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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La pêche en Méditerranée


Le pourtour méditerranéen vit la naissance des premières grandes civilisations organisées qui ont laissé des traces pérennes. Nous avons vu comment l’Egypte gérait la pêche, chez les grecs, les hébreux et les romains elle représentait une activité économique importante et l’organisation de la conservation, de la vente furent gérées par les cités. Chaque civilisation généra des modes de consommation et de cuisine des poissons.

 

A l’Est de la Méditerranée, chez les grecs

La pêche joua un rôle essentiel dans l’économie grecque antique. La base du régime alimentaire consistait en pain, poisson, vin et huile d’olive. Les poissons provenaient de la pêche côtière, des fleuves et des lacs mais surtout des grandes pêcheries du Pont-Euxin, de la Propontide et des fleuves du nord : le Danube, le Don, le Dniestr, le Boug et le Kouban. Un des soucis des cités grecques de l’antiquité fut leur approvisionnement en poissons. Dès qu’il y avait surpopulation, et le cas était fréquent, les cités créèrent des colonies dans la partie sud de la péninsule des Balkans qui offraient de bonnes opportunités de pêche. Les pêcheurs achetaient des droits de pêche (un des revenus de la cité) et vendaient les poissons, mais aussi le sel, les éponges et les coquillages destinés à la teinture qu’ils pêchaient et ramassaient.

 

Les cités égéennes vivaient de la pêche, source de nourriture et de protéines animales. A l’inverse des peuples du continent, pasteurs à l’origine, éprouvant une véritable aversion pour la mer, la pêche et les poissons jusqu’à ce que l’immense potentiel d’un littoral exceptionnel sauta aux yeux des certains d’entre eux. A partir de ce moment ils s’embarquèrent sur des bateaux et, devenus pêcheurs, travaillaient individuellement et en groupes (pêche au thon) à la ligne, au harpon, au filet et à l’aide de nasse et de casiers flottants. Ils attirèrent crevettes et poissons la nuit à l’aide de lamparos et inventèrent la madrague. Le poisson vedette était le thon consommé frais, salé et à l’huile mais les poulpes, les calmars, les seiches, les cigales de mer, les crevettes, les congres, rougets, daurade, mulets, turbots, mérous, murènes, esturgeons, espadons, etc.  n’étaient pas dédaignés, bien au contraire des grecs.

La pêche devint une « techné » fondée sur les propos recueillis auprès des pêcheurs sur leurs méthodes de travail consignés dans un ouvrage collectif, l’Halieutica, lequel contenait aussi un catalogue raisonné des différentes espèces de poissons. Très vite la connaissance de la migration des thons, leurs gites et les meilleurs procédés pour les attraper furent répandus et à Cos furent construites des tours de guets pour la pêche aux thons, ainsi que de grands ateliers de transformations du poisson. Aristote crée l’Ichtyologie, une science qui étudie les poissons et donne une masse de descriptions des poissons.

Nos connaissances sur ce sujet sont très maigres jusqu’à l’époque hellénistique. Alors nous apprenons davantage de choses sur l’organisation de l’industrie de la pêche, la préparation du poisson pour la vente et sa conservation. Le poisson n’était vendu frais que sur les lieux de pêche, le plus souvent il était séché, mis en saumure ou conservé dans l’huile. L’opson, le poisson séché et salé était le plus cher. Nous connaissons un important exportateur de poissons salés et sans doute aussi possédant une industrie de préparation et transformation des poissons, Chairéphilos, qui se vit accorder des droits civiques en échanges de services rendus à la cité à l’époque de Démosthène. Cela montre combien le souci de fournir une alimentation régulière sur les marchés des cités était un souci constant des édiles. D’ailleurs une inscription d’une ville de Béotie montre une liste de poissons avec leurs prix.

Nous ne connaissons presque rien des manières de les cuisiner, grillés sur un feu de bois enveloppés dans des feuilles de figuier, au court-bouillon ou rôtis, bouillis  avec des céréales, braisés et en friture à partir du Vème siècle. Les poissons pouvaient aussi mis dans des cocottes placées sur des supports au dessus du foyer ou de braseros portatifs. Hippocrate conseillait la consommation de poissons de mer et d’eau douce et celle des coquillages, il cite un bouillon d’huîtres.  Il nous apprend que le garum était fabriqué à Corinthe et Délos.  Les poissons crus pouvaient être des apports d’eau pour les Ichtyophages, cités par Hérodote, populations monophages des côtes d’Afrique et d’Asie. Mais nous sommes là davantage dans le domaine du fantasme que dans la réalité.

