Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Le riz en Amérique

le riz africain détrône le riz sauvage

Dans l’épisode précédent, nous avions vu les riz malgaches traverser les océans pour approvisionner des pays non producteurs de riz. Mais bien vite, ce ne furent plus seulement des ballots de riz prêts à être consommé, mais des grains de riz prêts à germer et à coloniser les champs.
Il y eu le commerce triangulaire. Les européens firent traverser l’Atlantique aux africains pour qu’ils travaillent dans les plantations en Amérique. Et la mémoire des descendants de ces esclaves se souvient encore d’une légende : une femme fut emmenée dans un bateau de son Afrique natale en Amérique, elle avait caché des grains de riz dans ses cheveux. En Amérique, elle s’échappa de la plantation où elle était esclave avec ses grains de riz et les planta. Et c’est ainsi que le riz fut cultivé en Amérique.

Cette légende n’est pas très éloignée de la réalité. Le riz a effectivement traversé l’Atlantique avec les esclaves car les négriers en nourrissaient ces futurs esclaves. Les esclaves en plantèrent afin d’avoir leur nourriture préférée. Comme l’Afrique continentale ne produisait pas suffisamment de riz pour satisfaire à la demande américaine, les importateurs se tournèrent aussi vers Madagascar qui était en quelque sorte le grenier à riz dans cette partie du monde. Le riz était débarqué en Guyane et au Brésil, Il était planté un peu partout en Amérique du Sud sans résultats particulièrement remarquable, hormis au Surinam. Dans cette colonie néerlandaise, en effet, les colons surent créer une riziculture nationale qui sut en temps voulu se moderniser et se mécaniser. Il existe d’ailleurs une variété de riz appelée Surinam aux grains très longs et très fins qui restent bien détachés après cuisson, idéal pour accompagner les plats en sauce. Dans le reste de l’Amérique du Sud, le riz est présent dans la cuisine de différents pays comme en témoigne les diverses recettes dans lesquelles le riz se mélange aux haricots noirs ou rouges ou au maïs ou encore dans des desserts à la mode espagnole ou portugaise.

Mais c’est dans le sud de l’Amérique du nord qu’il s’installa vraiment. Les colons, en particulier ceux de la Caroline du Sud, découvrirent assez vite l’intérêt économique de cette plante qui, en plus d’être une nourriture abondante et bon marché pour leur main d’œuvre servile, pouvait servir dans l’industrie du papier et celle de la bière. Donc les colons firent venir du riz asiatique de Madagascar, après que le gouverneur de Charleston eut reçu en cadeau d’un navire hollandais quelques boisseaux de riz malgache qui trouva un terrain fertile dans les immenses terres alluviales et marécageuses du delta du Mississipi qui se prêtèrent remarquablement bien à la culture du riz qui permit de rentabiliser ces terres inondées, et ….. il fallut faire venir encore d’autres esclaves africains. Un quart des esclaves du nouveau monde provenaient de la Côte du Riz, à la demande des planteurs de Caroline, en raison de leur connaissance de la riziculture. Alors que le riz asiatique remplaçait les variétés africaines, la culture du riz dépendait encore du savoir faire de ces esclaves. Même les façons de préparer le riz sont un héritage de l’Afrique. Les africains préféraient cuire le riz dont les grains restaient, après cuisson, bien séparés les uns des autres pour être préparés avec des légumes verts, des crevettes ou de la viande, comme le mafé, par exemple. Et la fameuse marque commerciale Uncle Ben’s produisit ce riz à grains longs, blanchi à la vapeur, selon une méthode d’étuvage du riz fraîchement moissonné et pas encore séché. Elle utilise, non sans raison, le visage souriant d’un homme noir qui est très évocateur dans la mémoire collective aux Etats-Unis.
La riziculture américaine est vite devenue la plus moderne et la plus industrialisée du monde, très mécanisée : semailles et épandages de pesticides, des engrais et des herbicides par hélicoptères, dans la basse vallée du Mississipi, mais aussi en Louisiane, au Texas, en Arkansas et en Californie. Ce qui fait que les Etats Unis sont maintenant les deuxièmes exportateurs mondiaux après la Thaïlande.
Le riz Caroline est un riz très blanc, aux grains mi-longs, non parfumé qui cuit en donnant des grains fermes et net, car ils contiennent un amidon différent des grains ronds. Ce riz est exporté vers le Proche et le Moyen Orient et l’Europe. Et aussi en grande quantité vers l’Afrique.

le 04.04.05 à 15:42 dans Histoire des aliments
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