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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La psychanalyse des pâtes au repos

Après avoir lu le chapitre du livre “la Cuisine amoureuse”, intitulé “La Psychanalyse des pâtes au repos”, j’ai décidé de vous faire partager ce moment de bonheur que j’ai eu en lisant ce texte.

Car on ne fait pas de la pâtisserie comme on fait un plat quotidien, on ne fait pas un gâteau pour nourrir : c’est un supplément de plaisir gourmand. Ce n’est jamais un acte égoïste, on prépare, la plupart du temps, un gâteau, une tarte pour faire plaisir aux autres, pour un évènement : fêter quelqu’un voire quelque chose.

Ce texte évoque ces instants si particuliers où les ingrédients que l’on a choisis opèrent dans le silence et le mystère des cuisines une lente transformation. C’est le calme, la méditation avant la cuisson finale et l’exposition du chef d’œuvre préparé avec amour, c’est le temps que l’on offre aux autres.
 

 Psychanalyse des pâtes au repos.

Chut ! La pâte repose. Dans des terrines vernissées. Entre des linges blancs comme des draps, où on l’a installée saupoudrée de farine, bien roulée en boule. Le plus souvent dans la pénombre et la tiédeur, au froid exceptionnellement.

La pâte, c’est toujours pareil : de la farine, du sel, de l’eau, de la matière grasse. Et pourtant que de variétés : brisée, sablée, feuilletée, briochée, pâte à beignets, à oreillettes, à pizza,… A quoi tiennent les différences ? Aux proportions et au repos actif des pâtes qui est parfois un rêve, parfois une méditation, parfois une pensée qui se concentre, qui analyse et d’autres fois s’élève aux généralités. Au fait aussi que la farine est vivante et l’eau plus ou moins dégourdie, que l’on pétrit avec plus ou moins d’énergie ou pas du tout, qu’on a, ou non, la main chaude.

Si l’eau et la farine sont travaillées de levain – c’est-à-dire travaillées par elles-mêmes, le levain n’étant jamais que la pâte aigre – la masse au repos se gonfle de rêve, d’images vagues jusqu’à doubler de volume. Le doigt s’y enfonce comme dans un sein.

Lorsqu’on a mêlé intimement beurre et farine jusqu’à avoir dans le saladier une sorte de sable fin et que l’on mouille, la pâte médite, elle englobe les zestes qui la parsèment de virgules transparentes, de moment en moment, elle les exhorte, les exalte et confirme leur parfum. Elle réfléchit sur le beurre, elle le divise et l’intériorise, le mêle aux molécules de farine, elle pense au mélange de la farine et de l’eau dont l’accord se fait lentement en fonction de l’humidité de l’air et d’impondérables données astrales. Elle pense si fort que lorsqu’on soulève le torchon pour la saisir, elle sue une petite sueur grasse : on la trouve presque rétractée, elle a taché de gras les torchons pendant son actif repos.

Il lui arrive de n’avoir qu’un léger ballonnement, une souplesse de la chair, un relatif enthousiasme pour l’alchimie qui l’habite.

La pâte feuilletée, elle, a un côté militaire : trois fois des pliages au carré, comme des paquetages, espacés de quarts d’heures de repos. Mais quel repos : au froid, sans la moindre détente, toujours à angle droit. L’éducation de la pâte feuilletée est un peu spartiate ou anglaise. Un, deux, trois, étalez en rectangle, pliez en trois. Frigo. S’agit pas de mollir. Trois tours et pas un de plus. Pas de fantaisie dans les pliages ! Et on évite de se disperser, de se mélanger : le beurre avec le beurre, la farine avec la farine. Respectez la hiérarchie. Se tenir droit et ne penser qu’au service. La pâte feuilletée au repos est comme ces militaires reconnaissables même en permission à leur coupe de cheveux et à leur maintien.

Il faut reconnaître l’excellence du résultat. Ces feuillets légers qui fondent dans la bouche et reçoivent si bien les sauces crémeuses du vol-au-vent…

Mais, la plupart du temps, quand on confie à l’ombre et au repos le mélange de farine, d’eau, de sel et de matières grasses, la pâte couchée pense, rêve ou dort. Ne la dérangeons jamais. Farinons-la, comme on talque les bébés : pour son confort, réalisons les conditions pour que rien de matériel ne la gène dans sa réflexion.

Un principe général concernant les quantités : le poids de farine divisé en deux donne le poids de beurre. L’eau, c’est plus délicat. On l’a dit, cela dépend des saisons. Donc, c’est avec jugeote qu’il faut mouiller, sachant que les molécules de farine vont gonfler et que la pâte sera plus compacte après le repos qu’avant. Or une pâte trop sèche équivaut à une pâte dure. Il vaut mieux avoir une pâte humide qui colle un peu aux doigts au moment où on la met au lit.

 Marie Rouanet


Mots-clés : Technorati

le 17.08.05 à 22:03 dans Nourriture et littérature
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