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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Les inventions techniques et les nouveaux produits et de leur influence sur la gastronomie

Je reprends et complèterai qelques billets que j'ai publiés sur Fureur des vivres qui, comme mon blog, est un peu en sommeil actuellement.

 En Grèce et à Rome, civilisations parfaitement organisées, les manières de cuisiner firent de notables progrès. Si les grecs n’étaient pas, semble t’il, très gastronomes bien qu’inventeurs du mot,  - le poète Archestrates écrivit une « Ode à la gastronomie », inventant ce mot pour l’occasion -  les romains par contre étaient de fines gueules et les inventions culinaires ne connurent pas de limites. Régime crétois contre banquet romain ? Archestrates contre Apicius ? Pourquoi pas ? Chaque peuple fut à l’origine d’inventions culinaires qui donnèrent les bases de leur propre cuisine.

 

 

Frugalité et diététique hippocratique

Quand fleurit le chardon, quand la cigale bruyante
Sur un arbre perchée répand de toute part sa chanson éclatante,
Au battement pressé de ses ailes dans les jours pesants de l’été,
Les chèvres sont plus grasses, et meilleur le vin à déguster.
La femme est plus brûlante et l’homme se sent mou.
Sirius leur rôtit le front et les genoux
Et leur peau sous le soleil brûlant est desséchée.

Ah ! Que je puisse avoir l’ombre d’un rocher et du vin frais.
Une galette bien levée et du lait de chèvres qui n’ont plus de chevreaux,
Un morceau de viande de génisse nourrit dans la forêt et qui n’a pas encore de veau,
Un peu d’agneau de première portée !
Et là-dessus pour savourer le vin noir,

 

Que je puisse m’étendre à l’ombre, le cœur satisfait de manger et de boire.
Tourner vers le souffle vif du vent d’ouest ma figure,
Puiser mon eau à une source inépuisable et pure,
Et mêler trois parts d’eau pour une part de vin !

 Hésiode, Les Travaux et les Jours, L’Eté.

 

Voilà ce qu’au VIIIème siècle avant notre ère, un des plus grands poètes grecs décrivait une sorte d’idéal gastronomique. Il rejoint  Archestrate qui, dans un long poème intitulé Gastronomos  , chante les vertus d’une cuisine simple et  naturelle à base de produits frais de qualité et dont la cuisine  respecte le goût et la texture des produits. Une nourriture quotidienne de potages et des bouillies de céréales, de légumes en salade et des graines grillées, où le pain et les laitages étaient aussi très présents. Les potages étaient améliorés de bonnes herbes aux vertus curatives, l’alimentation des grecs étant influencée par la diététique du bon médecin Hippocrate. La diététique hippocratique considérait l’alimentation comme un moyen de se maintenir en bonne santé. Les grecs pratiquaient le régime crétois sans le savoir ! Nulle invention culinaire notable dans ce pays qui a inventé la viticulture.

 

 

Four à pains et premiers gâteaux.

 A une exception près : l’invention du four à pain. Les égyptiens avaient découvert la fermentation et avaient boulangé les premiers pains cuits dans des fours assez primitifs. Les grecs mirent au point le four à pain et dans leur élan des fours portatifs grâce auxquels ce type de cuisson se vulgarisa. Revenons à notre four à pain grâce auquel il fut permit de cuire dans d’excellentes conditions toutes sortes de pains et qui fit des grecs les boulangers de l’Antiquité. Excellents boulangers, ils n’eurent de cesse d’inventer des recettes nouvelles pour améliorer le goût du pain. Les boulangers grecs cuisaient des dizaines de variétés de pains différents, 72 variétés si l’on en croit Athénée, utilisant toutes les céréales panifiables à leur disposition et furent les inventeurs des pains sucrés et des fouaces, des pains-desserts, sorte de brioches aux pâtes parfois enrichies d’œufs et de lait et garnis de fromage blanc, de fruits secs ou frais, de miel et parfumés avec des graines, des fleurs ou des herbes, dignes ancêtres des actuels Vasilopita, le pain du Nouvel An, le Lazarakia et  certains Koulouria, toujours populaires et consommés lors de certaines fêtes religieuses. D’exquises gâteries que l’on peut considérer comme les premiers gâteaux de l’humanité. Certes ce ne sont pas de grandes inventions culinaires, mais des créations pérennes qui en ont inspiré beaucoup d’autres.

