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Le goût a t-il une mémoire?
En cette semaine consacrée au goût, on peut se poser la question de savoir comment se forme notre goût, comment nous fabriquons notre propre mémoire du goût. Le goût, c’est toute une histoire qui touche à notre propre histoire, à l’histoire des sociétés dans lesquelles nous vivons, à nos expériences, à des choses très intimes et parfois difficilement explicables. Le goût c’est très personnel, mais notre goût est très influencé par l’éducation au goût que nous avons eu, par les produits qui nous sont parfois imposés. Je terminerai cet article par une vidéo, en espérant que pour des questions de goût mais aussi de santé, cet aliment ne restera pas dans les mémoires.
Doux parfum du quotidien, odeurs fortes, saveurs et fragrances raffinées sont notre mémoire, notre livre d’histoire. La mémoire du goût se forme in utéro particulièrement pour les aliments qui ont une odeur forte ou très marquée. La mémoire du goût est une affaire culturelle, nationale, régionale, familiale et personnelle.
Elle se fonde sur une histoire familiale elle-même forgée par des pratiques religieuses, culturelles, culinaires, culturales.
Paradoxe : A une époque de mondialisation et de voyages des produits et des hommes, la mémoire du goût s’élargit, s’étend mais aussi se restreint dans d’autres domaines en raison diminution de la palette des goûts formatés par les produits agro-alimentaires.
La mémoire du goût est la bibliothèque de la nourriture d’un peuple, une part de sa culture. On ne peut comprendre cette culture que si l’on connait et comprend l’histoire des aliments, d’où et quand ils sont arrivés et pourquoi ils continuent encore d’être consommés. On ne peut comprendre cette culture si l’on ne connait pas les changements et progrès techniques qui l’ont fait évoluer. Car toute innovation finit par devenir tradition ; Nous en avons l’exemple dans notre région avec le piment et le maïs, la tomate et la vigne. Arrivés au 16ème siècle pour les 3 premiers et à l’époque gallo-romaine pour le dernier, ils sont devenus des aliments emblématiques et traditionnels de la cuisine et de la culture du sud-ouest.
C’est ainsi que nous sommes libres d’interpréter notre mémoire du goût d’une manière qui signifie quelque chose pour nous et pour les autres.
Qu’est ce que le goût sans la mémoire ? Elle a emmagasiné toutes les sensations qui permettent d’identifier ce que l’on mange : aspect, odeur, arômes, textures sont des paramètres qui sont inscrits dans notre mémoire du goût et qui participent à l’appréciation des aliments. Tous nos sens conditionnent les goûts que nous percevons et envoient au cerveau une multitude de messages destinés à nous faire reconnaître ce qui est bon, ce que nous aimons, ce qui est mauvais et que nous détestons.
Comme le goût est très complexe, beaucoup de paramètres physiques : aspect, odeur, saveur, arômes, sensations tactiles et thermiques interviennent et sont renforcés par des paramètres plus psychologiques du registre de l’émotion ou du plaisir.
Le signal de chaque cellule gustative est acheminé par les nerfs gustatifs vers le cerveau. Le goût se forme dans différentes zones cérébrales qui décodent et analysent les informations sensorielles transmises par les capteurs de la langue. Les 10 000 bourgeons du goût captent et reconnaissent un grand nombre de saveurs.
Le nerf gustatif joue aussi un rôle important : la configuration des fibres nerveuses parcourues par des influx est caractéristique d’une saveur particulière. Plusieurs nerfs crâniens acheminent l’information des capteurs sensoriels vers le cerveau selon des parcours différents.
Le message sensoriel se dédouble pour emprunter deux voies :
1 - Vers le thalamus où le message gustatif se conjugue avec ceux de l’odorat et du toucher de la langue. C’est le centre conscient de l’analyse logique de l’olfaction et du goût qui traite l’intensité et la nature du message.
- l’hypothalamus qui est la zone cérébrale du plaisir inconscient, puis
- par l’hippocampe où l’information est mémorisée et comparée avec les souvenirs.
Chaque individu dispose d’une sensibilité gustative personnelle et subjective. En s’ajoutant aux informations contenues dans les gènes, la mémoire du goût se construit socialement par l’environnement et le mode de vie. La fréquentation précoce et régulière d’une saveur nous la rend familière et on la détectera plus facilement.
