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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Le repas médiéval, 1ère partie

 Un repas médiéval sera servi samedi 19 septembre sous la halle de Monségur pour clôturer les festivités célébrant les 750 ans de la bastide. Une occasion de découvrir les manières de table, les goûts des mangeurs et le cuisinier médiéval et sa cuisine.

 

Notre imaginaire collectif de la représentation du repas médiéval est nourri de lectures, de tableaux et de films. Ces derniers montrent des banquets princiers de convives ripailleurs dégustant des plats étonnants tout en étant distrait par des baladins et autres acrobates. Les tableaux, tels ceux de Brueghel, représentent des fêtes populaires, réjouissances collectives, qui mêlent bonne et abondante chère, musique et danse,.  D’autres représentations picturales et les recherches en histoire de l’alimentation mettent en évidence des repas quotidiens chez des gens de peu réunis autour d’un âtre et mangeant frugalement. Ceci nous prouve que le repas médiéval n’est pas uniforme. Il y a les repas quotidiens pris par la grande majorité des habitants, souvent frugaux et simples en raison de moyens techniques limités, mais qui pouvaient devenir plus riches et abondants lors de repas collectifs à l’occasion de fêtes religieuses ou sociales. Et les repas princiers, ceux dont l’Histoire, avec un grand H, se souvient car ils ont été racontés parfois par des chroniqueurs voulant montrer la puissance de leurs seigneurs. Par ailleurs les recettes des plats de ces banquets se trouvent dans la plupart des premiers livres de cuisine datant des tournants des XIIIe et XIVe siècles et les plus connus ont été imprimés au XVe siècle, reprenant les recettes des premiers traités culinaires. Il s’agit de Le Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent ; queux des rois Charles V et Charles VI qui classent les recettes selon l’ordonnancement des repas aristocratiques - potages, rôts et entremets suivant les obligations de l’Eglise. Dans doute écrit vers 1380 mais publié en 1486.

L’autre ouvrage médiéval important est celui de Maître Chiquart, le maitre-queux du prince Amédée VIII  de Savoie intitulé Du fait de cuisine, c’est le premier traité de gastronomie médiévale paru en 1420.  Dans ce livre Maitre Chiquart raconte toute l’organisation d’un festin de trois jours donné au Château de Ripaille, festin dans lequel la symbolique alimentaire et le cérémonial ont une grande importance. 

Le seul livre qui nous informe de façon extrêmement précise sur l’alimentation quotidienne d’une bourgeoisie urbaine est Le Mesnagier de Paris, écrit en 1393 par un bourgeois qui consigne ses conseils à sa toute jeune épouse pour tenir sa maison. Cet homme devait aimer la bonne chère car la partie concernant la cuisine occupe environ des ¾ de l’ouvrage. Il décrit très précisément les recettes assorties de conseils pour l’achat des aliments, les astuces et savoir-faire de cuisine et donne les explications des termes culinaires.

Ces ouvrages, les vestiges architecturaux et résultats de fouilles, les tableaux et gravures sont les sources les plus fiables qui nous instruisent sur la cuisine et l’alimentation au Moyen-âge. En n’oubliant jamais que nous parlons d’une époque où la pomme de terre, la tomate, le maïs, le cacao, le piment, la vanille, les potirons, le haricot, la dinde étaient inconnus.

 

 

Le cuisinier et sa cuisine

Jusqu’au Xe siècle, dans la plupart des maisons, le foyer  est posé à même le sol, au centre de la pièce principale, parfois pièce unique. L’âtre, unique source de chaleur et d’éclairage, le lieu autour duquel on cuisine et on mange, est fait de pierres plates disposées en cercles, légèrement inclinées vers le centre et maintenues en place par une bordure de pierres plus grosses. En raison des risques d’incendies, le foyer peut être installé à l’extérieur, le long d’un mur et sous un auvent pour le protéger des intempéries. En ville, seules les maisons de notables comptant un grand nombre de pièces – plus de 10 -  possèdent une pièce spécialement dévolue à la préparation  des repas.

Le foyer-cheminée, avec hotte et conduit pour évacuer la fumée, n’apparait qu’au Xème siècle. La cheminée est souvent très vaste. Au manteau, était suspendus viandes et poissons à fumer ainsi que la crémaillère qui supportait la marmite.

Dans les maisons des seigneurs et des princes, la cuisine est généralement située dans un bâtiment distinct de l’habitation, toujours par crainte des incendies, le bois étant une des principales composantes des matériaux de construction. La cuisine était reliée à l’habitation par une galerie couverte pour transporter les plats à l’abri des intempéries. Les plats pouvaient être réchauffés sur des réchauds placés devant la cheminée. Dans certaines maisons princières ou des abbayes on a découvert des cuisines monumentales, comme à Dijon dans le palais des ducs de Bourgogne. Ce sont des pièces voutées dont les voûtes reposent sur des colonnes et dont la clef de voûte est le départ d’une cheminée d’appel.  Parfois les cheminées sont situées aux quatre angles ou dans des absides voûtées équipées de tuyaux pour évacuer la fumée comme à Fontevrault, ou encore trois des murs sont garnis de cheminées simples ou doubles où une paneterie, une fruitière et une échansonnerie sont adjointes à la cuisine.

