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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Y a t'il des révolutions en cuisine, chapitre 3

 4 La découverte du Goût à la Renaissance

Nous l’avons vu durant plusieurs siècles, l’innovation technique a été rare et routinière. Pour ne prendre que le cas de la cuisine française, ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’on adopte enfin le potager, meuble de cuisson, connu depuis fort longtemps en Italie et qui a permis l’émergence de ce que l’on peut appeler la cuisine française classique. En effet, les sauces « modernes » n’auraient pu apparaitre sans sources de chaleur contrôlables et placées à hauteur d‘appui et sans la possibilité de contrôler les températures de cuisson, les liaisons n’aurait pu être maîtrisées Sans feux multiples, il était impossible de mener plusieurs opérations de cuisson en même temps.

Ce qui nous prouve que la mise en place d’une sorte de chaine de causalité va provoquer l’évolution d’un outil de cuisson qui va permettre un changement de pratiques culinaires qui vont induire des modifications des sensations gustatives et un goût prononcé pour travailler l’esthétique des plats.

A contrario, un rapport nouveau et différent à la nourriture peut favoriser la naissance de nouvelles techniques ou la résurrection d’anciens savoir-faire. Quelques exemples nous le montrent. Il semblerait qu’en Chine, ce soit la difficulté à trouver du combustible qui soit à l’origine de l’invention du Wok et donc d’une manière de préparer la nourriture coupée en petites bouchées, la cataplana portugaise répondrait de la même nécessité.

Nous voyons donc que l’innovation des techniques fait évoluer le goût. A la Renaissance s’ajoutent d’autres nouveautés : les produits alimentaires rapportés d’outre-mer :la tomate, le maïs ; les haricots, la citrouille, le topinambour, la pomme de terre, le chocolat, la vanille, le piment et la dinde. Puis les mariages des rois français avec des princesses italiennes va faire connaitre en France des légumes tels que les artichauts, les petits pois, les cardons et le goût des légumes en général que Montaigne avait découvert lors de son périple en Italie. Ces princesses ont fait découvrir également les arts de la table ignorés chez nous : la fourchette, la faïence et la cristallerie.

Par ailleurs l’invention de l’imprimerie a permis un développement de l’impression et de la diffusion de recueils de recettes. A ce propos, un ouvrage est essentiel : « De l’honnête volupté, livre très nécessaire à la vie humaine pour conserver bonne santé » de Platine auteur du Quatrocento. Platine est un humaniste qui s’est formé à la fois auprès de grands maîtres de la littérature et de la philosophie et des sciences amis aussi auprès d’un très grand maitre queux : maître Martino, considéré comme le plus grand cuisinier romain. Son ouvrage mêle considérations culinaires et diététiques et parle du plaisir éprouvé à savourer les plats dudit maitre Martino. C’est une défense et une célébration du plaisir honnête de goûter des plats à la fois simples et raffinés, qui fait la différence entre plaisir gourmand et gourmandise, voire de la gloutonnerie qui va être à l’origine de nombreux ouvrages faisant l’apologie de la friandise. Le mot même friandise évoque une consommation nouvelle. Liée à la vulgarisation de la consommation du sucre, la pâtisserie se développe.

C’est donc un intérêt nouveau qui est porté à l’alimentation dans les récits des voyageurs et dans les écrits des auteurs du XVIe au XVIIIe siècle, nous avons évoqué Montaigne, mais on peut aussi citer Nicolas de Bonnefonds, les libertins. Tous ces ouvrages dédiés au plaisir de manger et de boire montre une libération de la gourmandise, libéré de son aspect culpabilisant qui apparait également dans les arts plastiques avec les allégories des sens et de la gourmandise. C’est la naissance d’une réflexion sur le goût comme concept à la fois intellectuel et physiologique, le goût devient à la mode on peut en parler et ne débattre et le plaisir occupe une place assez particulière et nouvelle en raison des aspects moraux et sociaux qui lui sont attribués. 

le 22.02.20 à 17:17 dans Autour de la nourriture
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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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