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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Les épices

Les épices sont pour la plupart originaires de l’Orient. Les hommes qui les ont goûtées, ont voulu les rapporter chez eux et depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours arpentèrent le globe à leur recherche.
Ces épices que nous utilisons sans y prêter attention, comme le poivre dont nous n’imaginerions même pas nous passer, mets tout aussi ordinaire que le pain et l’eau, furent pourtant l’objet d’âpres, d’incessantes luttes et convoitises au cours des siècles.
Pour elles, des hommes se sont surpassés, ont bravé leurs peurs et leurs superstitions. D’autres se sont livrés à de sombres trafics, ont menti, volé, tué.
Elles transforment une simple obligation vitale : se nourrir, en un plaisir toujours renouvelé et différent, et ont longtemps accompagné les morts lors de leur dernier voyage.
Elles ont très vite pris une valeur immense, beaucoup de transactions étaient monnayées en épices et surtout en poivre – la plus chère. Payer en épices a donné payer en espèces. Ces deux mots ont d’ailleurs la même origine latine « specia ». Elles sont aussi à l’origine d’expressions comme : « cher comme poivre » ou «  passez muscade »…
Aussi longtemps qu’elles furent des denrées de luxe réservées aux plus fortunés, c’est à dire jusqu’au XVIIIème  siècle, les épices tinrent conjointement un rôle culinaire et médicinal. Elles connurent une grande vogue thérapeutique à la Renaissance quand les apothicaires s’appelaient « épiciers et droguistes » car elles entraient dans une foule de compositions complexes.
Lorsque l’usage en devint populaire, les épices désertèrent les apothicaireries pour les cuisines et perdirent donc leurs vertus curatives.
Quelles étaient donc ces denrées si précieuses?
Le poivre, évidemment, mais aussi la cannelle, la muscade, la cardamome, le safran, le cumin, le gingembre, l’anis, le fenouil, le carvi.
Elles ont rapporté du plaisir, de l’argent, beaucoup d’argent, mais aussi déboires et drames, c’est une longue histoire passionnante.

  

La pesée du sylphium, épice ou aromate, le produit reste mystérieux, très apprécié des grecs.

La première route des épices dans l’Antiquité, la naissance d’un commerce

 Les Grecs aux mœurs culinaires assez frustes utilisaient davantage les herbes aromatiques de leurs campagnes que les épices si l’on en croit les auteurs grecs Plus tard, vers le  VIème  siècle avant notre ère, dans les temples,  épices et aromates s’élèvent vers les Dieux : essentiellement l’encens, la myrrhe et le poivre. Ce fut l’intégration au monde romain qui généralisa l’usage des épices, ultérieurement.
Cependant, de l’autre côté du Bosphore, les dynasties grecques d’Asie Mineure les connaissaient et les utilisaient : une inscription nous apprend que le roi Séleucos d’Antioche trafiquait de la cannelle et, au IIIème siècle avant J-C, en offrit au temple d’Apollon à Milet. Ces monarchies très dynamiques utilisèrent le réseau routier, mis en place par Alexandre le Grand, qui reliaient les villes  nouvellement créées. Ces routes facilitaient le commerce et le rapprochement avec des civilisations éloignées. Ils surent aussi mettre à profit les progrès des connaissances techniques et géographiques pour envoyer des explorateurs en Asie Centrale, en Arabie, en Inde et même en Chine. A l’exemple de Néarque, amiral d’Alexandre, parti de Pattala avec une flotte de 120 navires vers l’île d’Ikarios, pour un voyage au cours duquel il découvrit le phénomène des moussons et celui des marées. L’esprit entreprenant des Grecs d’Asie permit la création d’un commerce international entre les grandes monarchies et les cités libres, et par conséquent d’une classe de grands marchands qui pratiquèrent dans un premier temps des échanges de type colonial avant de se lancer dans un commerce de plus grande envergure, c’est ainsi que les nouvelles routes des épices, des aromates et des parfums virent le jour. Elles permettaient aux Perses de contourner l’empire des Maurya, dynastie indienne, qui coupait la route avec la Chine. Ensuite au 2ème siècle avant J. C, les royaumes de Bactriane et de Sogdiane devinrent les intermédiaires entre la Perse, l’Inde et la Chine et favorisèrent ainsi le commerce entre ces royaumes. De l’autre côté du monde, les Chinois cherchaient à commercer avec l’étranger afin de vendre leur soie et de se procurer les chevaux dont ils avaient un besoin pressant.  
Des caravanes ramenaient du poivre, de la muscade et  du girofle des vallées de l’Indus et du Gange, de la cardamome, de la cannelle et de la myrrhe de Malabar et de Ceylan en traversant les montagnes de l’actuel Afghanistan pour descendre vers les plaines de la Mésopotamie. De là ils atteignaient Tyr, port phénicien duquel partaient des navires chargés de « marchandises phéniciennes » - terme désignant les épices -  pour les pays méditerranéens, mais aussi les ports d’Alexandrie, d’Antioche et de Pergame.

 

Carte issue du livre de Luce Boulnois, la route de la soie.


Mots-clés : Technorati

le 19.10.05 à 12:05 dans Histoire des aliments
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