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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Chapons

La fin de l’année approche et avec elle, les angoisses existentielles récurrentes : qu’est ce qu’on faire pour le réveillon ? Ou sa variante : Qu’est ce que je vais préparer à Noël cette année ?
 

On est finalement souvent tenter de choisir une volaille de saison et pourquoi pas un chapon ?
Mais attention il y a chapon et chapon.
Pour éviter de se tromper, il y a votre volailler préféré ou à défaut votre boucher préféré qui connait ses fournisseurs s’il est sérieux.
Il saura vous conseiller vers une volaille Label Rouge ou sans appellation mais élevée correctement : croissance lente, alimentation traditionnelle et saine, race indigène savoureuse. Chaque région de France possède des élevages qui élèvent des volailles toute l’année et des chapons pour les fêtes : les gélines de Touraine, les volailles des Landes, de Gascogne, du Gers, du Tarn, de Loué, le coucou de Rennes et j’en oublie certainement. La plupart des éleveurs de ces races originales produisent des volailles de grande qualité dont l’élevage a fait l’objet de soins attentifs.
En dehors de ces volailles vous avez le choix entre les chapons sous Label de qualité comme le Label rouge et certaines IGP et AOC. Les seules volailles à bénéficier, en France, d’une AOC sont les volailles de Bresse.
 

Tout d’abord, qu’est ce qu’un chapon ?
C’est un poulet que l’on a châtré et qui n’est élevé que pour sa chair. Car poulets et chapons proviennent des mêmes souches.  L’opération qui consiste à lui ôter les testicules, appelée le chaponnage, doit être faite par un spécialiste, lorsque le poussin est âgé de 9 ou 10 semaines. A la suite de ce chaponnage, le jeune chapon perdra sa voix et sa crête ne poussera plus.
Cette opération est très délicate, et ne réussit pas toujours à 100%. Lorsque le chaponnage est raté, la crête va continuer à pousser et certains éleveurs la couperont plus tard, il en résultera un bourrelet rouge sur le sommet du crâne, signe que ce n’est pas un chapon.
 

Chapons Label Rouge comme par exemple celui des Landes et du Sud-ouest
Dans les métairies, l’élevage des chapons faisait partie des traditions et était réservé aux repas de fêtes. C’est au 19ème siècle que le commerce des chapons se développe parallèlement à la naissance des recettes gastronomiques traditionnelles. Maintenant c’est environ 100 000 chapons qui sont élevés tous les ans. Ils appartiennent aux races poulet cou nu blanc, jaune ou noir et sont élevés au maïs qui leur donne leur saveur.
Durant 10 semaines  les jeunes poussins et  les jeunes futurs chapons mènent la même existence. Ils grandissent en toute liberté en attendant la castration sur un parcours au sol de 3 à 4 m2 par sujet. Les lots de poulets à chaponner sont déclarés dès leur naissance.
Entre la 6ème et la 10ème semaine, le poulet est castré chirurgicalement et écrêté ; il est interdit de parcours 2 jours avant et 6 jours après. En perdant ses testicules, il perd son caractère mâle : crête et barbillons ne pousseront pas et il va se conduire comme une poule avec les poussins.
Les chapons sont ensuite remis en liberté sur des parcours à raison de 10 chapons/m2 jusqu’à 115 jours et ensuite 5/m2 pour les 4 dernières semaines dans un bâtiment contenant 750 chapons.
A partir du 29ème jour, la nourriture est faite de  80 à 85% de céréales : maïs, de farine de luzerne et  de  produits laitiers : 5% qui ne sont pas imposés. Autrefois, le chapon élevé en épinette était nourri à l’herbe et au froment concassé mélangé au lait entier de vache.
La durée totale d’élevage est d’au moins 150 jours. A ce terme, le chapon pèse 3,5 kg et sa chair est blanche et savoureuse.
   