L’histoire de la mémoire du goût est inscrite dans celles des hommes et de leur recherche perpétuelle de nourriture.
Les plaisirs gustatifs agréables ont imprégné les mémoires et les hommes s’efforcèrent de renouveler ces plaisirs qui peu à peu s’inscrivirent dans les esprits et c’est ainsi que se transmirent les manières de se nourrir et l’envie d’oser expérimenter de nouvelles saveurs et de nouvelles associations de goût. Les diversités alimentaires liées aux besoins du corps se sont créées de manière différente selon les régions du monde.
La mémoire joue un rôle dans nos préférences alimentaires. Ce que nous ressentons lors de la dégustation d’un aliment est influencé par tout ce que nous avons mémorisé lors de nos rencontres précédentes avec un même aliment ou un aliment semblable.
C‘est là qu’intervient certainement la subjectivité personnelle. Car chaque individu associe la perception physique du goût à une perception psychologique ou émotionnelle : les conditions dans lesquelles on a dégusté un aliment, l’ambiance, la digestion, les interdits, le caractère forcé ou obligatoire, le plaisir éprouvé. Car la mémoire du goût est très résistante à l’oubli.
Mais par contre elle peut s’effacer à la suite d’un choc ou d’un accident, ou diminuer et disparaitre avec l’âge, tout comme se diluent parfois l’efficacité des bourgeons du goût.
Se souvient-on d’un aliment dans sa globalité ou le mémorise t-on en le décomposant selon sa saveur, sa texture, son arôme ?
La connaissance et la reconnaissance des aliments sont liées à des mécanismes affectifs et comportementaux qui peuvent se traduire par des manifestations physiologiques. C’est ce qui peut se produire lors de transgression d’interdits alimentaires ou de la transgression des règles culinaires par des dégoûts profonds, des nausées, des maux d’estomac, des vomissements. Lors de la rencontre avec des aliments non identifiés, l’émotion, le poids de la culture sera souvent plus fort que la curiosité voire même la faim.
Mais il y a des couac parfois et cette vidéo montre comment ceertains aliments mondialement consommés et qui forment au goût des générations sont non seulement sans aucun intérêt gustatif maid aussi extrêmement néfastes pour notre santé.
Le happy meal indestructible
La photographe et artiste Sally Davies a constaté l'évolution des produits du géant McDonald's à travers le temps
Elle a pour cela jeté son dévolu sur le joyeux menu de la marque ( le Happy Meal), acheté le 10 avril dernier puis aussitôt placé sous observation. Le contenu a été ensuite placé sur une table, et laissé à l'air libre pendant 6 mois au cours desquels elle a réalisé 1 photo par jour. Cette vidéo en présente le résultat accablant : 180 jours et pas une trace de moisissure, pas de vers, pas de décomposition, et selon elle, pas d'odeurs non plus…
Mais de quoi sont composés ces menus? je vous laisse à vos réflexions.
Mots-clés : Goût
le 18.10.10 à 18:52
dans Autour de la nourriture
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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines.Vos dernières réactions
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Commentaires
Débat "Darwin et la cuisine, une affaire de goût ?"
Vous trouverez sur universcience.TV n°42 le débat :
Darwin et la cuisine, une affaire de goût ?
http://www.universcience.tv/media/1934/darwin-et-la-cuisine--une-affaire-de-gout--.htmlAvec Hervé This, physico-chimiste à l'Inra,
et Anne Nercessian, archéologue au CNRS.
durée : 26 min - Réalisation : Sylvie Allonneau - Production : Universcience 2010
universcience.tv est la webTV scientifique hebdomadaire de universcience, le nouvel établissement qui regroupe la Cité des sciences et de l'industrie et le Palais de la découverte.
Vous trouverez aussi sur http://www.universcience-vod.fr/, la plate-forme vidéo des sciences et des technologies, d'autres films sur ce sujet et sur l'environnement parmi 800 films des principaux producteurs français de films scientifiques.
Anonyme - 22.10.10 à 15:23 - # - Répondre -
Beurk
Je me souviens de cette vidéo, jamais compris non plus comment c'était possible de ne pas moisir comme ça. Bon je l'avoue, même ça ça ne m'empêche pas de retourner chez McDo. La mémoire gustative est décidément coriace ;)
Leo - 24.10.11 à 17:19 - # - Répondre -
Mémoire
Bonjour,
Bravo pour cet article qui met l'eau à la bouche.
