S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

Les haricots

Ayant une place de choix dans les cuisines paysanne, appelé autrefois la viande des pauvres, transformé en farine lors des périodes de disette, mais aussi ingrédient principal dans la confection de friandises réservées aux nobles japonais, ou bien offert par un pape dans le trousseau de Catherine de Médicis, on peut vraiment l'accomoder à toutes les sauces. Voici la saga des haricots.


Le haricot, vieux comme le monde

Dans l'imaginaire universel, le haricot serait un légume du nouveau monde, arrivé dans les cales des bateaux des conquistadors portugais et espagnols de retour des Amériques avec le poivron, la tomate, la dinde et le chocolat. Il n'en en rien : des auteurs antiques citent le haricot comme un aliment commun : «Lorsque les pieds de laitue sont secs, les disposer dans des pots en plaçant au centre des haricots mis à mariner pendant un jour et une nuit dans de la saumure forte et que l'on assaisonnera avec les laitues» (Columelle) et sa culture fut introduite en Egypte vers 1200 avant J. C. Alors qui est l'usurpateur ? Le terme haricot désigne deux genres botaniques distincts : le Phaseolus, né en Amérique du sud et centrale et le Vigna, afro-asiatique, au Nigeria. Ces deux genres se ressemblent morphologiquement et comprennent une extraordinaire diversité. Le grain peut être tout petit ou très gros, rond ou réniforme, blanc, rose, jaune, vert, noir, bleu, tacheté, strié. La plante peut être naine ou grimpante, et la fleur rose, violette ou blanche, la récolte précoce ou tardive. Vous pouvez le manger vert ou jaune quand il est encore immature et sec après la maturité. Allez donc vous y retrouver !
L'ancêtre sauvage du Vigna a été découvert récemment au Nigeria et il s'était répandu vers l'Orient et la Méditerranée. Grande famille de 80 espèces sauvages et seulement 5 cultivées dont la plus courante est la Vigna unguiculata. Ils ont souvent petits, ont des cosses longues et fines d'où parfois leur nom de haricot au mètre, et un grain avec un hile (œil) cerclé de noir.

La biodiversité américaine
Ayant vu le jour dans une zone s'étendant du Mexique au Pérou et à la Colombie, le Phaseolus aborigineus est une liane grimpante très vigoureuse donnant des petites graines noires. Il y en a 200 espèces différentes ! Mais, rassurez-vous, les plus répandues et cultivées sont au nombre de 4 : le Phaseolus vulgaris, le plus important, le Phaseolus Coccineus ou haricot d'Espagne, le Phaseolus lunatus ou haricot de Lima, et le Phaseolus Acutifolius, le fameux Tepary bean.
Seuls les américains désignent le haricot par deux mots différents, «bean» pour le Phaseolus et «cowpea» pour le Vigna, car ce dernier, arrivé avec les esclaves noirs, fut considéré comme un petit pois et servait de nourriture pour le bétail.

C'est le phaseolus qui a supplanté toutes les autres espèces car il est plus facile à cultiver et très rentable (deux fois plus que son cousin Vigna). Chaque année, il est produit 16 millions de tonnes de haricot, genre phaseolus, à travers le monde et 3 millions de tonnes du genre Vigna.


Incontournable en cuisine
Tout ceci nous fait comprendre l'importance des haricots dans l'alimentation. Depuis l'antiquité et dans toutes les civilisations du monde, le haricot s'est introduit dans les cuisines. Dès le Moyen-Age, en Europe, il quitte le potager pour la culture en plein champ. Se conservant bien, nourrissant et pouvant être accomodé de multiples façons, il est l'élément principal de la nourriture des paysans et des travailleurs. Grâce à ses qualités nutritives, il remplaçait la viande. C'est sans doute de là que vient cette expression populaire : «c'est la fin des haricots» qui symbolisait la disette voire la famine. Il est un des composants indispensables de la garbure, du cassoulet, de la fabada en Espagne, de la feijoada au brésil, du chili con carne, et de la zenzai et des waghashi au Japon. A partir du XIXème siècle, on le met en conserve et donc sa popularité augmente et sa consommation s'accroît. Cette popularité fut fatale à la qualité et la variété des espèces cultivées ; de 150 elles sont tombées à quelques variétés commerciales plus rentables et plus résistantes aux maladies. Cependant, l'évolution des goûts en cuisine de concert avec la redécouverte des plats régionaux et des recettes anciennes a poussé les agriculteurs à remettre en culture des variétés qui, sans cela, seraient totalement oubliées.
Nous avons tous en mémoire, les plants de haricots grimpants dans les potagers le long des échalas. A la fin du printemps, les tiges fleurissent, puis les fleurs se transforment en cosses ou gousses après la pollinisation. Lorsque les gousses sont cueillies fraîches avant leur maturité, ce sont les haricots verts ou jaunes, appelés aussi haricot beurre ou mange-tout. A maturité, les cosses ne sont plus mangeables, on consomme alors les graines fraîches ou sèches. Mais vous pouvez aussi consommer la feuille, comme en Amérique centrale, qui est aussi bonne que celle de l'épinard !
Ah ! La bataille du cassoulet ! Il n'y a pas que les haricots qui soient sujets de discorde, il y a aussi les ingrédients, les toulousains prêchent pour la poitrine de mouton et la saucisse de Toulouse !!! Les carcassonais pour le porc, en côtelettes de préférence ; à Castelnaudary rien ne vaut le confit, et dans les Corbières la queue et l'oreille de cochon demi-sel. Faites votre choix.
De toute manière, quelle que soit la façon dont vous les mangerez, les haricots vous ferons toujours du bien. Ils contiennent, en effet, 20% de protéines, 50% de glucides, peu de lipides et tous les acides aminés dont vous avez besoin, les haricots frais apportent de la vitamine A et C, les secs de la vitamine B6 et tous du calcium, du potassium, du magnésium, du cuivre, du zinc, du phosphore, thiamine et niacine, et autre acide folique. Ajoutez à cela son goût fin, parfois légèrement sucré à l'arrière goût de noisette, sa texture fondante, et vous savez maintenant pourqui tous les peuples de la terre l'ont adopté !

