plus tard, en 1946, la taxe sur le sel fut abolie, un symbole un an avant l’indépendance. Comme le sel avait une grande valeur marchandes, les pays se livrèrent à de petites guerres de piratage pour dérober les cargaisons de sel que voyageaient par mer. Le sel servit aussi de monnaie d’échanges, pas seulement lors de petits trocs sur les routes du sel en Afrique, mais pour de grands échanges entre grandes puissances ; le Portugal acheta de cette manière le départ des hollandais du Brésil. Les hollandais et les scandinaves se firent des fortunes avec leurs poissons salés. Tout comme les villes de la façade atlantique : Bordeaux et Bayonne sous la houlette des émigrés portugais, marranes chassés du Portugal, qui s’installèrent en France, comme le père de Montaigne. Ce même Montaigne qui constatait en 1580, pendant son voyage en Allemagne : 

« Ils ont une grande abondance de choux cabus, qu’ils hachent menu atout un instrument exprès ; et ainsi hachés, en mettent de grande quantité dans des cuves à tout du sel, de quoi ils font des potages tout l’hiver. » et aussi « on hache…  des raves et navets… cela sert comme leurs choux, à mettre  à saler pour l’hiver. »

Consommation du sel

Du Moyen Age jusqu’au 18ème siècle, on consommait beaucoup de sel : 3, 47 kg par an et par personne dans les pays de grande gabelle, non compris de sel de salaison et de 5 à 9 kilos dans les autres régions et c’était en France qu’on en consommait le moins. D’où l’étonnement de Montaigne, car dans les pays aux hivers longs et froids, il ne pouvait y avoir de récolte de légumes ou de fruits durant les mois rigoureux, on conservait les légumes en saumure et des viandes salées. Ce qui donnait soif, c’est pour cela que ces pays étaient des pays de buveurs de bière et d’eau de vie. C’était bien pour des questions de régimes que les médecins conseillaient de manger salé quelques siècles plus tôt comme l’écrivait Magnimus de Milan dans son Regimen Sanitatis : 

« Le sel ajoute aux comestibles la bonté de la saveur et il enlève la malice provenant d’une certaine humidité aqueuse et indigeste. Et ainsi ils sont cuits et digérés plus parfaitement avec sel que sans sel. » 

Le sel a fonction gastronomique et diététique (selon la théorie des humeurs) et c’est aussi  un excellent conservateur

« Le sel est de qualité chaude et sèche, ayant vertu détersive, dissolutive, purgative, resserante ou astrictive ; c’est pourquoi en consommant les humidités superflues et excrémenteuses de beaucoup de choses, soit chair, soit poissons ou fruits, il les conserve de la corruption. Et pour cela il est une des choses les plus nécessaires pour l’usage des hommes, et de laquelle on ne se peut nullement passer : c’est le seul sel qui sert à bien  assaisonner toutes les viandes, qui autrement seraient sans bon goût et saveur, et sans lequel la plupart d’icelles seraient plus sujettes à se corrompre dans nos corps.» Joseph Duchesne, 17ème  siècle.
Maintenant on ne consomme plus que 2 kg environ par personne et par an. On prône le retour à une alimentation peu salée et même sans sel lors de certains régimes. Alors que paradoxalement les quantités de sel ne cessent d’augmenter dans les préparations toutes faites, dans les biscuits d’apéritif, les chips qui nous donnent soif et donc nous buvons les eaux et diverses boissons produites par les mêmes fabricants que ceux des grignotages salés. Mais ceci est une autre histoire, une histoire de marketing moderne. 

 


Mots-clés : Technorati

le 04.03.06 à 19:10 dans Histoire des aliments
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