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Les vins romains
Les viticulteurs romains étaient partout, la botte italienne était quasiment recouverte de vignes, si dans la plupart des cas les vins étaient très ordinaires, les romains maitrisaient suffisamment la vinification pour élaborer quelques crus qui sont restés célèbres à travers les siècles.
Rome hérita des traditions viticoles grecques et étrusques. Le Latium était en effet, le plus ancien vignoble latin et produisait des vins parmi les meilleurs comme le liquoreux d’Albe et le Sétia, le préféré d’Auguste et l’un des plus goûtés. .
Ce n’est qu’au IVème siècle avant notre ère, sous l’Empire, que les vins y deviennent abondants et que le Latium devint l’une des grandes régions viticoles de l’Italie.
L’autre grande région viticole était la Campanie. Les vins cultivés sur les pentes du Vésuve étaient aussi réputés que ceux de l’Etna et que le Mamertin, le vin élu par le divin César, cultivé à Messine. Le plus réputé était le Falerne
Et il y avait le vin d’Aquilée, située au fond de l’Adriatique, le Pucinum dont l’impératrice Livie disait qu’elle lui devait sa longévité.
Les vins les plus appréciés étaient le Cécube de la région de Capoue et le vin du golfe de Cumes. Ceux de Ligurie, de la Sabine, d’Etrurie, du Vatican et de Corse étaient d’affreuses piquettes et le plus souvent odieusement trafiqués.
Rome importait du vin de la Grèce et de l’Asie Mineure et elle protégeait ses productions par des mesures préférentielles.
L’article sur la viticulture en Grèce était illustré d’outils viticoles. La serpette ou la falx avaient une grande importance car la taille de la vigne était l’expression même de la viticulture pour reprendre l’expression de R. Dion. C’est le geste qui est à l’origine du vin et « vitem putare » (tailler la vigne) devient l’art absolu du vigneron. Les nombreuses stèles funéraires sur lesquelles les vignerons se font représenter la serpette à la main en sont la preuve. Comment l’homme a-t-il découvert qu’une vigne dont les feuilles et les tiges sont coupées donne de meilleurs raisins ? La légende raconte qu’en Asie Mineure, les ânes broutaient les vignes qui s’en trouvaient mieux et que les hommes aient profité de cette expérience pour à leur tour, tailler la vigne. Une taille qui oblige le cep à un réflexe de défense qui consiste en l’amélioration de ses fruits.
A ce propos, Pline écrit dans son Histoire Naturelle, XIV, III :
« La vigne se taille tous les ans ; on en dirige toute la force dans les sarments ou on la rabat dans les provins, et c’est seulement pour le jus qu’on laisse sortir de diverses façons suivant le climat et la nature du sol. Sur le territoire campanien, on marie les vignes aux peupliers […] elles grimpent de branche en branche dans leur marche noueuse, en atteignant la cime à une telle hauteur que le contrat du vendangeur lui garantit bûcher et tombeau, rien n’arrête leur croissance…D’autres se dressent à hauteur d’homme, étayées d’échalas, d’autres encore, formant un berceau, grimpent prodigieusement, étalent leurs pampres et couvrent de véritables atria. Tant de variété se trouvent en Italie. En certaines provinces, la vigne se tient droite sans échalas, ramassant l’arc de ses sarments et grossit aux dépens de sa longueur. Ailleurs les vents interdissent cette technique, par exemple en Afrique et dans certaines régions de la Narbonnaise, où l’on permet le développement des seuls coursons ; elle se traine à terre comme les herbes, sans cesser de ressembler aux vignes nouvelles, et ses grappes, pompant partout le suc de la terre, sont, à l’intérieur de l’Afrique, plus grosses que le corps d’un petit enfant. »
Travailler le sol et protéger les grappes
La vigne exige un travail incessant. Les vignerons tout au long de l’année butaient la terre autour des jeunes ceps, binaient et labouraient entre les rangées. Parfois, il était besoin d’irriguer dans les zones trop arides. Avant les premiers froids, on déchaussait la vigne et on coupait les petites racines. En prévision de froids trop intenses, on recouvrait le cep de terre et on allumait des feux de pailles entre les rangées au début du printemps pour protéger des gelées. Lors des canicules, on recouvrait les vignes de nattes pour empêcher les grappes de se dessécher. Il fallait aussi lutter contre les maladies et protéger les raisins des insectes et autres oiseaux grappilleurs.
