S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

SOS Biodiversité en danger

Quel bonheur de déambuler le panier à la main entre les étals d’un marché paysan tenté par une grande variété de légumes et de fruits aux couleurs et odeurs si alléchantes et dont le goût évoque des souvenirs d’enfance.
Vraiment rien de bien original, me direz-vous ? 
Pour l’instant c’est exact. Mais je ne suis pas sûre que nos petits enfants pourront avoir ce plaisir : celui d‘avoir le choix de sa nourriture. Celui de pouvoir acheter des variétés anciennes, de les cultiver et de les manger. Le petit marché paysan est vraiment en danger, et la pérennité de ces variétés anciennes et même récentes de légumes et de fruits aussi.
Pourquoi ? Parce que l’association Kokopelli vient de perdre un procès en appel contre la GNIS (Groupement des Interprofessionnels des Semences) et la FNPSP (Fédération Nationale des Professionnels de Semences Potagères et florales). Ce qui peut nous paraître absurde étant donné que tout ce beau monde semble travailler pour la même cause. Hélas ce n’est pas si simple que cela.
 

Tout d’abord Kokopelli c’est quoi ? Ce terme, éponyme d’un dieu amérindien de la fertilité, est le nom d’une association qui produit des  graines et des semences pour le jardin. Mais elle ne se contente pas de faire commerce de ces semences, elle a établi une collection planétaire de variétés potagères. Cette collection remarquable est une véritable œuvre de sauvegarde d’un patrimoine végétal qui risque de tomber dans l’oubli si personne ne s’occupe de le sauver. Dans leur ouvrage « Semences de Kokopelli », l’association présente 2700 variétés et espèces différentes.
Leur action mériterait une médaille, une récompense, une distinction de la part de la patrie reconnaissante.
Hors, il n’en est rien et c’est même tout le contraire qui se produit : attaqué en justice par la GNIS et la FNPSP pour commerce de variétés de semences non inscrites au catalogue national, Kokopelli est condamné en appel par le tribunal de Nîmes à une très lourde amende qui met l’association en péril. Pour voir tous les détails de l’affaire sur le site de Kokopelli :
http://www.kokopelli.asso.fr/actu/new_news.cgi?id_news=82,
après que les plaignants aient été débouté au tribunal d‘Alès auparavant,
http://www.kokopelli.asso.fr/actu/new_news.cgi?id_news=70.
Kokopelli porte maintenant l’affaire devant la Cour Européenne de Justice.
 

Pourquoi cette attaque des semenciers ? Nous allons faire un rapide retour en arrière pour bien comprendre.
En 1942, le 24 février, très exactement, le gouvernement de Vichy crée une instance spécifique, le Comité Technique Permanent de la Sélection, chargé de clarifier les problèmes spécifiques des semences et des variétés dans le cadre de la répression des fraudes des ventes des denrées alimentaires et produits agricoles. Ce comité doit veiller à la défense des intérêts des obtenteurs et des utilisateurs de semences et de plants. Dans ce but, il fut décidé la création d’un catalogue variétal officiel qui recense les variétés inscrites par les obtenteurs. C’est l’inscription à ce catalogue qui permet à l’obtenteur de commercialiser ses semences. Cependant cette inscription a un coût, différents selon les variétés et les espèces (pour connaitre le détail des coûts d’inscription :
http://www.geves.fr/index2.php ), et certaines variétés anciennes sont donc interdites par défaut d’inscription. Ces variétés anciennes non inscrites lorsqu’elles n’ont pas de semenciers pour les inscrire, passent alors dans le domaine public où tombent automatiquement  les variétés qui ont 20 ans d’existence au catalogue variétal officiel. 
Il fut donc créé un catalogue annexe, annoncé dans le Journal officiel le 01/01/1998, qui établit la liste des variétés anciennes dont la vente n’est autorisée qu’aux amateurs et qu’en France. Elles sont donc interdites aux maraichers et aux consommateurs ne possédant pas de jardins potagers. Et surtout 90% de variétés tombées dans le domaine public ont disparu en 2000. Elles sont conservées dans une banque de gènes où elles pourront servir à la création de variétés hybrides. Les jardiniers seront donc dans l’impossibilité de se procurer ces variétés anciennes et ceux qui en possèdent ont légalement l’interdiction de vendre les plants de ces variétés. Peu à peu, les variétés traditionnelles que chaque jardinier peut produire sont supprimées au profit de semences reproductibles uniquement par les semenciers qui vont décider de ce que l’on doit cultiver et manger.
 

Comment se fait la sélection des variétés ?
- Traditionnellement en lignée pure de variétés homozygotes autoreproductibles.

- Par le clonage qui est une  multiplication végétative, les plantes-filles sont identiques aux plantes-mères, on effectue une sélection sanitaire pour produire des plantes vierges de maladies en éliminant les virus,  par thermothérapie ou culture in vitro de méristèmes. Elles sont fortement hétérozygotes.

- Par création d’hybrides de 1ère  génération ou hybrides F1 de structure génétique hétérozygote. Elles proviennent soit de deux  variétés parentales de lignée pure et donneront une variété homogène ou d’une ligne ou et d’un hybride, soit de deux hybrides et la descendance sera peu ou pas homogène. La plupart des variétés récentes de plantes potagères sont des hybrides. Ce système de reproduction est beaucoup plus difficile puisque le croisement des deux parents est plus compliqué et l’autofécondation doit être supprimée.

- Par création d’hybrides de 2ème génération ou hybrides F2, par autofécondation d’hybrides ou croisement de plantes dioïques ou incompatibles.
Il faut 5 à 10 ans de travail de croisements pour obtenir un nouveau cultivar qui pourra être commercialisé ou enrichir le matériel génétique du sélectionneur, ce système de reproduction est très coûteux.
Les variétés F1 et F2 s’épuise vite, il faut donc sans cesse créer de nouveaux hybrides résistants aux maladies, plus productifs et plus uniformes.
Les variétés hybrides, hétérozygotes,   sont stériles  car elles n’ont pas été menées à terme par les deux parents. Il faut donc chaque année se réapprovisionner chez le semencier qui a créé l’hybride. La production et le marché de la semence regroupent les semenciers, sélectionneur, multiplicateurs et agriculteurs au sein du GNIS et de la FNPSP qui ont investi dans les variétés F1 et OGM. Si le prix  à payer pour la création des hybrides et l’inscription au catalogue officiel est élevé, il très largement remboursé par les royalties touchées sur chaque sachet de graines vendu.
 

Le constat est triste et inquiétant. La création variétale, depuis des années, est motivée par le marché et la concurrence, et restreint la variabilité des espèces. Elle est donc de plus en plus uniforme, visant essentiellement une augmentation de la production au détriment des qualités organoleptiques qui ne cessent de diminuer.
Si vous êtes des consommateurs soucieux  de votre  plaisir gustatif, soucieux du maintien de la biodiversité alimentaire, soucieux du maintien des communautés nourricières qui conservent et cultivent de bonnes semences,  quand vous préparerez votre potager ou que vous planterez quelques plantes dans vos bacs sur votre balcon, pensez à les acheter chez
Le Biau Germe : http://www.biaugerme.com/ .
Le Réseau Semences Paysannes : http://www.semencespaysannes.org/index.php?rubrique_id=7
Kokopelli : http://www.kokopelli.asso.fr/
Ou chez des petits producteurs près de chez vous qui souvent vendent leurs plants et leurs graines sur des marchés bio ou des marchés paysans.

le 24.01.07 à 18:03 dans Biodiversité
- Commenter -

Partagez cet article


Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR