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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Vin et société en Grèce et à Rome

Avant que Dionysos ne fasse découvrir aux hommes le vin, les grecs buvaient surtout de l’eau et le lait de leur brebis ou de leur chèvre. Mais quand les hommes découvrirent le vin, il trouvèrent cela si bon qu’ils en firent leur  boisson quotidienne, tant pour accompagner un frugal repas paysan que pour réjouir les cœurs lors des fêtes

 

Buvons ! N’attendons pas les lampes :
A un doigt est la fin du jour.
Apporte-nous des coupes grandes.
Des coupes ornées, mon amour.

Le fils divin de Sémélé

Aux hommes le vin a donné
Afin qu’ils puissent oublier.
Emplis la coupe jusqu’en haut,
Un tiers de vin et deux tiers d’eau
Et qu’une coupe chasse l’autre

Alcée

 
 
Dionysos, donne-leur le vin quotidien !

Dionysos a donné le vin aux hommes pour qu’il soit heureux et qu’ils se consolent des maux qui les affligent. C’est un vin cathartique.

Dans l’ensemble, les grecs buvaient du vin avec modération. Hormis au premier repas du matin au cours duquel on trempait son pain dans du vin pur et lors de certains symposiums, tous les grecs buvaient leur vin coupé d’eau. Epais et capiteux, les vins se buvaient coupés d’eau ou additionnés de substances diverses - résine, miel, aromates, épices - qui les rendaient plus faciles à boire et qui masquaient les défauts provoqués par un manque de connaissance en matière de vinification. Les mélanges faisaient partie du service du vin et étaient extrêmement codifiés afin, qu’en toutes circonstances, on puisse boire sans atteindre trop rapidement des états d’ébriété.

Lors des banquets, on mangeait davantage que l’on buvait même s’il était indispensable d’étancher la soif des convives. C’était lors de la deuxième partie du banquet le symposium que l’on buvait des coupes de vin. Le symposium était une assemblée, une réunion de buveurs prétexte à toutes sortes de conversations, légères et badines ou philosophiques ou métaphysiques. Platon l’a parfaitement décrit dans Le Banquet

 
Le jeu du cottabe dans un symposium


Le vin est une médecine

« Il vaut mieux être plein de vin que plein de nourriture » écrit Hippocrate de Cos, le grand médecin grec dans ces Aphorisme (2.11). Même s’il ajoute dans un autre ouvrage que l’excès de vin provoque « des maux de tête et des dérangements de l’esprit ». Dans ses livres, il préconise une consommation régulière de vin pour se maintenir en bonne santé, différente selon les saisons:
«  En automne, la quantité de vin doit diminuer et être moins diluée pour passer un bon hiver. On prend de plus petite quantité de boisson moins dilué et de plus grande quantité de diverses céréales moulues. » Régime de Sante 1

Il prescrit également différents types de vins pour soigner les maux qui peuvent affecter les malades, car Hippocrate que le vin a un rôle éminent en médecine et les prescriptions seront différentes selon la constitution de chacun que ce soit pour la consommation ordinaire que comme médecine.

Pour la jaunisse :
«  Au bout de 7 jours le patient boit de l’hellébore… Qu’il prenne aussi es ampoules de scarabées dont on aura ôté les ailes et la tête, broyez de la farine et dissolvez-la dans une demi coupe de von blanc, additionné de miel et donnez-lui à boire… Laissez le patient mangez ce qu’il acceptera et qu’il boive du vin blanc sec » Affections Internes, 36.

 

 

A Rome, de l’abstinence à la licence

Les Etrusques, acceptaient la compagnie de leurs femmes à leur banquets ce qui choquait les observateurs grecs qui y voyaient des opportunités de flirt et de séduction entre des personnes d’un même statut social.

Pline, dans son Histoire Naturelle au livre XIV, consacré au vin raconta que les premiers romains étaient d’une grande sobriété et buvaient peu, aussi longtemps que le vin fut une marchandise rare dans la Latium. Par conséquent, ils interdisaient à leurs femmes de boire du vin : «  que la femme ne boive pas de vin », telle était la maxime des pères fondateurs qui ne leur autorisaient seulement la piquette ou le passum. 

Les descendants de Romulus imposèrent un code moral très méditerranéen où la femme était surveillée par toute la parentèle masculine 

Même si les auteurs exagèrent ces souvenirs légendaires, il n’en reste pas moins, qu’aux premiers siècles, par nécessité ou par devoir, pour la sauvegarde du foyer et le respect du à la famille, le niveau moral des individus restait élevé. Pour ces hommes sévères, le vin ne pouvait conduire qu’à l’ivresse et l’ivresse à la débauche, les excès de Bacchus entraînent aux désordres de Vénus.

Mais les pressions sociales se relâchèrent et sous l’Empire, hommes et femmes participaient aux mêmes banquets où le vin étant abondant. Son usage se répand sans distinction de sexes.

Aux siècles suivants tout change, la deuxième partie de l'orgie, la comissatio est uniquement consacrée à boire, l'assemblée tire au sort le roi ou la reine de la table qui dirigeait la marche du repas, les fonctions de ce roi ou de cette reine est de décider du mélange du vin et de l’eau et selon son envie de s’amuser ou  de transformer cette partie du banquet en sévère beuverie.

 
Importance économique

La viticulture symbolisait l’économie agricole et son extension rapide est une preuve de son importance. La vigne fut cultivée partout au détriment des céréales. Les domaines réunissaient plusieurs cultures et les terrains plantés en vignes n’étaient pas toujours très importants, entre 2 et 6 hectares, à quelques exceptions près. Et moins étendus en Grèce qu’ils le furent en Italie.

La production variait selon l’exposition des vignes et le mode de culture. Les rendements moyens se situaient autour de 280 hectolitres/hectare.

Les échanges de vin étaient importants, les vins grecs trouvaient des débouchés dans les régions qui n’en produisaient pas ou pas assez comme le Pont et l’Egypte. A l’époque romaine, les vins ont une importance considérable, on en vend partout jusqu’aux confins du monde et les importateurs acquittaient des droits de douane conséquents pour obtenir leur boisson favorite tant convoitée.

Les prix des vins variaient selon les années et selon les crus. Les cours des vins oscillaient de façon assez marquée pour permettre la spéculation, nous n’avons donc rien inventé ! Caton conseillait d’avoir toujours en réserve quelques dolia de vins pour attendre la hausse des cours et certaines années les bénéfices étaient considérables, le vin du consulat d’Optimum, dont tous les auteurs parlent comme d’une merveille, s’achetait 100 sesterces l’amphore. Les excès étaient tels que fixa un prix des vins selon leur qualité : 28 deniers pour une amphore de vin vieux de première qualité, 24 deniers pour une amphore de vin vieux de seconde qualité et 16 deniers pour le vin commun.

La surproduction faisant chuter les prix, cet empereur prit aussi des mesures pour limiter la production : interdiction de planter de nouvelles vignes et arrachage dans certaines régions.

Les distributions de vin au peuple provenaient de vin fourni comme impôt par des contribuables  qui devaient le livrer aux suscriptores vini.

 

Une exploitation habile et bien menée ne pouvait qu’augmenter la valeur d’un vignoble. Pline donne l’exemple de Palémon, un grammairien, qui acheta u vignoble pour 600 000 sesterces. 8 ans plus tard, le récolte est vendue sur pied 400 000 sesterces et 2 ans plus tard, il vend la propriété à Sénèque 2 400 000 sesterces. Une plus value non négligeable qui montre l’importance économique de la viticulture. L’envol des prix des domaines viticoles actuels emprunte à une vieille tradition.

 
 
 
 

Mots-clés : Technorati

le 19.06.09 à 09:00 dans Histoire des aliments
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