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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Manger durant la Grande Guerre, suite

Voici la suite de l'article précédent qui montre comment dans les régions occupées, les populations civiles ont plus durement souffert durant la guerre de 1914-1918. L'occupation se double de restrictions et de réquisitions qui privent chacun du strict minimum.


Le cas particulier du Nord

Dans son premier rapport annuel, l’ingénieur Hoover compare le Nord « à un vaste camp de concentration dans lequel toute espèce de vie économique est totalement suspendue » et où il faut secourir 2.125.000 personnes. Les Etats-Unis envoient des navires chargés de vivres à Rotterdam, au dépôt principal, puis ces vivres sont répartis au niveau local. Les voies ferrées étant réservées à l’armée allemande, les denrées sont acheminées par voie fluviale. Les magasins d’approvisionnement sont indépendants des autorités allemandes qui se sont engagées à ne pas réquisitionner les denrées et à les consacrer exclusivement à la population française. Les Allemands ont également apporté leur aide au transport.

Le Comité d’alimentation du Nord de la France, créé en avril 1915, s’occupait du ravitaillement des populations civiles. Le Comité d’alimentation du Nord ne pouvant faire sortir des devises de la zone occupée, les marchandises sont payées par le Comité Belge. Dans le Nord sont créés 3 districts qui évaluent les besoins et répartissent localement les denrées : Lille, Douai et Fourmies (Maubeuge est d’abord ravitaillé par la Belgique). Chaque district est divisé en régions avec un comité régional. Près de la moitié des vivres fournis (42 %) viennent des Etats-Unis, 25 % des colonies britanniques, 24 % de Grande-Bretagne et 9 % des pays neutres (notamment les Pays-Bas). Il s’agit surtout de farine, de froment, maïs, riz, pâtes, haricots, lard, graisse et huile, sel, sucre, café ou savon. Par la suite, on y ajoutera des pommes de terre venues de Hollande, des plantes potagères, des semences, des produits spéciaux pour les enfants ou des médicaments.

 

Distribution de tickets de rationnement  

En moyenne en 1916, chaque habitant touche par jour : 240 g de farine, 14 g de maïs, 60 g de riz, 48 g de lard ou de viande en conserve, 15 g de sucre, 19 g de café, 19 g de lait et 16 g de savon. On estime à 1.100-1.300, les calories journalières fournies à chaque habitant par le Comité. La répartition entre les habitants est faite sur un strict pied d’égalité; ceux qui peuvent payer achètent ces produits, les indigents sont nourris gratuitement.

Après l’entrée en guerre des Etats-Unis, mais le développement de la guerre sous-marine met en danger le ravitaillement. On intensifie alors les fournitures par la Hollande et on distribue surtout des semences pour mettre en culture les jardins, les Allemands s’engageant à ne pas réquisitionner graines et récoltes. Le Comité participe également, à la fin de la guerre au rapatriement de 40.000 personnes via les Pays-Bas, et s’efforce de ravitailler les habitants des zones occupées évacués par les Allemands lors de leur retraite.

Soupe populaire distribuée par les Comité d'Alimentation

La Commission for Relief in Belgium est dissoute à la fin du mois de décembre 1918 ; elle a sauvé de la famine la population du Nord.

L’état sanitaire de la population laisse cependant fort à désirer. Selon Calmette, directeur de l’Institut Pasteur de Lille, la mortalité est passée de 19-21 ‰ avant la guerre à 41-55 ‰ en 1918 et la tuberculose a fait des progrès foudroyants.
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Manger sur le front

Le quotidien des combattants est rythmé par les séjours sur le front dans les tranchées et les périodes de repos à l’arrière. À l’ouest, des millions d’hommes vont être équipés et approvisionnés sur une bande étroite et surpeuplée, d’une longueur de plus de 600 km s’étendant de la mer du Nord jusqu’à la Suisse. Ce front était desservi par un incroyable réseau de voies de communication (routes, chemins, voies ferrées, téléphériques, tranchées, boyaux…). Au regard du combattant, le ravitaillement est autant une nécessité quotidienne qu’un appui matériel et moral. Le soldat doit tenir la ligne de feu dans des conditions extrêmes en maintenant des liens avec l’arrière. La nourriture y joue un rôle prédominant, à l’instar des colis, des courriers et des journaux. Le soldat est approvisionné en aliments de plusieurs manières : par l’intendance militaire, par lui-même et par ses proches. Le soldat est alimenté dans une cantine ou lorsqu’il se trouve au combat, par une corvée, approvisionnée par une cuisine fixe ou roulante, mais l’autonomie alimentaire du combattant peut également être garantie par des vivres de réserve. A proximité du champ de bataille, le combattant peut aussi acheter des vivres dans des boutiques destinées aux soldats. Enfin, de la nourriture d’appoint était acheminée dans des colis envoyés depuis l’arrière ou achetée voir spoliée auprès de populations civile. Ces colis avaient aussi une importance primordiale pour les soldats prisonniers dans les camps oùl'approvisionnement était insuffiant spécialement en Allemagne.

