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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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le parfum des épices, suite

 Les épices ont parcouru le monde et se sont mêlées aux ingrédients indigènes, vite adoptées en rraison de leurs parfums et de leurs saveurs, elles furent à l'origine de plats et de mets surprenants pour les papilles qui les découvraient.


Influence sur la cuisine

Cette mondialisation fut très positive pour l’évolution et la transformation de notre cuisine occidentale. De l’Empire romain, les cuisiniers, dont le célèbre Apicius, usaient voire abusaient des épices. La cuisine romaine des patriciens se voulait d’une extrême sophistication, le goût et l’aspect des produits d’origine disparaissaient derrière des artifices dont les épices faisaient partie. L’attrait pour les goûts étranges comme le suave obtenu par le patchouli, l’amer par l’aloès et l’asa faetidia qui apportait aussi une note puante recherchée également avec la rue, le moisi donné par le nard, représentaient les aspects les plus étonnants, mais le poivre, surtout le poivre long, était largement employé en quantité tant pour sa qualité gustative que son prix.

Peu à peu l’Occident découvrit ces épices qui réveillaient une cuisine assez insipide et grande fadeur, elles devinrent vite indispensables en cuisine. Dès qu’ils goutèrent à ces ingrédients piquants, brûlants et enivrants les hommes ne purent plus se passer des épices et condiments venus d’Inde tant dans la cuisine que dans la pharmacopée. Il faut dire que quelques pincées de poivre, un soupçon de muscade ou de gingembre, un brin de macis séché, et le plat le plus fade ou le plus banal offrait une saveur inoubliable. Et le monde occidental, habitué à la fadeur découvre une gamme de tons et de demi-tons qui animaient la partition des saveurs. Enivrés par ces arômes, l’homme occidental tomba dans la démesure et l’excès jetant à profusion les épices dans la bière, le vin et les ragoûts qui n’étaient appréciés que s’ils mettaient la bouche en feu.

 Ces peuples adoptèrent avec empressement ces épices qui exhalaient un parfum d’ailleurs en même temps qu’elles transformaient les mets. Les moines dans les monastères qui cultivaient et acclimataient les herbes aromatiques, furent les traducteurs des traités des médecins grecs, les œuvres des agronomes latins et des ouvrages arabes furent les premiers à utiliser le mot « species » pour désigner les épices. L’école de Salerne publia des traités expliquant l’usage des aromates. Les épices étaient en effet utilisées à la fois pour leurs propriétés antiseptiques qui corrigeaient les effets de certains aliments ainsi que pour les qualités nutritionnelles dues aux alcaloïdes contenues dan les essences aromatiques et les sels minéraux et vitamines. Le médecin se tenait derrière le cuisinier pour le plaisir et le bien-être de chaque mangeur. Depuis Hippocrate, les aliments étaient classés en quatre catégories : le froid, le chaud, le sec et l’humide. Selon ces préceptes, les sauces cuisinées l’hiver devaient être relevées par des épices, substances chaudes par excellence, comme le gingembre, la cannelle, le poivre et le girofle, car elles augmentent les effets des aliments chauds et humides comme les volailles et contrecarrent ceux des mets froids et secs comme les poissons et l’oie. Les épices, à la fin du repas, issues et boute-hors, aidaient à la digestion, servies sous forme de graines confites de coriandre, d’anis, de cumin qui purifiaient l’haleine ou de fruits cuits dans le sucre et les épices : les fruits confits ou confitures sèches.

La surenchère d’épices, produits de luxe, prouvait la richesse des hôtes ainsi que leur appartenance à une élite sociale. Employées en grande quantité, les épices jouaient un rôle figuratif car leur nombre additionné donnait aux mets une âcreté étrange difficilement définissable.

Cette détestable habitude prit fin vers le XVIIe siècle quand les cuisiniers devenus plus soucieux du goût des produits dédaignèrent les sauces lourdes et surchargées pour celles, plus fines, au beurre. Le poivre, la muscade et le girofle tirèrent leur épingle du jeu. A partir de ce moment et jusqu’au XXe sicle, les épices tinrent un rôle secondaire dans la cuisine française, nos compatriotes, soucieux de l’harmonie des saveurs, se plaignaient souvent des plats épicés lorsqu’ils se déplaçaient à l’étranger. Il y eut une désaffectation des épices indiennes au profit de celles provenant, au XIXe siècle, des colonies. La vanille en particulier, très prisée pour les desserts qui se développèrent en ce siècle.

Les colonies jouèrent un rôle non négligeable dans la découverte et l’utilisation des épices nouvelles. Ainsi les mélanges d’épices, curry, massala, ras el hanout des cuisines indiennes, indonésienne et du Maghreb. A la fin du XXe siècle, la décolonisation en entrainant le retour des anciens colons et l’arrivée des populations issues des colonies, modifièrent les comportements. La multiplication du tourisme sous toutes ses formes, l’influence grandissante des voyages aux quatre coins du monde, la mondialisation des échanges entrainèrent les produits dans une ronde autour de notre planète, chaque pays découvrant et adoptant les produits des autres. La vogue des restaurants orientaux et méditerranéens offrirent aux gourmands l’occasion de se familiariser et de redécouvrir avec les saveurs des épices nouvelles. Les cartes de la plupart des restaurants présentent des plats où les épices ont un part importante. Le désir de faire une cuisine originale, nouvelle, expérimentale, fusionnelle pousse certains chefs à les manier avec beaucoup d’audace.

le 28.10.18 à 17:12 dans Histoire des aliments
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