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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Pâtissiers et pâtisserie au XX et XXIes siècles

L’art de la pâtisserie a atteint son apogée au XIXe siècle lorsque Carême mit tout son art et son talent dans la réalisation de monumentales pièces montées, véritables architectures de pâtes, de crème et de sucre. Sans fabriquer de tels monuments, les pâtissiers au XIXe siècle furent les inventeurs des gros gâteaux qui étaient consommés rituellement lors des grandes occasions : baptêmes, communions, mariages, fêtes carillonnées et anniversaires. Un autre rituel s’installa : l’achat à la sortie de la messe dominicale de gâteaux dans les nouveaux magasins qu’étaient les pâtisseries.

 

 

 

 

 

Pâtisseries-salons de thé.

Les pâtisseries eurent alors vraiment pignon sur rue. Ce furent de véritables magasins avec de grands présentoirs et des vitrines alléchantes, des vendeuses et des ateliers où officiaient des maîtres-pâtissiers. Anciennement pâtissiers ou cuisiniers dans de grandes maisons, ils s’étaient reconvertis en artisans à l’instar de leurs collègues qui ouvraient des restaurants. Les grands noms de la pâtisserie s’illustrèrent en créant dans ces lieux des gâteaux qui sont encore connus et dégustés. Ainsi Lacalm, non content d’avoir inventé la buche de Noël, laissa à la postérité un livre au titre aussi impressionnant « Mémorial historique et géographique de la Pâtisserie » que son contenu : 3000 recettes de pâtisseries, glaces et liqueurs. Le siècle était au monumental. Il y eut aussi Carême qui inventa la pâte feuilletée, le vol au vent et les meringues et laissa deux traités de pâtisserie : « Le pâtissier royal parisien » et « Le pâtissier pittoresque », ouvrage de vulgarisation des pièces montées monumentales de l’auteur. Dans un registre plus accessible, on se souviendra de Chiboust, créateur de la crème éponyme dont il garnissait les saint-honoré de son invention, bel hommage au patron des pâtissiers.   

Ce siècle vit aussi l’apparition du pain de Gènes, un véritable délice, du baba et du savarin,  des puddings, soufflés, charlottes et bavarois, des moscovites et des marquises etc. On les baptise des noms des grandes victoires : le Malakoff, des plus connues des cantatrices : le pêche Melba, et des prouesses techniques : le Paris-Brest qui célèbre la naissance du rail. Il serait fastidieux d’énumérer toutes les nouveautés, un coup d’œil dans l’Escoffier vous renseignera. Mais il est vrai que l’apparition des crèmes glacées autorisait bien des audaces : les bombes glacées et les parfaits étaient du dernier chic. Tout ceci fut possible grâce aux progrès des techniques, on savait garder au froid et on avait découvert comment cuisiner les gelées et surtout peu à peu la cuisinière et les fours devinrent de plus en plus performants en passant du charbon au gaz  et par voie de conséquence les cuissons plus précises.

Dans ces pâtisseries étaient installées des tables et des chaises où la clientèle pouvait s’asseoir pour déguster des pâtisseries tout en buvant le thé cette boisson nouvellement mise à la mode. A l’inverse du café,  le salon de thé attirait un public spécifiquement féminin. Dans une atmosphère feutrée et un décor raffiné, on vient pour se retrouver autour d’une tasse de thé, prétexte pour céder à sa gourmandise et papoter. On y trouve des veilles dames esseulées, des grands-mères avec leurs petits enfants, des femmes de tous âges, des adolescentes gourmandes et des amoureux qui font leur cour à leur dulcinée. S’il est vrai que la clientèle y est plus féminine que masculine, les gourmands y sont bien accueillis. Thé et chocolat dans les tasses, religieuses, éclairs, tartelettes et petits fours, toutes sortes de biscuits irrésistibles sont dégustés avec bonheur. Plaisir démodé, pas tant que ça, les plus grandes maisons de Paris ou de province ont encore des clientes fidèles et des gourmandes curieuses qui viennent passer un moment hors du temps dans ces lieux calmes et discrets.

