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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Le bon produit existe-il ?

Colloque de l'IEHCA, Tours 31/11 et 1/12/07

L'IEHCA avait organisé deux jours de réflexion sur le bon produit. Discussions fertiles lors de tables rondes et d’ateliers, deux jours de rencontres et d’échanges plutôt constructifs. A la suite de ces discussions, peut-on répondre à la question posée initialement ? Oui, le bon produit existe, mais chacun a sa propre définition, sa propre approche du bon produit comme les échanges l’ont montré. 
Voici une brève synthèse des idées les plus fortes qui ont émergé des débats.

Un bon produit est un objet alimentaire qui est le résultat  d’une production agricole ou/et artisanale. La notion de « bon » dépend de critères techniques liés à la culture, à la transformation, la fabrication, mais aussi à des critères politiques qui permettent de distinguer le bon du mauvais et ces critères sont fluctuants de la même manière que les critères culturels qui définissent la valeur de la notion de bon. Il est plus aisé de définir la notion de bon selon des critères sanitaire (est bon ce qui est sain),  gustatif (est bon ce qui satisfait le goût), d’authenticité et de terroir (liés au besoin de retrouver ses racines). Mais il reste beaucoup de critères subjectifs qui évoluent selon les époques, les pays, les modes, les demandes des consommateurs et les offres du marché.

Comme l’a fait remarquer Madeleine Ferrières, lors de la 1ère table ronde « le bon produit d’hier et d’aujourd’hui », les produits sont très connotés socialement, il y a d’un côté les produits nobles et de l’autre tous les autres et ceci dans toutes les catégories de produits, viandes, poisons, légumes et fruits. Mais ces statuts évoluent, les plats dits « canailles » sont finalement adoptés par les classes supérieures. On peut donc poser la question : est ce qu’à partir de produits considérés comme bons, on peut faire quelque chose de bon ? Oui, si l’on considère le succès de certains plats à base d’abats longtemps mal considérés tandis que l’accumulation de produits considérés comme bons dans l’élaboration de certaines recettes ne produira pas forcément un bon plat comme le prouve récemment la réalisation de la pizza la plus chère du monde.

Pour les producteurs et fabricants de produits alimentaires, la meilleur produit est celui qui est capable de supporter de longs transports sans s’abîmer, explique Sylvie Vabre en se basant sur l’exemple de l’entreprise « Société », fabriquant de roquefort. C’est une définition totalement différente de la nôtre qui préfère les roqueforts qui sortent directement des caves où ils subissent un affinage idéal.

Il existe aussi une notion plus romantique du bon qui est intimement liée à celle de nature. « Un produit doit être baigné par la lumière de l’endroit où il est né » selon Jean Bardet reprenant le thème des fromages.  Et de citer le camembert AOC au lait cru, menacé par les désirs de la société  Lactalis. « Le ferment c’est la vie, le lait cru est nécessaire à un bon camembert, il lui donne son goût » Le goût des saisons, le goût des pâturages car le goût est important, il permet l’éveil sensoriel. Ce que ne lui conteste pas Jacques Maximim ; pour lui « le produit n’est bon qu’en fonction de la saison ». Le choix et l’origine du produit est décisif pour un cuisinier qui ne doit ni dénaturer, ni masquer un bon produit. Le bon produit est donc déterminé, d’une certaine manière, par l’usage qu’on en fait.

« Le bon produit et la santé » fut aussi l’objet de débat. Est-ce qu’un bon produit est lié aux normes actuelles d’hygiène ? Avant  la définition des règles d’hygiène les produits étaient ils dangereux ou malsains ? Quand s’établissent les définitions des normes des produits standards, on note la victoire des produits industriels sur les produits fermiers standards, ce qui entraine une évolution de la notion de bon produit : ce qui est bon pour la santé et bon au goût. Pour le consommateur averti, c’est trop simplificateur et pas souvent vérifié. Il faut se servir de son appareil sensoriel pour se créer son goût personnel et choisir ce qui est bon, car un bon produit doit faire plaisir.

Il faut retrouver l’honnête volupté de Platine, une diététique aimable qui lie plaisir gustatif et hygiène de vie et peut-être se débarrasser du regard hygiéniste puritain qui prend une place de plus en plus importante dans nos sociétés occidentales, nanties et peureuses qui se garantissent de tout mais oublie le plaisir. Nous ne sommes pas sur terre pour seulement souffrir. C’est pourtant ce qu’on note souvent dans les comportements alimentaires. Pour beaucoup de femmes, le modèle est la restriction pour avoir un corps toujours plus fin. Finesse corporelle et faim. La consommation d’alicaliments et de suppléments alimentaires qui augmentent sans cesse est le constat  d’une alimentation déséquilibrée. Une alimentation doit être diversifiée car aucun aliment n’est totalement suffisant à lui tout seul pour nourrir correctement. S’il est difficile de définir le produit bon on sait que les mauvais aliments sont les aliments transformés trop riches en calories vides.

La recherche du bon produit est difficile, elle est de la responsabilité du consommateur qui doit s’affranchir des sirènes du marketing. Mais il est très difficile de bien se nourrir en raison de l’offre pléthorique de produits transformés de la GD qui manquent d’information sur les emballages pour acheter un produit équilibré.

Le bon produit n’existe pas en tant que tel. « L’éducation doit être au centre des problématiques d’alimentation. En retrouvant les fondamentaux de l’alimentation on arrive à une prise de conscience et une meilleure culture qui va nous permettre d’avoir la capacité à trouver les bons produits et à connaitre les bonnes techniques pour les préparer », martèle Christian Rémesy. « Nous faisons trop d’erreurs influencés par nos modes de vie et le marketing d’une industrie agro-alimentaire très puissante. Il suffirait d’une réelle volonté politique qui irait à contre sens du productivisme agro alimentaire actuel pour bien s’alimenter ».

Se pose alors une nouvelle interrogation : celle d’une notion de souveraineté régionale des produits alimentaires éco-durables qui résoudrait les problèmes de transport. Il faut réfléchir à une agronomie plus complexe, à une diversification régionale des produits. Le bon produit de demain sera celui qui respectera la terre, le paysan et le consommateur pour lequel il faudra choisir une autre appellation. Le mangeur du XXIème siècle, sera responsable et, par conséquent, respectueux du bon produit.


Mots-clés : Technorati

le 08.01.08 à 07:46 dans Autour de la nourriture
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