 

 

Batterie de cuisine

Bouillir, rôtir et frire sont les trois types de cuisson à l’époque médiévale. Il y avait donc des ustensiles adaptés à ces cuissons.

Dans les humbles demeures lorsque la cuisinière n’avait qu’un âtre à sa disposition, le matériel était réduit à un trépied, un pot, un poêle et une broche.  

Pour cuire à couvert les potageries : les pots ou oules et pour cuire les ragoûts : les chaudrons, marmites. L’oule est un récipient en terre cuite souvent fermé  dépourvue d’anse et de becs, les chaudrons portant une anse sont fabriqués en cuivre, parfois en bronze ou airain. On cuisait aussi à l’aide du coquemart, pot en métal à longue queue et à une anse, du cocasson, une sorte de bouilloire et de la caquerolle, un coquemart à 3 pieds. Ces trois derniers ustensiles étaient utilisés pour cuire les sauces et réchauffer des portions de potage.

La plupart des cuisines ne sont équipées que d’une marmite en terre, très vite remplacée par le cuivre plus résistant aux chocs des cuillères. Ces chaudrons étaient précieux et souvent réparés, en raison de leur prix. La marmite peut être posée sur un trépied ou isolée des braises par des tuiles. Comme on ne pouvait pas régler la puissance du feu, on éloignait les marmites des flammes en les posant devant les braises, il existait aussi des supports mobiles que l’on éloignait ou rapprochait des flammes.La crémaillère en fer qui sert à  suspendre la marmite au dessus du foyer est rare dans les campagnes jusqu’au XVème  siècle. Auparavant, la marmité était suspendue au-dessus du foyer par un croc et une chaine de fer qui permettait de moduler la hauteur.

Pour frire et sauter les aliments, cuire les châtaignes et les crêpes, il y a les poêles (poisle, paelle, pesle) et poêlon munis d’un long manche. Tous ces ustensiles sont posés sur un trépied  en fer qui isole des braises chaudes et permet de déplacer la marmite des flammes si l’on veut une cuisson plus douce.

Pour rôtir, la cheminée était pourvue de grils et broches et chenets, parfois de rôtissoires.

 

 

Ustensiles de cuisine

Sur des étagères ou dans des appentis, toujours la crainte des incendies, on rangeait des pots en céramique, pour cuire ou pour conserver les aliments tels que les grains, les légumes secs, les œufs et la graisse. On rangeait aussi  les râpes en fer, les mortiers, l’ustensile indispensable pour broyer les ingrédients : ail, graines de moutarde, herbes aromatiques, épices chez les plus riches et préparer les assaisonnements. Le plus souvent en bois dur comme son pilon, ou en bronze ou en pierre.

Planches à découper, cages à fromages, planches sur lesquelles sont modelés les pains, couvercles de pots, écuelles, louches et cuillères sont façonnés en bois. Par contre, les passoires, les écumoires, les crocs en fer, les différents couteaux, sont en  métal, il existe aussi des  grandes cuillères en cuivre pour des récipients en métal. Salières et saloirs, vinaigriers sont en faïence ou céramique.

Dans toutes les maisons, on trouve les maies à pétrir et blutoirs car, au moins une fois par semaine, on pétrit le pain que l’on va faire cuire dans le four banal à la campagne, dans son four à pain ou même directement sur les braises dans un moule creux ou plat.

Dans les cuisines urbaines, on trouvait nombre de boîtes en terre, bois, métal et cuir pour protéger et ranger les petites denrées à l’abri des rongeurs et des insectes. Et dans les maisons les plus riches un meuble fermant avec un cadenas, appelé « armarie » puis armoire, conservait les denrées les plus chères et précieuse comme les épices. Chez les artisans ou dans les cuisines des grandes maisons des moules à pâtés, à tartes et à flans, des fers à gaufres et à oublies étaient indispensables pour la réalisation de gâteaux ou de pâtés.

 
 
L’eau

Généralement, l’eau du puits était conservée dans une auge ou baquet en bois, elle était puisée à l’aide d’un seau et d’une corde. La vaisselle était faite dans une jatte et l’on versait les eaux sales dans le caniveau ou dans la cour.

Dans les grandes maisons, il y avait un puits dans la cour et parfois même dans la cuisine. Les cuisines étaient pourvues d’un évier en pierre creusée équipé soit d’un « cholier », trou creusé dans le sol recouvert d’un couvercle en bois, où l’on jetait les détritus, soit d’un tuyau par lequel les eaux sales s’écoulaient dans une fosse  ou une rivière si celle-ci était proche. Cette « modernité » n’empêchait pas l’usage des  seaux à puiser en bois, des baquets en bois et des grandes louches en bois qui servaient à prélever l’eau dont on avait besoin pour la cuisine, la vaisselle et pour boire.

 

le 14.09.15 à 16:30 dans Arts de la table
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Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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