 

 

 

 Tarte à l'abricot de l'abbaye d'Ambronnay

 

La pâtisserie au XXe et XXIe siècle

La pâtisserie évolue sans cesse au rythme des goûts, des découvertes de nouveaux produits, des modes et des manières de consommer. La pâtisserie industrielle a pris le relais dans la GD, enfermant dans des boites en plastiques dans des rayonnages réfrigérés les gâteaux qui ailleurs font rêver déposés sur des cercles de dentelle blanche et servis dans de délicates assiettes de porcelaine. La magie ne fonctionne plus de la même manière. Le gâteau n’est pas un produit de consommation comme les autres. Sa dégustation relève souvent d’un rite. Il évoque le plaisir, la pause gourmande, le temps suspendu. Il est très souvent lié à notre mémoire du goût et à des souvenirs d’enfance. Il demande une préparation soignée et attentive. Le faire voisiner dans un caddy avec les produits d’entretien est lui faire offense. Les pâtissiers le savent bien qui au cours des siècles ont rivalisé de savoir-faire et de talent, d’imagination et d’envie de faire plaisir pour inventer ou reproduire des gâteaux beaux et irrésistibles qui satisfont les sens, tous les sens et qui sont de parfaits objets de désir puisqu’il est impossible ou difficile de les réaliser soi-même. Car l’art de la pâtisserie est un art de rigueur, de précision et de patience. L’à peu près n’y est pas de mise dans des compositions où l’on pèse les ingrédients au gramme près. Où la cuisson ne doit pas dépasser d’une minute le temps déterminé, où la mise en place d’un dessert ne supporte pas la main qui tremble. Le talent des plus grands est proche parfois du génie. Ils ont été et sont encore des personnalités reconnues dont on parle dans la presse et les médias et les livres dans lesquels ils délivrent leurs secrets ont leurs lecteurs fidèles et sont souvent en rupture de stock. Le rêve toujours et la gourmandise qui est un réconfort indispensable.

Les pâtisseries sont toujours là et leurs étals toujours aussi garnis. Certes les goûts ont changé, si les religieuses, éclairs, millefeuilles (qui reste le gâteau préféré des français) et babas ont toujours leur place, d’autres douceurs ont fait leur apparition. Les gâteaux au chocolat sous de multiples formes, des préparations élaborées, le tiramisu et autres verrines. Beaucoup de pâtissiers ayant travaillé dans les grands restaurants ont allégé leurs gâteaux. Moins lourds, plus digestes, ils se laissent déguster à la fin d’un repas même un peu copieux, leur apparence avivant autant les sens que leur goût.

Certains pâtissiers se sont créées une célébrité grâce à une seule production phare, tel Ladurée et ses sublimes macarons. D’autres comme Hermé sont devenus aussi célèbres que leurs illustres prédécesseurs et publient des livres de pâtisserie dont les tirages n’ont rien à envier aux plus célèbres best sellers.

 

Les interdits alimentaires ne sont pas encore venus à bout de ces délices gourmands, heureusement. Les pâtissiers et les pâtisseries ont de beaux jours devant eux. Il n’y a qu’à voir les files d’attente le dimanche et les jours de fête chez les pâtissiers. Si le rituel de l’achat du gâteau du dimanche à la sortie de la messe a disparu parallèlement avec la baisse du nombre des pratiquants, les achats de gâteaux relèvent davantage du coup de cœur,  de l’envie spontanée, de l’achat plaisir pour soi ou pour ceux chez qui l’on va déjeuner. Les pâtisseries sont symboles de plaisir, de fête, d’exception.  

 
 
Millefeuilles aux framboises (Itthuria)
 
 

le 31.07.10 à 09:00 dans Histoire des aliments
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Commentaires

 Et la pâtisserie japonaise, vous connaissez ?
Je l'ai découverte il y a quelques jours, et j'ai adoré... Ca change tellement des pâtisseries françaises !

Voici un article sur le sujet, que j'ai trouvé très intéressant :
http://embruns.net/carnet/autres-sujets/wagashi-patisserie-japonaise.html

Mély - 01.08.10 à 14:50 - # - Répondre -

Je vous remercie de votre remarque. Je parlais dans cet article de la pâtisserie française.
J'ai évoqué la pâtisserie japonaise dans mon article sur la cérémonie du thé, il est vrai que c'est un domaine que je connais mal et j'ai beaucoup apprécié votre article.
A vous relire.

segolene - 02.08.10 à 11:48 - # - Répondre -

 je suis une grande fan de pâtisserie et cet article était très intéressant. Je ne sais pas si cet engouement au 19ème vient aussi d'une mode autrichienne des cafés viennois. J'adore les salons de thé mais il est tellement rare d'en trouver un qui soit à la hauteur, feutré, et gourmand. Je vois ces petites pâtisseries comme des bijoux et je comprends le souhait des nouvelles stars de la pâtisserie de les traiter comme tels dans des lieux luxueux. C'est toujours un plaisir d'aller chez Hermé ou Conticini qui sont les plus grands créateurs pour moi

marie - 04.08.10 à 07:11 - # - Répondre -

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