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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La Renaissance ou la folie du sucre

A fin du Moyen-âge-début de la Renaissance, l’utilisation régulière du sucre - qui remplaçait le miel pour les pâtisseries, fruits confits et confitures-,   l’apparition des fruits puis du chocolat dans les préparations font prendre un tournant à la profession. Les mangeurs montrèrent un grand intérêt pour les douceurs et les sucreries. On cessa peu à peu de sucrer les plats de viande et de poisson, pour réserver le sucre aux mets de fin de repas, desserts ou entremets, crèmes ou tartes. Les livres de cuisine et ceux de confitures confirment cette nouvelle passion.

Le XVème siècle montre une évolution des tendances, pointe un goût pour le sucre, ingrédient qui entre en force dans les recettes et  sert aussi à conserver les légumes comme nous verrons dans les recettes de conserves de légumes que donne Olivier de Serres dans son « Théâtre des champs ».

" Plusieurs racines, herbes, fleurs et fruits, y a-il propres à confire : plusieurs matières aussi en sont les moyens ; et par divers chemins on y parvient. Quant au sujet de la confiture, il est si ample, qu’il ne se restreindra qu’à la volonté : mais touchant la matière, nous-nous arrêterons au sel, au vinaigre, au moût, au vin-cuit, au sucre et au miel, comme en étant les plus valeureuses et plus connues parmi nous : et la façon en sera au liquide et au sec"

 

Pois et fèves, artichauts, laitues, petits melons et concombre

Confits.
Le printemps sert aussi la saison à confire des pois et fèves en gousses, les prenants verts, non encore murs, ainsi tendres, commençants à faire graine. Ces deux fruits pour la sympathie de leur naturel se confiront ensemble. Des gousses de pois et de fèves les plus grosses qu’on pourra choisir, vertes et tendres, seront cueillies au jardin, et tout fraichement, sans leur donner loisir de se flétrir, après les avoir lavées avec de l’eau claire, seront mises dans la saumure, pur y demeurer dix jours, pour le moins. Le sel a plusieurs regards ôte l’odeur sauvage et naturelle du fruit : affermit le fruit, pour résister à la violence du sucre en le confisant et lui conserve sa naïve couleur… Passés les dix jours, les pois et fèves pourront être tirés de la saumure. … Là en abondance d’eau fraiche, ils tremperont six ou sept jours, à chacun remuant d’eau nouvelle, trois ou quatre fois, et en somme, jusqu’à ce que le fruit ne tienne rien du salé, ce que reconnaîtrez à la saveur, ouvrant un pois et une fève des plus gros et à l’intérieur les goûtant.
Etant dessalés les pois et les fèves, le passage s’en fera bouillant dans l’eau, pour tant plus assurément ouvrer. Puis un peu séchés sur des serviettes, en suite posés dans la terrine vitrée, finalement le sirop liquide et bouillant sera jeté par-dessus, par la continuation de dix jours, deux fois chacun, accommodant le sirop par augmentation de cassonade et rebouillemens, jusqu’à la perfection, comme a été montré. Et à ce qu’avec quelque aisance, l’on vide la terrine coup à coup ... Et par telle commodité, vos fruits demeurant assurés dans la terrine, ne se froisseront nullement.»

Olivier de Serres, huitième lieu, Chapitre II, la façon des Confitures.

 

Au XVIe siècle, il n’y a pas que 1515 à retenir mais 1555. Car en 1555, Nostradamus, apothicaire écrit son grand traité des confitures. On y trouvait toutes sortes de recettes qui utilisaient encore le miel mais beaucoup le sucre pour confire. Car les confitures sèches, c'est-à-dire les fruits confits  étaient tout autant  prisées que les confitures que nous consommons encore.

