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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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le repas médiéval, 2ème partie

 Suite du repas médiéval.
La gastronomie médiévale répondait à des critères très précis qui ont eu une très forte influence sur la création des plats et les rituels.


L’art de cuisiner

La gastronomie médiévale qui tient compte de plusieurs idées maîtresses :

1/ Les principes de la diète hippocratique fondée sur la théorie humorale

2/ la saisonnalité des produits

3/ le plaisir gustatif

4/ Les prescriptions de l’Eglise 

 

 

1 - L’alimentation est la meilleure médecine

Les pratiques alimentaires sont directement inspirées d’Aristote et surtout d’Hippocrate qui considèrent que l’on se maintient en bonne santé en se nourrissant bien. Considérant que l’homme est composé de quatre humeurs : la cholérique, la sanguine, la flegmatique, la mélancolique, médecine, aliment et cuisine sont donc intimement liés. Les aliments considérés comme chauds ou froids favorisaient une bonne digestion et une bonne santé. Telles les épices et en particulier la cannelle, la cardamome, le clou de girofle, le cumin, le galanga, le gingembre, la graine de paradis (maniguette), le macis, la muscade, les poivres et le safran, le sucre. Achetées chez l’apothicaire, elles étaient utilisées autant pour leurs saveurs que pour leurs propriétés curatives, les épices classées comme chaudes ou sèches favorisant la digestion. De même pour les aromates : laurier, ciboule, romarin, ail, oignon, échalote, menthe, fenouil, sauge, persil, marjolaine, cerfeuil, rue…. Et maints autres dont on a oublié l’usage mais qui satisfont autant le goût que la santé des mangeurs et en particulier les paysans, domestiques et manœuvres qui n’avaient pas les moyens de s’offrir des épices.

 

2 - Des produits de saison

Cela nous parait une évidence à une époque où l’on mangeait ce que l’on cultivait ou que l’on achetait quotidiennement au marché où venaient vendre les paysans habitants dans un rayon assez court. C’est une cuisine régionale et paysanne. Les jardins potagers et les vergers étaient les pourvoyeurs de légumes et de fruits. Pas seulement à la campagne mais aussi dans les villes qui étaient encore semi campagnardes et produisaient intra muros ou à proximité leur subsistance. Que cultivait-on ? Oignons, aulx, poireaux, chou rave, chou frisé, chou cabus, navets, carottes, panais, fenouil, radis, concombre, toutes sortes de salades et d’herbes : roquette, épinard, doucette, cresson alénois, laitue, chicorée ou barbe de capucin, bette ou porée, carde, asperge sauvage, melon… A cela s’ajoutait les fruits de la cueillette (champignons, fruits et légumes sauvages). Bien sur des vignes et des arbres fruitiers (listes en appendice 2).

Des viandes, bœuf, veau, porc, mouton, agneau, chevreau, toutes sortes de volailles sauf la dinde et des œufs. Les viandes sont mangées fraîches, séchées et fumés, salées ou confites dans la graisse. Le gibier est l’apanage des nobles qui seuls avaient le droit de  chasse. Les règles concernant la fraicheur des viandes sont très strictes, les viandes d’une bête abattue doivent être vendues dans la journée, les marchés étaient surveillés par des inspecteurs issus des guildes de bouchers, extrêmement puissantes.

Les poissons de mer sont consommés frais ou salés près des côtes, séchés ou fumés partout ailleurs et les poissons d’eau douce dans tout l’hexagone. Il faut faire une place particulièrement au hareng, nourriture des pauvres durant le Carême. Très présents dans l’alimentation, ils peuvent être consommés rôtis, bouillis ou frits. Dans la grande cuisine des banquets princiers, les plats des jours maigres  sont une transposition de ceux des jours gras.

Liste des poissons énumérés par Maitre Chiquart.

« Parce que le dauphin est le roi des autres poissons de mer, mettons-le en premier devant les congres, mulets, merlus, soles, rougets, dorades, plies, turbots, langoustes, thons, esturgeons, saumons, melets (bogues ou boz), sardines, châtaigniers (sorte d’oursins), moules, anguilles, raies, seiches, vives, anchois frais et salés. Pour les poissons d’eau douce :  truites et anguilles, lamproies, ombles chevalier, brochets, carpes, perches, féras, palées (poisson du lac de Neufchâtel), ombre (poisson du centre et est de la France, voisin du saumon), lottes, écrevisses et tout autre poisson ».

 

Les céréales restent le socle de l’alimentation, pain blanc pour les plus riches, pain noir pour les plus pauvres. Ce sont les pénuries de grains et de pain qui ont provoqué les plus grandes révoltes dans les campagnes et les villes. Des céréales pour le pain, les bouillies et pour épaissir les soupes, de là est née le mot « mitonner ». Les tranches de pain grillées servent à épaissir les sauces et sur les tables des boules de pain coupées transversalement en deux, appelées tranchoirs servent d’assiettes. Le pain nous ramène à l’origine de la soupe. En effet, le mot soupe vient de “suppa” qui veut dire en francique: tremper. Les soupes désignaient les tranches ou morceaux de pain que l’on trempait dans de l’eau, du bouillon ou du vin et qui furent, durant de longs siècles, la base de la nourriture quotidienne, le matin pour le déjeuner et le soir pour le … souper.

