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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Sucre, confiture, gelée et marmelade

Le mot confiture vient d’un mot latin dont la traduction est : conserver. Pendant longtemps, le miel puis le sucre ont été utilisé pour conserver les fruits, les légumes, des graines, des épices et les fleurs. On fabriquait et dégustait des confitures sèches à la fin des repas, qui étaient des dragées et des pâtes de fruits. Plus tard apparurent les confitures, gelées et marmelades.

 

 
gelée de coins maison

 

 

Le miel puis le sucre furent utilisé pour enrober et confire des pétales de fleurs, des fruits, des tiges de plantes, des graines. En Grèce comme à Rome, ces confiseries étaient fort prisées lors des repas. Mais les invasions barbares bouleversèrent à telle point les populations que même ces petits délices furent balayés par les hordes qui déferlèrent sur l’Occident. En Orient et à Byzance, les pratiques s’étaient conservées et c’est par les ports de Venise et de Gènes que ces friandises retrouvèrent le chemin de l’occident.

 

Epices de chambre et confitures sèches

Le terme épices de chambre désigne toutes sortes d’épices et de graines enrobées dans le sucre que l’on dégustait à l’issue des repas. Les confitures sèches sont ce que nous appelons des pâtes de fruits, mais des pâtes très relevées d’épices et de parfums. Elles étaient préparées et dégustées à des fins digestives. Ces petites gourmandises étaient de légers remèdes qui contrecarraient les effets secondaires de repas trop lourds ou peu équilibrés. Comme souvent on dégustait ces épices, conservées dans de petites boites,  dans sa chambre au moment du coucher, on leur donna le nom d’ « épices de chambre ». Les cuisiniers les préparaient en plongeant dans un caramel des graines d’anis, des clous de girofle, des grains de poivre, des baies, des morceaux de gingembre, d’angélique, des fleurs, des pignons, des amandes et en les y faisant cuire. Cela ressemblait assez à nos dragées ou pralines. Dans les cours et les festins on en faisait  grande consommation.

Le sucre et les confitures étaient vendus par les épiciers, comme le sucre coûtait cher ces friandises étaient onéreuses et par conséquent considérées bonne pour la santé. En Espagne et en Italie où le sucre fut d’abord connu on cuisinait des fruits et épices et des écorces d’agrumes confites et aussi des pâtes de fruits.

 

Nostradamus, source:wikipedia

Un médecin tombé dans le sucre

Les confitures en pots dont on tartine les tranches de pain virent le jour dans notre beau pays à la gastronomie si réputée grâce à un personnage étonnant Michel de Notre Dame, plus connu sous le nom de Nostradamus. Passé à la postérité davantage pour ses prédictions que pour ses écrits culinaires. Natif de St Rémy de Provence, il exerça la profession de médecin à Salon de Provence avant de devenir le médecin du roi Charles IX. Il voyagea en Italie où il découvrit le sucre et surtout toutes les manières de l’utiliser : ses cuissons, comment faire des sirops et des confitures liquides telles que nous les connaissons.

Lorsque Michel de Notre Dame rentra en France, il écrivit un livre dans lequel il consignait et expliquait toutes les manières de maîtriser les cuissons du sucre et de le travailler. Comme il seyait à l’époque le livre portait un titre très long et explicatif : « Excellent et moult utile opuscule à tous nécessaire sur la façon et manière de faire toutes confitures liquides tant en sucre, miel qu’en vin cuit ». Fort de nombreuses explications et recettes, cet ouvrage permit aux cuisiniers, puis aux maitresses de maison instruites de préparer des confitures liquides, ce que nous appelons aujourd’hui, confitures et gelées. Ecrit par un érudit ce livre mêle cuisine et poésie avec un égal bonheur. Exemple : « Pour faire de la gelée de guignes aussi claire et vermeille que le rubis, et d’une bonté, d’une saveur et d’une vertu excellentes, tandis que les guignes garderont longtemps leur perfection… cuireà petit feu, et que le feu soit toujours au milieu de la poêle afin que cela n’attache pas… à la clarté du soleil ou à la lumière, vous la trouverez belle comme le rubis. »

La gelée est plus compliquée à réaliser. Les fruits cuisent d’abord dans de l’eau. Ils sont ensuite égouttés et pressé dans un torchon, le jus récupéré est cuit dans le même poids de sucre. Les confitures et marmelades sont le résultat de fruits entiers ou morceaux de fruits cuits dans du sucre

Les confitures sèches n’étaient pas oubliées, pas plus que les dragées, fruits confits et épices de chambre, les nougats et tourons.

C’est un livre extrêmement important même s’il est tombé dans l’oubli assez vite, on y trouve outre la gelée de guignes, d’autres recettes de gelées comme la gelée de coings, la confiture de gingembre vert, des noisettes, écorces de citron et d’orange confites

Nostradamus fit école, car Olivier de Serres Consacre le chapitre 2 du  huitième lieu de son Théâtre d’Agriculture aux confitures. Il affirme que cette manière de faire vient d’Espagne et du Portugal. Et nous voyons que le sucre reste une denrée de luxe quand il écrit : « Noterons que pour la confiture liquide, la cassonade est meilleure que le sucre fin ; ayant regard à la dépense : parce qu’étant plus substantielle que lui, la confiture s’en fait à meilleur marché » Plus loin, il précise qu’il convient de préférer la cassonade blanche et que de toutes manières blanche ou noire il faut les clarifier avant de les utiliser.

 

Evolution des confitures

« Il fallait beaucoup d’art à les bien préparer » était-il indiqué dans l’Encyclopédie. On utilisait tous les fruits que nous connaissons et les fleurs de violettes et d’acacia, les grains de melons de grenade et les pistaches et même le café vert. On note que le terme confiture ne désigne pas seulement les confitures liquides. Le mot  marmelade, confitures semi-liquides g faites avec la chair des fruits qui ont de la consistance convient davantage.

Jamais nous ne supporterions de manger les confitures de cette époque, les XVI et XVIIe siècles. On prisait les confitures très sucrées, on lit dans les recettes de mettre une livre et demi de sucre pour une livre d’abricot

En 1660, parait le Confiturier français, ouvrage  dans lequel l’auteur explique les diverses façons de traiter le sucre et la cassonade. Les recettes de confiture deviennent plus précises car les différentes étapes de cuisson du sucre : à la lisse, à la perle, à la nappe etc. sont expliquées. C’est d’ailleurs un ce ces termes qui définit encore le mot confiture : morceaux de fruits ou fruits entiers cuits dans du sucre à la nappe.

La directive des communautés européennes du 24 juillet 1979 fait la distinction entre confiture extra comportant 450 g de fruits/kg de produit fini et la confiture ordinaire ne comportant que 350 g de fruits /kg de produit fini. Il est loin le temps, où le sucre était le produit cher à économiser !

 

La confiture évoque encore des  odeurs sublimes, des doigts trempés dans les bocaux, les tartines du petit déjeuner et encore parfois du goûter. On en fait de moins en moins, il est vrai qu’il faut du temps pour les faire : préparer les fruits, les faire cuire, les mettre en bocaux, les étiqueter et les ranger. Mais quel plaisir de les manger ensuite, de les offrir, car qu’il s’agisse de confiture, de marmelade ou de gelée, elles ont un goût incomparable.

 
 
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Mots-clés : Technorati

le 06.12.10 à 17:45 dans Histoire des aliments
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Commentaires

Mjam la marmelade de sa fabrication est toujours un bon cadeau pour Noel :)

mylène - 17.12.10 à 15:06 - # - Répondre -

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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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