C’était à ce prix que les raisins poussaient bien et que les vendanges étaient belles.
Les romains étaient passés maîtres dans l’art de vinifier le raisin. Une fois les vendanges faites, les raisins sont foulés dans des cuves ou portés au pressoir. On préférait ne pas mélanger les espèces car les raisins noirs donnaient, disaient-on, un vin moins agréable que les blancs. Le jus de raisin coulait du pressoir dans les lacus, le nom romain des dolia, où se passait la fermentation. Le dernier tour de pressoir donnait des vins de qualité inférieure. Le marc était ensuite enlevé et additionné d’eau, puis remis sous le pressoir pour donner la piquette, la lora, boisson quotidienne. A peine le vin était-il dans la cuve qu’on commençait à la travailler.
Columelle, dont l’oncle était un fameux viticulteur en Bétique, décrit dans De Agricultura, livre XII, paragraphe 21, les procédés de vinification pour faire du bon vin avec des vignes en terrains marécageux.
« On fera cuire, jusqu’à réduction au tiers, du moût de la saveur la plus douce possible : ainsi réduit il prend le nom de defrutum… Lorsqu’il est refroidi, on le transvase dans d’autres vaisseaux et on le met en réserve pour l’employer au bout d’un an. On peut aussi toutefois l’ajouter au vin neuf jours après qu’il a refroidi, mais il est meilleur après une année de repos. On ajoute un setier de ce defrutum à deux urnes de moût, si le moût provient de vignes de plaines.
On laisse deux jours le moût tiré de la cuve fermenter et se purger ; le troisième jour, on ajoute le defrutum, puis, deux jours après, quand le moût aura fermenté avec le defrutum, on le purge et, dans cet état, on y ajoute pour deux urnes une bonne cuillerée ou la mesure d’une demi-once bien pleine de sel grillé et égrugé…
On fait en outre macérer pendant trois jours du fenugrec dans du vin vieux ; puis on l’en retire et on le fait sécher au four ou au soleil ; quand il est redevenu sec on le broie. Une fois broyé, après avoir salé le moût, on en jette pour deux urnes une bonne cuillerée ou une coupe de même contenance ; soit un quart de cyathe ; puis, quand le moût a terminé sa fermentation et s’est reposé, on mêle autant de fleur de gypse qu’on a mis de sel, et le lendemain on purge la jarre, on couvre le vin traité et on scelle. »
Pour les vins de coteaux, le procédé était différent
« … Quand il (l’oncle) apprêtait des vins de coteaux, il ajoutait au lieu du sel, de l’eau de mer réduite au tiers. Elle ajoute sans aucun doute à la quantité et au bouquet, mais elle risque de gâter le vin si elle n’st pas convenablement cuite.
Si, comme le faisait Columelle, on la met de côté et qu’au bout de trois ans on la transvase dans d’autres récipients après l’avoir épurée, puis si, trois ans après encore, on la fait bouillir jusqu’à réduction d’un tiers, on aura un bien meilleur apprêt du vin et il ne risquera pas de se gâter. Il suffit d’ailleurs d’ajouter un setier d’eau de mer à deux urnes de moût, bien que beaucoup de gens en versent même deux setiers et quelques uns même jusqu’à trois, ce que je ne désapprouverais pas si le vin était assez fort pour qu’on ne sente pas la saveur de l’eau salée. »
Les grands vins pouvaient vieillir longtemps et donner le meilleur au bout de 15 à 20 ans, voire plus. C’était le cas pour le Falerne qui vieillissait en amphores. D’autres vieillissait dans des cuves et prenaient la fleur c'est-à-dire qu’il se formait un voile comme pour les vins du Jura. Fleur de saccharomyces qu’il fallait maitriser afin qu’elle ne se transforme pas en mère de vinaigre. On obtenait des vins drimutés très appréciés des anciens romains.