Dans l'Aisne, une cuisine dans un verger.

Mais sur le front, l’approvisionnement des soldats était aléatoire et le quotidien souvent mauvais, à l’arrière, on ne manquait de rien. L’arrière-grand-père d’un ami lui racontait que chargé de répartir les vivres entre la table des officiers et les cuisines du front, il a volontairement un jour intervertit les deux, le lendemain, il était déchargé de son poste.

L’exemple du pain est éloquent, sur le front on trouvait :

Le pain de munition, un pain de blé tendre bluté avec un taux de son de 20% du poids total. De forme ronde, bien cuit mais non brûlé, de saveur agréable, sans odeur de poussière ou de levain, proche par le goût de celui des civils. Mais on le distribue généralement rassis (sorti du four depuis 16 ou 24 heures)
Le pain biscuite : mi-pain de munition, mi-pain de mer ou le pain de soupe qui doit être payé par le soldat.
Les blessés bénéficiaient d’un régime de faveur avec le pain d’hôpital de pur froment et bien cuit, en ration de 750 gr.

 

A Longchamp, un trouoeau de précaution

Les rations en viande des soldats variaent de 500 à 300 gr/j selon que l’on est en 1er ou 2ème ligne, en repos ou dans un dépôt de l’intérieur. Comme on continuait à penser que l’armée devait être suivie de tout ce qui était nécessaire à sa subsistance,  des animaux d’animaux furent expédiés   vers le front appelés les troupeaux de précaution. Mais en 1915, en raison du grand nombre de soldats à nourrir, il falljut  importer 20 000 tonnes de viande congelée/mois, l’armée assurait ainsi 60% de ses besoins en viande

1918 : cheptel métropolitain ne représente que 20% des approvisionnements du front où les abattoirs tournent à plein régime

Le vin pose un problème d’approvisionnement à l’armée dus à des problèmes de transport et de manutentions. Les distributions quotidiennes de vin ne cessaient d’augmenter : elles étaient en 1916 de 50 cl/soldat/jour, ce qui représentait 6 Millions d’hl, mais en 1917, elles atteignaient 12 millions d’hl. En conséquence les prix sont multipliés par trois et passent de 25 F à 102 F.


 Du vin pour la troupe

Les innovations dues à la guerre

Dès le début de la guerre, l’ambiance est à l’«espionite », c’est-à-dire la méfiance face à certains produits suspectés d’être fabriqués en Allemagne, comme les bouillons Kub, les laitages Maggi.

Publicité pour les bouillons Maggi

Alors on débaptise certains produits comme l’eau de Cologne, les pains viennois, les berlingots qui deviennent des parigots, on débaptise la bavaroise et la bière brassée à l’allemande disparait. Plus tard, on utilisera la saccharine oubliant qu’il s’agit d’une invention allemande. On parle de volonté d’empoisonner la population française. Lorsque les allemands atteignent la Somme, les Parisiens ont peur de revivre les affres d’un siège et beaucoup quittent Paris avec leurs vivres et d’autres prennent d’assaut les épiceries où ils raflent tout ce qui est bon à manger donc beaucoup de conserves qui jusqu’alors étaient plutôt mal considérées. Devant le risque de pénurie, les méfaits de la conserve sont oubliés et on découvre que de nombreuses ménagères n’avait jamais goûté de lait concentré alors que cette invention remonte à Appert.

Lorsqu’il n’y eut plus de conserves dans les épiceries, les ménagères firent elles-mêmes leurs conserves grâce à des boîtes en acier embouti avec une fermeture maintenant le couvercle pour que la pression provoquée par la cuisson augmente. Au-delà d’un certain seuil, le couvercle laisse passer un peu de vapeur en se soulevant et cette technique protège la préparation comme une conserve industrielle. Mais le couvercle n’a pas de ressort et l’engin peut exploser quand il est oublié sur le feu. L’autorité militaire réquisitionne ces boîtes, non pour leur capacité à exploser mais pour préparer les rations destinées aux premières lignes difficiles à ravitailler. Les civils à l’arrière, comme les militaires enterrés dans les tranchées, abordaient à leur corps défendant l’ère de l’alimentation industrielle par le biais de la conserve, de la congélation et de la concentration et ces habitudes survécurent au conflit.

Pour célébrer la bravoure des tirailleurs sénégalais


Mots-clés : Technorati

le 07.11.18 à 19:45 dans Autour de la nourriture
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