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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Les tartes du Meilleur Pâtissier

Hier soir, a été présentée en « prime time » selon la formule consacrée, la première émission du concours télévisé de pâtissiers amateurs sur M6 sous la houlette du médiatique cuisinier Cyril Lignac et de la meilleure bloggeuse de pâtisserie Mercotte qui conseillent et jugent les réalisations des concurrents.

Je passe sur les péripéties de l’émission que vous avez vues en direct et les réalisations des divers concurrents qui me paraissent de bon niveau pour me consacrer dans ce billet à l’histoire des tartes et de la tarte conversation, en particulier.  Et tout ce qui avait été enregistré un beau jour d’octobre dans les studios de la maison de production de Cyril Lignac à Paris.
Quelques jours auparavant, une assistante de Faustine Bollaert m’avait contactée pour me  proposer d’apporter une caution historique à cette émission et de parler de l’histoire des différents gâteaux qui seraient cuisinés. Les quelques secondes qui sont passées à l’écran demandent une explication un peu plus longue.

Origine des tartes

La tarte est certainement une des pâtisseries les plus anciennes. La pâtisserie à l’origine tient son nom de la matière première indispensable à sa composition : la pâte et de ceux qui travaillaient et cuisaient la pâte : les pâtissiers. Ces derniers cuisinèrent à la suite des boulangers des tartes salées puis sucrées  qui dominèrent les préparations pâtissières jusqu’au XVIIème siècle. Les pâtissiers s’organisèrent en métier en 1440 quand les premiers statuts de la profession furent promulgués.  Ces statuts permirent aux pâtissiers de se distinguer des boulangers et des oubloyeurs. Aux oubloyeurs, la fabrication des oublies et des pâtisseries légères, aux pâtissiers, les pâtés de viande, de poisson, de fromage et de diverses garnitures sucrées auxquelles nous nous intéresserons aujourd’hui.Dans les cuisines des maisons aristocratiques ou royales, la préparation des pâtisserie est dévolue à un officier et non au cuisinier. 

La tarte est une pièce à cuire dans un four, composée d’une croûte de pâte, pâte à pain ou pâte à foncer, pâte sablée ou brisée, garnie de crème, de fruits frais ou secs, de frangipane qui est une très ancienne préparation. A l’origine, elles étaient cuisinées pour les  noces et les banquets.

Les recettes de tartes

Les recettes se transmettaient oralement de maître à apprenti ou de mère en fille, la majorité de la population étant illettrée. Même le plus grand cuisinier du Moyen-âge, Maître Chiquart à dicté son livre de cuisine « Du fait de cuisine » paru en 1420 à un clerc de sa connaissance. Et au passage, signalons qu’il ne propose que 4 recettes de dessert pour trois jours de banquet ce qui montre le peu d’importance de la pâtisserie à cette époque.

Ce n’est qu’en 1653 que parait le premier livre de desserts de La Varenne, cuisinier du marquis d’Uxelles, intitulé « Le Pâtissier François » dans lequel il donne les premières recettes de pâte brisée et de pâte sablée, de tourtes, de biscuits et de macarons.

Cuisson des tartes
Les tartes furent d’abord cuites dans l’âtre dans des moules posés sur des braises chaudes chez soi ou dans le four du boulanger après la cuisson des pains. On cuisinait aussi avec des restes de pâte des pâtés de fruits, sorte de chaussons.Les tartes cuites avec leur garniture utilisent des pâtes brisées ou feuilletées. Les tartes cuites à blanc des pâtes sablées ou brisées.

 A la Renaissance,  l’apparition des fourneaux potagers permet une cuisson plus douce et la pâtisserie se développe sous l’influence des pâtissiers italiens alors les meilleurs pâtissiers du monde connu avec les meringues, les choux et divers biscuits. Ce n’est qu’au XIXème siècle avec l’apparition des fours à gaz et du sucre de betterave que la pâtisserie atteint son apogée et que sont crées les plus grands desserts de la gastronomie française.

Types de tartes

Chaque région développe ses tartes dont les garnitures reflètent les spécialités fruitières locales. L’Alsace emporte peut-être la palme avec les tartes dites alsaciennes, tartes aux fruits, recouvertes de croisillons de fines bandes de pâte.

Les tartes à l’anglaise ou tourtes dont la garniture est recouverte d’une abaisse de pâte sont directement inspirées des recettes salées.

Grand nombre de recettes régionales toujours existantes datent du Moyen-âge, le goueron bourbonnais, le goumeau du Franche-Comté, la flaune aveyronnaise, les tartes aux pommes et aux poires des Normandie ou de Bretagne, la tarte tropézienne, les bourdaines du Maine en sont l’exemple.