Le Chapon de Bresse 

 L’élevage des chapons en aussi très ancien en Bresse à partir de 3 races existantes : la noire de Louhans, la grise de Bourg en Bresse et la blanche de Beny. La première preuve écrite de cet élevage date de 1591  concerne un don de volailles de Bresse à un seigneur par des hommes de Bourg en Bresse. Le développement de la culture du maïs va de pair avec celui des volailles surtout lorsque la Bresse savoyarde est rattachée à la France. C’est en 1825 que Brillat-Savarin fait l’éloge des volailles de Bresse (Méditation 6, III : Volailles, 34). La recherche de l’excellence est stimulée par l’organisation en 1862 d’un concours de volailles à Bourg en Bresse qui préfigure « Les Glorieuses » où le gagnant reçoit un vase de Sèvres de la part du Président de la République en récompense de son travail. Cet élevage de qualité, réalisé par les femmes, prend son essor grâce aux progrès du chemin de fer et de la conservation par le froid. La récompense suprême arrive en 1957 avec l’AOC qui est basée sur le savoir-faire, les usages locaux et tangibles, la connaissance et les habitudes ancestrales et le terroir.
La loi de 1957 précise les conditions de l’AOC selon un cahier des charges très contraignant.
La zone d’élevage s’étend sur l’Ain, berceau de la volaille,  la Saône et Loire et  dans une moindre mesure le Jura. En 2004, 16 000 chapons ont été élevés dans la zone d’AOC.
Tous les poussins proviennent d’une même souche : la race Bresse ou gauloise blanche à crêtes rouge et à croissance lente. Les poussins arrivent à la ferme âgés de 1 jour et vivent 5 semaines durant dans un lieu clos dans la chaleur d’une éleveuse artificielle. A 35 jours, ils sont ensuite lâchés sur un parcours herbeux : 20 mètres carré/chapon. Le sol de ce terrain, pauvre en calcaire,  est de consistance glaiseuse propice au développement des larves, vers, œufs et insectes et d’herbes que les poulets picorent avidement. C’est un régime basé sur une carence en protéines qui va pousser les volailles à compléter leur nourriture avec les petits animaux présents dans le sol. La pauvreté  en calcaire du  sol donne aux volailles un squelette très fin.
Lorsque le poussin est âgé de  2 à 4 mois, a lieu le chaponnage, opération délicate eut égard à l’âge tendre des poussins dont les organes génitaux sont peu visibles. Cette opération est faite par un chaponneur professionnel ce qui limite les risques de d’échec. Si l’opération ne réussit pas la crête poussera et le poulet ne pourra être vendu comme chapon.
Après une période de 9 semaines passée en liberté,  les chapons sont devenus adultes. Ils sont alors mis dans des épinettes pour la phase finale de l’élevage qui dure 4 semaines minimum. Les épinettes sont des cages de bois montées sur pied et divisées en compartiments, ces cages sont installées dans une salle sombre et calme, à proximité du foyer. Les chapons sont nourris de maïs blanc (90%) et de petit lait (10%), sans additifs, ni compléments, ils doivent prendre du poids en absorbant le plus possible de nourriture.
Entre 32 et 43 semaines, lorsque le chapon pèse de 3 à 4 kilos, il est abattu, puis plumé à la main, à l’exception d’une collerette en haut du cou. La tête et le corps sont préparés : la collerette, le cou, la tête,  les ergots sont nettoyés. L’opération suivante est le roulage : on enveloppe le corps du chapon jusqu’au cou dans une toile de lin, de chanvre ou de coton que l’on coud serré ce qui permet aux graisses de se répartir autour de la chair et à l’air contenu dans la bête de se vider, assurant une conservation optimum. Le chapon ainsi bridé est suspendu 1 ou 2 jours, puis la toile est retirée. Le chapon a maintenant cette forme d’obus si caractéristique, d’une belle couleur blanche,  ailes et pattes incrustées dans le corps.
L’ensemble des différentes opérations : castration, alimentation, vie à l’air libre puis confinage, la croissance lente, l’âge de l’abattage et le roulage confère à la chair abondante du chapon une texture moelleuse et fondante, un persillé provoqué par une infiltration régulière de la graisse dans les tissus, une viande juteuse et très gouteuse. A nulle autre pareille.
 

 
Présentations de chapons aux Glorieuses à Bourg en Bresse


Mots-clés : Technorati

le 20.11.06 à 17:05 dans Histoire des aliments
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Commentaires

Le chapon n'a que des qualités !

c'est une viande très saine, gouteuse et excellente pour la santé !

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