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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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plaidoyer pour une pêche durable

 

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame.
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. »

 

Vous vous souvenez certainement de ce poème de Baudelaire. Je l’ai choisi car il exprime bien tout ce dont nous allons parler maintenant. De la mer et de ses fond, en grand danger par la faute des hommes. La mer leur renvoie une image bien sombre et quelle âme peuvent-ils y contempler ?

 

Dorade rose

Danger de surexploitation des fonds marins.

Une fois de plus face à une menace écologique grave, les hommes font l’autruche, refusent de regarder la réalité en face et foncent droit dans le mur. Il est grand temps de décider de la sauvegarde des fonds marins et de revenir à une pêche artisanale. La grande pêche industrielle à déjà fait disparaitre les morues de Terre-Neuve, menacer d’extinction les baleines et les grands cétacés et des quotas de pêche drastiques (mais rarement respectés) sont établis pour certaines espèces comme le thon rouge en Méditerranée. En 2005 et en 2008, j’avais écrit sur ce blog 2 articles qui dénonçaient une pêche trop importante qui surexploite les fonds marins. Si nous ne respectons pas les fonds marins et les quotas ou même les interdictions de pêche, nous n’aurons plus de poissons dans notre assiette et nous aurons transformé la mer en désert. Depuis l’écriture de ces articles, en novembre 2009 l’ONU a voté une résolution demandant l’interdiction de la pêche en eau profonde, à + de 400 mètres de profondeur. Vœu pieux que les instances européennes ont totalement transgressé en autorisant un an plus tard la pêche en eau profonde. La pêche industrielle va mal, n’est plus rentable et fonctionne grâce aux subventions ; on se souvient de la grogne des patrons de pêche quand le gas-oil avait augmenté. On sait que les chaluts qui raclent les fonds sans opérer de sélection dans les prises finissent par dévaster les océans. Ayant surexploitée les stocks en surface, la pêche industrielle s’est tournée vers les fonds de grande profondeur et ont a vu apparaitre sur les étals des poissonniers des empereurs, grenadiers, sabres noirs et lingues bleues dont nous ignorions l’existence auparavant et qui subissent le même sort que les poissons de surface.

Mais incapable de tirer une leçon des erreurs passées, et les mêmes causes produisant les mêmes effets, ces fonds de grande profondeur sont à leur tour en danger. Car les chaluts raclent les fonds jusqu’à 2000 m de profondeur, opérant une pêche non sélective et détruisant des agrégats d’éponges et des massifs de coraux très anciens avec pour conséquence la destruction des écosystèmes qui ont un impact très important sur ces milieux marins très fragiles.


 
Empereur

 

Les recommandations de l’ONU et des ONG

Avant que la Commission européenne réunisse les ministres de la pêche, les ONG lui avaient envoyé un rapport qui appuyait la résolution de l’ONU. Ce rapport recommandait d’assurer la pérennité des stocks de poissons d’eau profonde. On peut trouver ce rapport sur le site de Claire Nouvian, je vous les résume.

-          Capture zéro de toutes les espèces d’eau profonde jusqu’à ce qu’une évaluation fiable des stocks soit réalisée pour déterminer la durabilité à long terme des stocks et que la capture des espèces puisse être réglementée.

-           Capture zéro des requins d’eau profonde (qui sont pêchés sans discernement et rejetés) qui sont en danger d’extinction

-          Redirection des subventions accordées à la pêche en eau profonde en faveur de la baisse de la capacité de pêche et de l’élimination progressive de la pêche en eau profonde non durable


Sabre noir

C’était un remède de cheval mais il est indispensable car il est très difficile de gérer la pêche en profonde pour plusieurs raisons.

1-      On ne dispose pas actuellement d’informations scientifiques pour déterminer des niveaux durables de captures. On connait mal les tailles des populations, on ne connait pas la taille et l’âge des prises. On sait que toutes les espèces d’eau profonde ont des croissances lentes, une faible fécondité et une maturation tardive et qu’elles vivent très longtemps. Ces connaissances forment déjà un obstacle majeur à des pêcheries en eau profonde.

2-      Les études scientifiques disent  que toutes les captures d’espèces en eau profonde sont au-delà des limites biologiques de sécurité (mais l’UE estime que seules 20% des espèces sont dans ce cas)

3-      Aucune limite de captures n’a été fixée pour la plupart des 22 espèces d’eau profonde menacées, tels le sabre noir, 3 espèces de requins d’eau profonde- le pailona commun, le squale chagrin de l’Atlantique et le squale liche-, le grenadier de roche, le berix, l’empereur, la lingue bleu, la dorade rose, les mostelles. On capture 72 espèces en Atlantique nord et seules 24 espèces bénéficient de limites de capture.

