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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Le beurre dans l’histoire de la cuisine

Revenons à notre cuisine au beurre en France.

 

Un aliment encore peu consommé
Jusqu’au 15ème siècle, les graisses animales, celles de porc, oie, voire baleine et l’huile de noix et d’olive sont davantage utilisées pour réaliser des plats. Au Moyen Age, le beurre sert plutôt pour faire cuire les beignets et les fritures ou faire revenir la viande mais pas pour confectionner les sauces, il garde un statut rustique comme tous les laitages. Il reste une graisse de carême à la place du lard pour accompagner les poissons. Et à ce sujet les règles sont floues et les prescriptions confuses, certaines contrées consomment le beurre en carême car l’huile d’olive est très chère et souvent frelatée, d’autres le consomment que les jours gras. Pour être en paix avec leur conscience, les catholiques mangeurs de beurre achetèrent des dispenses à l’Eglise (qui faisait son beurre de ce commerce) et certains papes furent généreux envers leurs ouailles, comme le prouve la bulle du souverain pontife qui offrit à Anne de Bretagne comme cadeau de mariage l’autorisation de manger du beurre salé toute l’année, privilège qui s’étendit à tous les bretons
Vers la fin du 15ème siècle, le beurre et la crème commence à entrer dans la cuisine française. Selon les préceptes hérités de la médecine hippocratique, le gras est recommandé pour aider à la digestion des aliments difficiles à digérer comme les légumes, les plantes potagères, certains fruits come les poires souvent dures et les huîtres. Les cuisiner au beurre les rend plus délectables au goût et par conséquent plus digestes, car « ce qui est délectable est meilleur à la digestion » selon le « Regimen sanitatis » écrit au 15ème. Pas à pas, depuis les régions laitières du nord et de l’ouest, le beurre, surtout le beurre frais frit, étend son emprise davantage dans les classes populaires ainsi que le dit le plus ancien dictionnaire de France le Thrésor de Nicot (17ème), Article Beurre : « En France, l’usage en est commun et des plus pauvres que des riches. » et on le distribuait aux pauvres tout au long de l’année dans la bonne ville de Meaux. Il finit cependant par séduire aussi les classes aisées. Il y avait une relation au beurre qui était assez curieuse et qui ne s’observait pas seulement en France mais aussi en Italie : les gens riches qui  habitaient un pays de beurre donnaient leur préférence à l’huile, chère, comme Mahaut d’Artois au 14ème siècle, afin de prouver leur richesse et dans l’Italie méridionale ; pays d’huile d’olive, les classes aisées faisaient frire leurs raviolis dans le beurre, denrée rare et chère.
Ce qui fit le succès du beurre ce fut l’abandon des sauces épicées, aigres-douces au profit des sauces grasses et le beurre est idéal pour monter une sauce, réaliser une liaison. Il est universellement répandu mais encore dominant.
 

 

 

La consommation de beurre entre vraiment dans les mœurs

Ce fut au 18ème siècle que les attitudes changèrent vraiment. Restif de la Bretonne dans « La Vie de mon Père » parle de soupe au beurre et à l’oignon. En Alsace, un voyageur raconte que les habitants se délectaient d’une espèce de gruau, fait de lard et de pommes de terre cuit dans du lait et du beurre frais, puis mitonné pendant une heure dans un bouillon. Le beurre est salé et  importé dans des barils de bois des pays producteurs, certaines sont déjà célèbres : la région d’Isigny en Normandie, celle de Cassel dans les Flandres, la région de Vanves se fit productrice d’un beurre qui devint le préféré des parisiens. A partir du siècle dit des Lumières, tous les livres de cuisine conseillent de faire revenir au beurre et de faire des sauces liées au beurre analogues au beurre blanc, et surtout le roux, dit farine frite, remplace la liaison au pain et peu à peu les saveurs acides et sucrées disparaissent, les mentions de beurre deviennent aussi importantes que maintenant. En Italie, à partir du 17ème, il est associé aux pâtes. L’essor du beurre dans les livres de cuisine est une des transformations majeures de l’époque moderne et il est concomitant du recul de l’influence de l’Eglise romaine sur l’alimentation. Un signe perceptible : dans “La Cuisinière bourgeoise”, bible pour les cuisiniers et cuisinières, lait et beurre entrent en force pour arriver au 19ème  aux sauces enrichies de beurre et de crème qui recouvrent toutes les viandes et poissons selon les préceptes de Dugléré et Escoffier.

 

Ceci associé à la pasteurisation et à l’apparition et au développement des chemins de fer favorisa l’exportation depuis les régions productrices qui prospérèrent et même virent le jour comme la région Poitou-Charentes. Alors que parallèlement durant le 19ème et le 20ème siècle, le succès  des oléagineux tropicaux comme l’arachide, la végétaline et la margarine entrainèrent une baisse de la consommation de beurre qui est maintenant accusé par les tenants de minceur et de santé de biens des maux, mais il ne faut pas négliger sa teneur en vitamines.

 


Mots-clés : Technorati

le 13.11.08 à 09:00 dans Histoire des aliments
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