Le sucre devint omniprésent dans la pâtisserie. Les gourmands se délectaient de pâte d’amande, de confitures, de confiseries. Les pâtissiers découvraient les fruits exotiques comme les abricots et les incluaient dans leurs préparations. Ils fabriquaient quotidiennement  des tartes  et des tourtes aux fruits, parfois  garnies de crème pâtissière laquelle avait été d’après la légende inventée par Apicius.  Ils utilisaient également des parfums et des liqueurs de fruits et de fleurs pour apporter des saveurs nouvelles à leurs gâteaux.

C’est l’époque où l’on inventa les choux et la crème fouettée, les meringues et les macarons. Les gastelliers et fouaciers mirent au point  des pâtes sucrées pour fabriquer des biscuits de toutes sortes. La mode des pains d’épices moulés dans des moules en bois représentant des figurines  fut lancée avec le succès que l’on sait.

Mais on trouve hélas que très peu de recettes dans les livres de cuisine encore peu nombreux, car le sucre était une denrée chère.

 

 

La bataille des pâtissiers et des boulangers trouvent une issue.

Fort marris par l’offrande au roi d’une galette par les boulangers, offrande réitérée chaque année, les pâtissiers entamèrent un procès au début du XVIIIe siècle  contre leurs adversaires et finirent par obtenir d’être les seuls à avoir le droit d’employer du beurre, des œufs et du sucre dans leurs préparations.  A partir de ce moment, les pâtissiers eurent le vent en poupe et firent preuve d’une belle imagination dans leurs créations. Les nouvelles habitudes sociales lors des baptêmes et des mariages où l’on se mit à offrir pâtisseries et dragées leur permirent de réaliser des créations originales et de somptueux gâteaux. A l’occasion de ces cérémonies, les pâtissiers construisaient de véritables chefs d’œuvre architecturaux, des constructions en sucre, de merveilleux gâteaux de rêve.

On ne peut passer sous silence, le rôle des moniales-pâtissières qui inventèrent des succulentes douceurs. Ignorant les injonctions des Pères de l’Eglise qui considéraient la gourmandise comme un des 7 péchés capitaux, elles mirent toute leur foi et leur savoir-faire dans l’invention et la réalisation de macarons, de madeleines, de feuillantines, de croquants dont les recettes sont restées dans les monastères et qui y sont de nos jours toujours fabriqués.

 
 Comme illustration de ce chapitre je vous propose une incursion dans la Rôtisserie des poètes où exerce le pâtissier-poète : Ragueneau. C’est lui qui offrira à la duègne des darioles, des petits choux à la crème, des poupelins afin que Cyrano et Roxane puisse jouir d’un moment d’intimité.

Au lever du jour, alors que Ragueneau finit de rimer, les pâtissiers apportent une pièce montée de fruits en nougat, des flans, un rôti paré de plumes en forme de paon, des roinsoles (gâteau), une terrine de bœuf en daube des tarte et tourtes, des pains et une lyre en pâte à brioche avec des fruits confits et des cordes en sucre filé. Plus des poètes affamés viendront manger des brioches, des pains d’épices, des choux à la crème et moult gâteaux pendant que Ragueneau écrit son poème

 

Comment on fait les tartelettes amandines

Battez, pour qu’ils soient mousseux,
Quelques œufs ;
Incorporez à leur mousse
Un jus de cédrat choisi ;

Versez-y
Un bon lait d’amande douce ;

Mettez de la pâte à flan

Dans le flanc

De moules à tartelettes ;

D’un doigt preste, abricotez

Les côtés ;

Versez goutte à gouttelette

Votre mousse en ces puits, puis

Que ces puits

Passent au four, et, blondines,

Sortent en gais troupelets,

Ce sont les

Tartelettes amandines.

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, acte II, scène IV

Mots-clés : Technorati

le 17.07.10 à 09:00 dans Histoire des aliments
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Commentaires

 toujours un plaisir de lire cette histoire de la gastronomie. il y a vraiment de quoi reprendre des idées par la simple évocation de ces utilisations des matières sucrées

marie - 25.07.10 à 21:55 - # - Répondre -

JOli article

L'article est effectivement très bien écrit. Félicitations.

Poulet Basquaise - 06.09.10 à 15:12 - # - Répondre -

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Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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