4-      Les taux de prises accessoires sont trop élevés pour la pêche au chalut de fond d’espèces mixtes, provoquant un grand nombre d’effets négatifs sur les communautés entières d’espèces d’eau profonde (le chalutage en eau profonde ramasse sans distinction). Cela entraine l’épuisement de la biomasse  de l’ensemble des espèces de poissons.

Ces préconisations s’appuient sur des bases solides. D’abord une étude de 2009 sur les conséquences de la pêche en eau profonde dans l’Atlantique nord au large de l’Irlande qui montrait un épuisement des communautés de stocks et des populations de poissons d’eau profonde y compris des espèces sans valeur marchande vivant à des profondeurs allant jusqu’à 2500 m, bien en-dessous des profondeurs maximales de 1600m où les pêches de fond se déroulent. Ensuite sur le rapport Poséidon commandé par la France qui concluait en ces termes : « Des techniques comme le chalutage sont en question. Handicapé à terme du fait de la consommation élevée en carburant, le chalutage est critiqué pour sa faible sélectivité des prises. »

 

Grenadier

 

La surexploitation des poissons et une pêche non rentable vont continuer

Cependant les ministres qui sont censés protéger le bien commun n’ont pas suivi les préconisations de l’ONU et des ONG. Montrant ainsi qu’ils préféraient défendre les intérêts à court terme de certains lobbies. Prenant l’exemple de la France puisque nous y habitons et y payons nos impôts qui servent dans ce cas à subventionner une pêche non rentable et destructrice. Le ministre avec l’assentiment du gouvernement  prend la décision de surexploiter les fonds en eau profonde pour 11 navires dont plus de la moitié appartiennent à Scapêche, qui est la flotte d’Intermarché dont nous pouvons douter de la sincérité de ses messages publicitaires et marketing jouant sur le durable. Scapêche et les autres navires  de pêche en eau profonde ont touché 10 milliards de subvention mais réalise chaque année des pertes importantes (Pour Scapêche 7, 32 millions d’euros de 2002 à 2008). La pêche en eau profonde représente 1, 48% des captures c'est-à-dire 7300 t sur les 491720 t de poissons pêchés par des navires français.

Par ailleurs,  un chalutier de pêche en eau profonde est le roi du bilan carbone négatif, il consomme 7000 l de gas-oil par jour contre 30 à 120 l pour les chalutiers industriels de pêche en surface ;

Quel gâchis !

Pourquoi continuer ? Alors que l’on note à chaque campagne de pêche que la valeur des captures ne cesse de diminuer, que la taille des captures a diminué de 10 cm entre 1984 et 2000. Les études faites par les scientifiques dans les eaux profondes ont prouvé un déclin important de la biomasse, et que de nombreuses populations de poissons sont en difficulté. Le grenadier et l’empereur sont en voie d’extinction, tout comme les requins des profondeurs. L’écosystème des eaux profondes des océans est en train de périr.

 

Pailona commun

Je redonne la parole à Baudelaire pour conclure ce billet, car maintenant vous avez toutes les cartes en main pour agir.
" Et cependant voila des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, Ô frères implacables ! "

L’homme et la mer, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal


Squale chagrin

Toutes les illustrations, hormis le grenadier, proviennent de Wikipedia

 

le 01.03.11 à 11:45 dans Biodiversité
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Commentaires

propos de saison, et ça commence dans nos assiettes. J'adore le bar, mais je vais m'abstenir quelques temps...
http://lautregrenelledelamer.over-blog.com/article-bar-les-pecheurs-cotiers-trinquent-62248980.html

Tiuscha - 04.03.11 à 08:18 - # - Répondre -

p^che

en ce moment des soles de deux kilos et plus, toutes grainées mais on les pêche quand même!!!!!!!!!!

thomas - 04.03.11 à 21:33 - # - Répondre -

Respect

Je ne peux que rebondir sur le commentaire précédent.
Eduquer le consommateur pour choisir les bons poissons pour éviter la sur-pêche c'est bien, mais les éduquer pour respecter la nature c'est mieux.

L'océan est pollué, mais même pas besoin d'aller aussi loin. Les lacs et rivières commencent aussi  être touché (voir très touche par endroit). C'est triste à le constater.... est-ce que nos enfants auront encore le plaisir de manger tous ces magnifiques poissons ?... je suis assez pessimiste malheureusement.

Recette courgette - 14.05.11 à 21:05 - # - Répondre -

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