On boit peu d’eau pure, mais du vin, de l’eau rougie, de la piquette, mais aussi dans certaines régions de la cervoise et de la bière, du cidre et du poiré. Le vin est très prisé, cultivé à cette époque un peu partout. Avec une hiérarchie : vin de goutte pour les maitres, vin de presse ou piquette pour le tout venant. Le bon vin blanc et le vin clairet sont très appréciés.

 

 

3 - Les goûts du Moyen-âge

La cuisine médiévale accorde une grande place aux assaisonnements et aux sauces qui vont donner du goût aux plats. C’est pour cela que les épices et aromates étaient tant utilisés. Pas seulement pour le goût mais aussi pour la vue, car la mode étaient aux plats et sauces colorés. Le vert était obtenu avec  le persil, l’oseille, les feuilles de vigne,  le poil de chameau (cameline) avec la cannelle ou du pain grillé et le jaune grâce au safran.

L’acide et l’aigre-doux étaient les saveurs en vogue d’où une utilisation du vin, du vinaigre, du verjus et des jus d’agrumes pour acidifier plats et sauces. Le sucre servait en cuisine à adoucir les plats même ceux de viande ou de poisson.

Un fait notable dans la gastronomie médiévale est l’importance des sauces auxquelles les livres de cuisine donnent une grande place insistant sur leurs réalisations et leurs assaisonnements faisant grand usage des épices orientales, réservées à l’élite en raison de leur coût élevé. Les sauces étaient recherchées pour leur qualité gustative et gastronomique et aussi pour leur rôle dans la diète hippocratique car elles permettent de corriger les déséquilibres d’un aliment. Leurs natures chaudes et sèches contrebalançant la nature froide et humide des viandes et poissons en facilitant par conséquent leur digestion. Les sauces étaient donc une sorte de médication comme l’écrivait Magninus de Milan dans son ouvrage De Saporibus : « Les sauces, comme beaucoup le savent, ont une nature médicinale, et par conséquent les savants les refusent complètement dans le régime des bien portants : car pour conserver la santé ont doit s’abstenir de choses médicinales. Je dis donc qu’il ne faut pas user des sauces de cette sorte dans le régime de santé, si ce n’est en petite quantité et pour que soit corrigée, ou du moins contrée, la malice des aliments. » Par conséquent les sauces différaient selon les saisons et les aliments. Elles étaient quasiment toutes confectionnées sans matière grasse et sans farine. Les sauces étaient liées et épaissies avec de la mie de pain, des amandes, des foies de volailles ou des œufs, et de l’amidon chez Maître Chiquart.

 

 

4 - Les prescriptions de l’Eglise

Les prescriptions de l’Eglise tiennent une place très importante dans les prescriptions alimentaires déterminant les jours maigres, nombreux dans l’année. L’Eglise imposait de s’abstenir de viande et de tous dérivés d’origine animale environ 150 jours par an, le mercredi, le vendredi et le samedi, les  veilles de fête et les quarante jours du Carême. Cela revenait à ne pas consommer de viande sous toutes ses formes, ni de beurre ou de graisse animale, ni d’œufs, ni de lait, ni de crème, ni de fromage. Les jours maigres étaient les jours de poisson, de légumes, de légumineuses, de fruits et de céréales. Régime qui ne sortait pas vraiment de l’ordinaire des plus démunis et qui marquait là aussi des différences sociale. Dans les maisons les plus aisées, les plats de poissons étaient variés et accompagnés de sauces diverses, chez les plus pauvres c’était régime sans poisson ou hareng tous les jours, hareng qui était la principale nourriture du pauvre en temps de Carême à tel point qu’en 1408 et 1409, période de grande pénurie alimentaire, le roi fit distribuer 75000 harengs saurs et caqués aux hôpitaux, maisons-Dieu et aux pauvres gens de Paris.

C’est pourquoi tous les livres de cuisine proposent des menus et plats pour jours gras et jours maigres. A la fin de ces périodes de jeune, on faisant bombance et consommait ce qui était interdit avant, c’est ainsi qu’est né la tradition des repas de Noël, les œufs de Pâques et la fête de Mardi-Gras, un jour gras avant la triste monotonie des jours maigres avec des nourritures plus riches et joyeuses, tels les beignets. Les fêtes religieuses et sociales étaient prétexte à festivités : repas de bonne chère et spécialités culinaires, certaines pérennes comme les crêpes de la Chandeleur ou le gâteau de l’Epiphanie.

 

le 16.09.15 à 16:34 dans Arts de la table
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