J'ai beaucoup aimé votre démonstration liant la perception du goût à une perception psycholigique et débouchant sur le phénomène de "MOI, je n'aime pas ça" (ou l'inverse). Il est finalement très difficile d'isoler un sens des quatre autres, quand bien même il s'agisse du goût, malgré tous les efforts des critiques culinaires ou slogans publicitaires !
Néanmoins, je n'ai pas très bien saisi le passage où vous abordez le paradoxe de la mondialisation et de l'élargissement potentiel (ou restriction) de la palette du goût. Pouvez-vous revenir sur cela ? Je ne comprends pas (ou ignore totalement) ce qu'implique et à quoi est liée "la diminution de la palette des goûts formatés par les produits agro-alimentaires"...
Voulez-vous parler d'une UNIFORMISATION des aliments ? Mais alors, ne voit-on pas "revenir" d'anciens produits sur les marchés locaux ? N'a-t-on pas "plus" de choix aujourd'hui qu'hier ?
Merci, à bientôt !
Alex - 09.01.13 à 22:38 - # - Répondre -
Mondialisation Vs Diminution de la palette des goûts ?
Bonjour, (je reposte au bon endroit mon commentaire sur ce super article ! désolé si j'insiste)
J'ai beaucoup aimé votre démonstration liant la perception du goût à une perception psycholigique et débouchant sur le phénomène de "MOI, je n'aime pas ça" (ou l'inverse). Il est finalement très difficile d'isoler un sens des quatre autres, quand bien même il s'agisse du goût, malgré tous les efforts des critiques culinaires ou slogans publicitaires !
Néanmoins, je n'ai pas très bien saisi le passage où vous abordez le paradoxe de la mondialisation et de l'élargissement potentiel (ou restriction) de la palette du goût. Pouvez-vous revenir sur cela ? Je ne comprends pas (ou ignore totalement) ce qu'implique et à quoi est liée "la diminution de la palette des goûts formatés par les produits agro-alimentaires"...
Voulez-vous parler d'une UNIFORMISATION des aliments ? Mais alors, ne voit-on pas "revenir" d'anciens produits sur les marchés locaux ? N'a-t-on pas "plus" de choix aujourd'hui qu'hier ?
Merci, à bientôt !
Alex - 03.02.13 à 17:41 - # - Répondre -
← Re: Mondialisation Vs Diminution de la palette des goûts ?
Bonjour
En réponse à votre interrogation, je précise ma pensée.
On note effectivement une uniformisation du goût en raison d'une mondialisation des produits issus de l'industrie agro-alimentaire qui produisent et vendent à travers le monde des aliments tout préparés qui n'offrent qu'une gamme de saveurs très limitée ce qui ne favorise pas une éducation au goût. Ces produits sont vendus dans les supermarchés qui sont la principale source d'achats alimentaires de la plupart des consommateurs.
Par ailleurs, il est vrai, des petits producteurs présents sur les marchés locaux et auprès des chefs proposent des variétés nouvelles ou anciennes et oubliées que redécouvrent ou découvrent les mangeurs avertis et cuisinant.
On arrive à une cassure entre les personnes qui mangeens : d'un côté des "consommateurs" ne possédant aucune culture gustative et culinaire pour qui la nourriture n'est qu'un carburant et qui remplissent à la va-vite des caddies dans des supermarchés en se basant sur le prix bas et la publicité et d'un autrecôté les "mangeurs qui possèdent une culture culinaire et gustative et varient leurs sources d'approvisionnement, fréquentant de préférence les marchés de producteurs du samedi ou du dimanche matin et qui savent et aiment cuisiner. Ceux-ci sont beaucoup moins nombreux que les premiers.
Ce n'est pas qu'une question de moyens comme on le dit souvent, c'est aussi et surtout une question d'éducation, d'envie et de choix. Et de possibilités de s'approvisionner en bons produits, car les bons commerces de bouche tendent à disparaitre de plus en plus des villes et des villages remplacés par des chaines de GMD.
Le bien manger est un choix politique dans tous les sens de ce mot.
segolene - 21.02.13 à 10:04 - # - Répondre -