Qu’est ce que la drimutés ? La saveur légèrement amère des vins madérisés qui pouvait devenir au bout de quelques années une amertume très marquée. Si cette évolution ne se faisait pas naturellement, on faisait vieillir les vins artificiellement en les exposant à la chaleur.
« Il est admis que tous les vins deviennent plus chaleureux avec le temps. Les vins secs, quand ils vieillissent, acquièrent quelque douceur et de la drimutès, se dépouillant de leur astringence, puis, en même temps que leur drimutès s’accroit, ils abandonnent rapidement leur douceur; plus tard encore, avec le temps, ils deviennent fortement drimès, acquièrent toujours de l’amertume, et finissent, quand ils s’épaississent, par devenir complètement amers. » écrit le médecin Galien.
Foulage de la vendange, IIème siècle, Rome
Les méthodes pour garder le vin une fois récolté diffèrent beaucoup suivant le climat. Dns la région des Alpes, on le met dans des tonneaux de bois cerclés et même, au fort de l’hiver, on allume des feux pour l’empêcher de geler. Dans les contrées plus tempérées, on le met en jarres qu’on enterre entièrement ou à proportion de la situation du pays ; ainsi le protège t-on du climat. Ailleurs l’abri d’un toit l’en défend. On donne aussi les prescriptions suivantes : un des côtés du cellier ou du moins les fenêtres doivent être tournées vers l’aquilon ou, en tout cas, vers le levant équinoctial. Il faut écarter les fumiers, les racines d’arbres et tous les objets dont il faut éviter l’odeur, car le vin la prend très vite, les figuiers surtout cultivés et sauvages. Il faut aussi laisser des intervalles entre les jarres pour éviter que les maladies ne se communiquent, car, dans les vins, la contagion est toujours rapide. A forme des jarres même a son importance : celles à grosse panse et large orifice sont moins bonnes. Il faut les poisser dès le lever de la canicule, puis les rincer à l’eau de mer ou à l’eau salée, ensuite les saupoudrer de cendre de sarments ou d’argile, les essuyer et les parfumer à la myrrhe, ainsi qu’à plusieurs reprises les celliers eux-mêmes. Les vins faibles sont gardés en jarres enfouies en terre, les vins forts en jarres exposées à l’air. Elles ne seront jamais pleines et la partie vide sera enduite de passum ou de defrutum additionné d’un mélange de safran ou d’iris broyé et de sapa ; on apprêtera de même façon les couvercles des jarres en ajoutant du mastic ou de la poix du Bruttium. On ne doit les ouvrir que par beau temps, on ne le doit pas par vent du sud ou par pleine lune. Blanche la fleur du vin est de bon augure, rouge, elle est un mauvais signe si ce n’est pas déjà la couleur du vin : mauvais signe aussi les vases qui s’échauffent ou les couvercles qui suent ; un vin qui s’est mis à fleurir rapidement et à contracter une odeur ne sera pas de longue durée. On recommande aussi… d’user en outre de récipients de plomb, non de cuivre, et d’ajouter des noix qui absorbent en effet cette fumée. En Campanie, les crus les plus renommés sont placés en plein air dans les cadi et l’on juge excellent de les exposer au soleil, à la lune, à la pluie et aux vents.
Mots-clés : Vin
le 05.06.09 à 09:00
dans Vins
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Commentaires
C'est un article très intéressant, bien documenté. On se rend compte de la technique poussée qui existait déjà dans l'antiquité.
Marie-Claire - 06.06.09 à 12:36 - # - Répondre -