 

Amphitrite, musée du Louvre

Amphitrite et Poséidon

 Les pêcheurs vénéraient leurs dieux de la mer Amphitrite et Poséidon. Amphitrite, fille de Nérée et de Dioné, était une personnification de la mer. Elle vécut la vie insouciante des filles de dieux jusqu’à ce qu’un jeune dieu, Poséidon, fils de Zeus et de Rhéa, tomba amoureux d’elle, un jour qu’il la vit danser avec ses amies sur l’île de Naxos. Jeune vierge effarouchée, Amphitrite alla se cacher chez le géant Atlas afin qu’il la protège de la convoitise de Poséidon. Mais ce dernier, très épris et vexé de voir la belle Amphitrite se refuser à lui, dépêcha quelques messagers qui  charger de plaider sa cause auprès de la belle. L’un d’eux, Delphinos, beau parleur certainement, réussit à convaincre Amphitrite de la sincérité de l’amour de Poséidon. Ce dernier le récompensa en propulsant Delphinos au firmament où il resta définitivement en tant que constellation du Dauphin. Amphitrite épousa donc Poséidon qui à l’occasion troqua son foudre pour un trident. En épousant cette divinité de la mer, il devint une divinité marine. Ils vécurent le parfait amour et eurent trois enfants. Un fils, Triton, et deux filles, Rhodé, mère des Héliades qui donna son nom à une île et Benthésicymé qui partit en Ethiopie.


Poussin, Musée de Philadelphie
Amphitrite parcourait les océans sur son char en forme de coquille trainé par des dauphins et des chevaux marins et accompagnée d’une troupe de Néréides et de Tritons. Pour oublier les infidélités de son mari ? Ou peut-être pour aller se venger lorsqu’elle transforma l’irrésistible (aux yeux de Poséidon) nymphe en monstre. Déesse des mers mais néanmoins femme jalouse.

 

Les sirènes d’Homère étaient-elles des poissons ?

Et bien, non, si les syriens possédaient une déesse à queue de poisson, Dercéto, les sirènes de la mythologie grecque étaient des créatures mi-femme, mi-oiseau, pourvu d’un corps d’oiseau surmonté d’une tête de femme. Mystérieuses et dangereuses, les sirènes aux voix mélodieuses, attiraient les humains dans le royaume des morts. A l’origine, elles furent des jeunes femmes, compagnes de Persèphone.  N’ayant pu l’empêcher d’être entrainée aux enfers par Hadès, elles furent punis en étant affublées de plumes et de pattes d’oiseau. En effet, on imagine assez mal des sirènes se jetant dans la mer pour se noyer ce que firent, de désespoir, celles qui ne réussirent pas à séduire et capturer Ulysse.


Cratère, Le Louvre

Par contre la petite sirène d’Andersen était bien une créature marine à queue de poisson.  Car dans la mythologie des pays nordiques les sirènes étaient des ondines, mi-femmes, mi-poissons.  A l’origine, créature monstrueuse, elles sont devenues de séduisantes jeunes femmes aux longs cheveux qui attiraient les pêcheurs puisqu’elles devaient se faire aimer par des hommes pour devenir des créatures immortelles.

 
 

Et les hébreux

A Jérusalem existe encore la Porte des Poissons à l’emplacement de ce qui était sans doute de marché de la ville où les pêcheurs venaient vendre les poissons. Les hébreux consommaient du poisson mais pas n’importe lesquels car les tabous et interdits alimentaires sont nombreux dans la religion juive. On  peut consommer « tous ceux qui ont des nageoires ou des écailles et qui sont dans les eaux, soit dans la mer, soit dans les rivières… Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n’ont pas de nageoires ou d’écailles » Sont donc exclus tous les animaux aquatiques fixés sur les fonds et sur les rochers. La belle parabole des pains et des poissons, racontée par les quatre évangélistes, montre bien l’importance de ces derniers dans le régime alimentaire méditerranéen.


Mots-clés : Technorati, Technorati

le 11.11.11 à 19:47 dans Histoire des aliments
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