 

 
Coupe de fruits, mosaïque de la maison de Julia, Pompéi

Rome, plus inventive

A Rome, on entendit un tout autre son de cloche. Si les repas quotidiens du plus grand nombre étaient simples et légers et que la majorité des romains se nourrissaient de bouillies de céréales, de pains,  de légumes et de fruits,  il n’en allait pas de même du grand banquet, la cena, au cours de laquelle les cuisiniers rivalisaient en somptuosités de toutes sortes et en inventions culinaires les plus étonnantes. Et cela fut possible pour plusieurs raisons.

- La première est l’arrivée des premières écoles de cuisine qui formèrent les cuisiniers aux techniques les plus modernes, c’est ainsi que les plus riches patriciens possédaient un chef de cuisine, l’archimagirus,  des seconds et des marmitons.

- La deuxième est  l’aménagement de véritables cuisines, divisées en espaces distincts dévolus à chaque partie et où, dans les plus grandes maisons, étaient installé un ou plusieurs ancêtres du fourneau, un grand bac de maçonnerie surélevé qui contenait des braises chaudes au-dessus desquelles les cuisiniers déposaient les récipients de cuisson.

Four romain et batterie de cuisine, Herculanum

- Et troisièmement grâce à de très importantes batteries de cuisine en terre cuite ou en bronze. C’est ainsi que furent inventé les platinae, sortes de flan de légumes ou de fruits. Sur ces fourneaux les aliments pouvaient cuire séparément,  une nouveauté. D’où la création de plats de légumes : carottes au cumin ou poireaux en papillotes de choux qui pouvaient aussi cuire lentement ou à l’étuvée dans des clibani, petits fours mobiles dans lesquels les aliments cuisaient sous une cloche en terre recouverte de braises, ces clibani permettaient les cuissons séparées et simultanées de plusieurs aliments et les réchauffages. On pouvait aussi y  préparer des sauces dont on raffolait à base d’épices et de vin ou de vinaigre, les inventions de sauces furent légion (romaine bien entendu). Les romains qui avaient conquis tout le pourtour de la Méditerranée avaient rapporté chez eux les pratiques culinaires des peuples conquis dont ils s’inspiraient pour leur propre cuisine.

Apicius fervent défenseur de la coctio, abusa des mélanges d’épices et des métamorphoses des goûts et des textures des aliments afin que les convives ne reconnaissent pas ce qu’ils mangent. Cela était possible grâce à l’organisation et au nombreux personnel de cuisine, à l’aménagement pratique des cuisines et à l’approvisionnement régulier des villes rendu possible par l’organisation de l’espace cultivé : potagers, vergers et praires pour le bétail à proximité des villes, de même que des viviers pour les poissons et l’élevage des coquillages et autres crustacés et à l’importation des produits exotiques venus de tout le monde connu de l’époque.

 
 
 Fourneaux et fast-food

Les fourneaux et les clibani ont permit la création de la restauration rapide dans la rue. Le repas de midi appelé prandium  était un petit en-cas qui permettait de tenir jusqu’au soir. Un repas léger végétarien le plus souvent, composé donc essentiellement de fruges (fruits et légumes) d’où vient le nom frugalité.  Des petites échoppes vendaient des plats simples à consommer sur place, chauds ou froids : assiettes de bouillies, minutal (sorte de ragout de viande ou de poisson),  olives, pain, fromage, saucisses. Le citoyen romain ne perdait ainsi pas de temps à se restaurer et pouvait le faire n’importe où l’appelait ses affaires ou son travail.

Les romains, rois de l’organisation, avaient implanté également ces petites échoppes tout au long des voies romaines, elles offraient la possibilité aux voyageurs de se restaurer rapidement et à peu de frais ainsi que de jouir d’un moment de repos pour eux et leur monture qui y trouvaient de l’avoine et de l’eau.

Des aires de service telles qu’on les conçoit de nos jours le long des autoroutes. Inventons-nous encore quelque chose ?  


Mots-clés : Technorati

le 14.04.13 à 20:01 dans Autour de la nourriture
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Commentaires

Histoire des mets

Merci pour ces explications précises & complètes., Ségolène. J' ai dévoré votre dernier livre,"Le Goût des Légumes", acheté lors de mon excursion à Beynat  au début avril 2013.
Continuez à nous instruire & nous enchanter.
Jean-Paul

jean-paul24 - 19.04.13 à 18:30 - # - Répondre -

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Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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