La tarte conversation



La tarte conversation au nom si mystérieux était l’épreuve technique que devaient réussir les concurrents. On comprend qu’ils aient été dubitatifs car c’est une pâtisserie qui est tombée en désuétude. Et cela prouve aussi que les pâtissiers amateurs ne font guère de recherche dans les livres de cuisine de leur mère ou grand-mère car j’ai trouvé photo et recette de cette tarte dans « L’Art Culinaire Français » paru en 1950 aux éditions Flammarion. Ce gros livre (1046 pages) à couverture rouge reprend toutes les recettes de base de la gastronomie française, beaucoup directement inspirées d’Escoffier.

A la page 765, les tartelettes conversations sont photographiées (figure 460) au milieu de tartelettes et petits gâteaux et p 726, on trouve la recette que je vous livre : 

« Tartelettes foncées en pâte brisée ou débris de pâte feuilletée ; les piquer au fond et remplir juste à ras avec une crème pâtissière ou frangipane ; les recouvrir d’une mince rondelle de pâte, et étaler dessus un voile de glace royale (voir page 684). Pour terminer, disposer en croisillons dessus 4 petites bandelettes de pâte, deux dans un sens, deux en travers. Cuire quinze minutes à four un peu chaud dessous et très doux dessus. »


Louise d'Epinay par Liotard

Ce qui ne nous avance guère sur l’origine de cette tarte. A ces débuts, c’est une petite tartelette apparue au XVIIIème siècle. Le nom conversation viendrait d’un livre de Mme d’Epinay « Les Conversations d’Emilie » paru en 1774 qui connut un beau succès dans les milieux littéraires parisiens et dans les salons dont celui de Mme d’Epinay où il fut certainement lu. Les petits croisillons de pâte évoquant les conversations qui se croisaient dans ces lieux où les beaux esprits de l’époque croisaient les idées comme d’autres le fer. Et le format de petites tartelettes permettait de les déguster facilement en quelques bouchées. Elles étaient aussi servies dans les premiers cafés et salons de thé qui font leur apparition à cette époque et dans lesquels se retrouvaient aussi des beaux esprits pour échanger des idées nouvelles.

La recette reprend les ingrédients de base des tartes : pâte feuilletée ou brisés et garniture d’amandes, une des plus anciennes garnitures que connût la pâtisserie française, l'amande &étant utilisé comme liant tant dans les recettes salées que sucrées. Elle introduit une nouveauté : la glace royale qui apporte un fini très esthétique qui apporte un croquant de bon aloi qui ravit les sens gourmands. Elle continua son petit bonhomme de chemin dans les pâtisseries et salons de thé. Est-ce la fin de la vogue de ces lieux qui apparurent comme surannés aux modernes que nous sommes ou la richesse de la composition qui heurte les règles de la diététique contemporaine? Mais cette exquise petite tartelette a disparu des étals des pâtissiers. La vogue des pâtisseries oubliées, baba, millefeuille, choux revenant à la mode, qui sait si la tarte conversation ne profitera pas de cet élan gourmand.

Dans le même style de pâtisseries sont toujours accessibles dans les bonnes boulangeries-pâtisseries : la galette des rois dorée à l’œuf, le jésuite, petite pointe de pâte feuilletée garnie de crème d’amandes et recouverte d’un sucre glace aérien qui remplace la glace royale et l’alcazar, sorte de grande cousine de la tarte conversation.

 

Non, les desserts ne sont pas morts. Le dessert, service facultatif du repas, qui comme son nom l’indique, arrive sur la rable quand la table est desservie et lorsque l’appétit est généralement satisfait, doit susciter l’envie et le plaisir. Il me semble que les pâtissiers amateurs d’hier soir avaient tous les talents pour réveiller dans des corps et des esprits repus un supplément de gourmandise et d'appétit

 
 

Mots-clés : Technorati, Technorati

le 27.11.12 à 10:05 dans Histoire des aliments
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Commentaires

Bonjour

 Bonjour, 

Votre blog est très intéressant et en plus de la gourmandise je trouve ici l'histoire de ce que j'aime déguster.

patisserie.news - 12.03.16 à 19:06 - # - Répondre -

Très intéressant

 Bonjour, merci beaucoup pour ce travail de recherches et d'écriture, j'ai pris plaisir à lire votre article ! :) Et ai appris beaucoup !

maxine - 10.03.21 à 21:27 - # - Répondre -

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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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