Des variétés. de haricots blancs
 

  • Les haricots noirs que l'on trouve essentiellement sur le continent américain, mais aussi dans le pays basque, c'est l'alubia de Tolosa, petit, noir et brillant comme une perle.
     
  • Le haricot rouge à la saveur douce qui s'utilise dans les plats mijotés.
     
  • Le flageolet, vert pâle, mince et peu farineux que l'on achète séché ou en conserve, jamais frais. Arrivé en France avec Catherine de Médicis, il se marie très bien avec l'agneau .
     
  • Et tous les haricots blancs, le plus gros le Lima qui vient du Guatemala, et son petit frère le haricot blanc fin, tout rond, le canneberge ou Coco, rond, peu farineux, taché de rose ou de brun, délicieux dans les ragoûts et le cassoulet, bien que les gens du sud-ouest vous diront que seul le Tarbais est le haricot du cassoulet.
     

A propos du tarbais et des autres haricots du sud-ouest, avez-vous mangé des haricots de maïs ? Dans cette région, comme en Amérique d'ailleurs, le maïs servait de tuteur aux tiges grimpantes des haricots. Les cosses poussaient donc à l'ombre des feuilles de maïs et les peaux des grains étaient très fines. Les femmes cuisinaient ce qu'elles appelaient des haricots de maïs, un régal de fondant et de délicatesse !


 


Des haricots rouges dans un pavillon de thé

Au XVème siècle, le rituel du thé prit le nom de SADÖ. Le CHANOYU "eau chaude du thé" est une véritable cérémonie sous tendue par 4 principes spirituels: harmonie, respect, pureté et sérénité.
Les gestes de la préparation obéissent à une discipline particulière : le maître de maison, vêtu d'un kimono, dépose avec la cuillère quelques grammes de matcha dans le bol, avec la louche en bambou, il verse dessus l'eau sortant du chaudron, puis il bat le mélange à l'aide du fouet en bambou afin d'obtenir une mousse parfaite dite "mousse de jade". L'hôte dépose alors le bol devant l'invité et le salue, celui-ci prend le bol et avale trois gorgées avant de le déposer devant son voisin et ainsi de suite. On sert alors les gâteaux – wagashis - à base d'an, une pâte de haricots rouges bouillis, pelés et pétris avec du sucre, colorés et moulés en forme de feuilles, de fruits. Les cinq sens sont associés à ces friandises :
 

  • La vue: donner en été une impression de fraîcheur et en hiver une impression de chaleur, ainsi on imagine quel goût aura le gâteau
     
  • Le goût: la saveur doit être équilibrée, pas trop sucrée pour ne pas altérer la saveur acre du thé
     
  • L'odorat: le parfum doit s'exprimer en harmonie avec le matcha
     
  • L'ouie: le nom donné au gâteau doit correspondre à la saison et au moment où se déroule la cérémonie tout en suggérant l'atmosphère.
     

Avec le thé vert, les wagashi sont le symbole de la beauté de la nature et des saisons. Par exemple, au printemps, ils ont la forme d'une fleur de prune, en été d'un poisson rouge nageant dans un torrent, en automne le changement de couleur des feuilles et en hiver une grue blanche dans la neige.

 


 


Mots-clés : Technorati, Technorati

le 26.09.08 à 09:00 dans Histoire des aliments
- Commenter -

Partagez cet article


Commentaires

Emprunts

Bonjour Ségolène,
Le légume vedette la semaine prochaine portera sur les haricots : coco, blancs et autres pimpolais. Me permettriez vous de parler de votre article dans ce cadre?
Merci d'avance.
Lavande

Lavande - 10.10.08 à 09:29 - # - Répondre -

Commenter l'article

Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR