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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Pub, Femme et Champagne

 

Le charme des femmes a été un des arguments les plus utilisés des affiches qui apparaissent dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

 

L'image de la femme sur les affiches de champagne

Ces affiches sont l’expression des bouleversements qui transformaient la société sur un plan économique, démographique, culturel mais aussi artistique. Les différentes maisons de vins de champagne se développaient quivoulaient toutes des marchés nouveaux et entraient en concurrence les unes avec les autres. La société s’était aussi transformée, la révolution industrielle avait provoqué une révolution sociale faisant apparaitre de nouvelles classes urbaines: la bourgeoisie d’affaires, une moyenne et petite bourgeoisie qui possède de l’argent et un certain pouvoir d’achat et une classe ouvrière qui a besoin de s’amuser.

L’affiche existait depuis déjà longtemps, mais était essentiellement utilisée à des fins d’informations. Tout d’un coup, l’affiche va servir à interpeller le chaland et l’inciter à acheter ce qu’elle propose, c’est la naissance de la réclame, d’une incitation à consommer L’affiche devient la pièce maîtresse du paysage urbain et participe à l’aménagement du décor de la rue.

L’image de la femme

Sur le plan artistique, un mouvement va profondément transformer l’affiche et la réclame, c’est l’Art Nouveau. Les grands artistes et des écoles vont s’intéresser à ce nouveau support, les Nabis, par exemple, qui intégrèrent l’art à la vie quotidienne, ou Bonnard qui sera le créateur de l’affiche contemporaine avec les commandes de France Champagne.

Pour cette maison, il créa des dessins dans lesquels l’ombre et la lumière s’opposent admirablement. D’autres artistes, Grasset et Berthot, puisaient leur inspiration chez les préraphaélistes avec des femmes « botticelliennes » : des sveltes créatures, aux longs cheveux dans des paysages ornés de feuilles et des fleurs. Les femmes qui allaient dans les guinguettes, les caf’conc, les cafés étaient des consommateurs, elles étaient jeunes, assez libres et vivaient d’une manière nouvelle. Ce sont les grisettes, les cheveux aux vents, rapides et vives qui profitent de la vie. Elles sont gaies et manifestent un grand désir de jouir de la vie et de ses plaisirs. C’est cette image de la femme que les publicitaires vont utiliser. Cette petite femme qui fait tourner la tête des hommes.

 

Créer le désir

Puis arriva Jules Chéret. Cet artiste a très vite compris la dimension psychologique de l’affiche. Il saisit intuitivement le rapport entre l’objet à faire désirer et la femme objet de désir. Le désir… Le vin…. La femme… La femme de Chéret, très mignonne et toujours souriante, en perpétuel mouvement, donne l’impression de s’envoler dans un plaisir de vivre, dans un tourbillon de couleurs vives et chaudes où domine le rouge et le jaune, happant le regard et suscitant le désir du public. Ses affiches exprimaient l’évasion, la joie de vivre. Il n’a pas réalisé d’affiches pour les maisons de champagne, mais a inspiré nombres d’artistes.

Un autre artiste a utilisé cette idée : Mucha, le plus célèbre de la tendance art nouveau. Tchèque installé à Paris, il est devenu, à la fin du siècle, l’affichiste le plus recherché de la capitale et il a donné à l’art nouveau son expression la plus élaborée. Il appliquait son style personnel, aux produits dont il vantait les qualités au public. Les femmes étaient très présentes sur les affiches de Mucha qui créa un langage nouveau, à l’origine de la naissance de l’affiche professionnelle : l’envol de chevelures et de tissus qu’il emprunte au hollandais Jan Toorop, le jeu de courbes décoratives avec de nombreuses spirales et l’utilisation de la nature, fleurs et fruits. Les affiches pour le champagne reprennent la structure de celles de Sarah Bernardt : tête dans un cercle, cheveux et pose…. Femmes belles, hiératiques, presque inaccessibles pour un produit de luxe.


 

Symboliser l’élégance et le luxe

Le XXème siècle continua d’utiliser l’image de la femme et l’idée du luxe dans un autre style qui suggéra de plus en plus l’élégance. Le Champagne se démocratisait et il est important pour les plus grandes marques de se distinguer et de marquer sa différence avec l’ensemble de la production champenoise. D’abord il y avait les prix de ces bouteilles qui ne les mettaient pas à la portée du commun des mortels, il fallait aussi garder une image de luxe dans laquelle les consommateurs de ces marques se retrouvent et qui fasse rêver tous ceux qui verraient ces publicités dans les magasines.





Des artistes tels Gruau vont pour cela aller vers des affiches plus épurées, plus sobres. Les femmes semble attirée à la fois par la coupe tendue vers ses lèvres et l’homme qui lui tend et qui reste dans l’ombre. Une très belle suggestion de la tentation et un mouvement superbe du buste s’allongeant vers la coupe. La photographie reprend cette idée et les images du passé.





La publicité par la photo


Avec la photographie, le champagne à l’instar de toutes les marques de luxe demande à des tsars d’être le visage de leur marque. Ces stars que l’on retrouve dans les pages people des magasines, qui incarnent l’éternelle séduction et sont devenus les nouvelles idoles que l’on doit imiter et révérer. Elles suggèrent davantage les soirées chics, les bals ou l’intimité. Taittinger reprend l’expression « l’instant Taittinger » évoquant le moment précieux, rare, et après avoir utilisé le visage de Grace Kelly, dans une photo travaillée à la manière des affiches dessinées, retourne en famille avec celui de Vitalie Taittinger, une image plus simple qui utilise un procédé de construction très semblable à la première.

Le visage d’Adjani portant des lunettes évoque la vie de star, se protégeant sa vie privée faite de fête et de plaisirs symbolisés par la bouteille de champagne. Cette publicité dans l’air du temps car depuis la loi Evin, la publicité du vin est sévèrement contrôlée et il est impossible dorénavant de jouer sur le désir et la séduction pour faire la publicité du vin qui serait une incitation à consommer de l’alcool, il faut que la coupe soit cachée.


En faisant de Scarlett Johannson son égérie Moët et Chandon reprend les thèmes chers à Chéret : la jolie et jaune femme, souriante, piquante, la joie de vivre. Elle aussi semble s’envoler, une image de légèreté qui n’est pas sans évoquer les bulles et le champagne qui fuse, reprenant même les poses des champions automobiles, le succès, la gloire, la joie d’être les premiers. Une pub internationale et non française !


Scarlett s'envole telles les femmes de Chéret dans un frou-frou de robe soyeuse.

Ces affiches, ces dessins, ces photographies et ces spots répandent une image de vivre à la française, le savoir-vivre dans la fête en célébrant avec la Champagne tous les évènements de la vie, vie privée ou vie publique. Aucun vin n’évoque autant que le Champagne, la plaisir, la joie, l’instant unique, la séduction tout ce que la femme transmet et évoque dans un imaginaire universel.

 
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Mots-clés : Technorati

le 01.06.12 à 09:00 dans Vins
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