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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La pêche en eau douce sous l'Ancien régime

L'histoire de la pêche et des poissons  continue. Après avoir vu comment les poissons étaient dégusté, remontons vers la source, ou plutôt des eaux où ils étaient pêchés. Les méthodes de pêche restèrent quasiment les mêmes jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.


Brochet


La pêche en eau douce
Hors des zones côtières, on consommait surtout des poissons d’eau douce pêchés dans les rivières, les lacs et les étangs. Les lacs et les étangs avaient une grande importance, la plupart appartenaient à des seigneurs religieux ou laïques qui les affermaient. Aux fermiers le soin d’entretenir et de contrôler les populations de poissons. Beaucoup vendaient des droits de pêche dans ces étangs et ces lacs, cependant pour éviter le dépeuplement, il existait des règles strictes sur les manières de pêcher, les périodes autorisées et sur la taille des poissons pêchés. Les rivières appartenaient à tout le monde, la vente de poissons rapportait des revenus appréciables. Là aussi les mêmes règles existaient, et là aussi il y avait beaucoup de braconnage.
Les pêcheurs professionnels construisaient des viviers le long des berges pour conserver les poissons , tels les anguilles et les brochets,  et les revendre plus tard. Charlemagne, dans le Cpitulaire de Villis, conseillait la création de viivers dans les domaines et la vente des poissons qui y étaient pêchés devait être faite par les intendants.
Lors de la migration des pissons: anguilles et civelles ou pibales, lamproies, aloses, saumons de grandes pêches étaient organisées. Les poissons étaient vendus frais, et séchés ou salés et pressés pour être vendus et consommés ultérieurement.


Manuscrit Bnf
En France deux régions riches en eaux douces, canaux et étangs ont développé un art de vivre pérène autour de l’exploitation des eaux.

La Brière
La grande Brière est située entre l’estuaire de la Loire et celui de La Vilaine, au nord de la ville de StNazaire et à l’est des marais salants de Guérande. C’est 40 000 hectares de tourbières et de roselières, d’îles et de levées, de canaux et de coulines, de marécages et de marais, des piardes et de prairies, de villages aux maisons aux toits de chaumes. Depuis longtemps ont y exploite la tourbe et les roseaux, on pratique la pêche et l’élevage.
Les briérons péchaient traditionnellement diverses espèces de poissons et tiraient sur les canards qui y foisonnaient. Que ce soit au carrelet, à la bosselle (nom que l’on donne aux nasses) ou à la fouine, anguilles et civelles étaient régulièrement pêchées et fournissaient une nourriture appréciée, cuisinée en matelote, cuite ou fumée au feu de bois. Le roi des poissons, le brochet, était prise plus exceptionnelle mais d’autant plus goûtée. Les poissons emblématiques de la Grande Brière : épinoches, perches franches, chevaines, tanches, brèmes, gardons, et rotangles assuraient la nourriture ordinaire des briérons. On pouvait aussi y trouver des espèces d’eau salée dans les zones occidentales comme le bar, la  plie, la sole, l’éperlan, le mulet, le gobi, le sprat, l’alose et la lamproie qui ont maintenant totalement disparues des eaux de Brière. Pour une population pauvre qui vivait des ressources du marais, ces poissons étaient une aubaine et le spectacle du pécheur dans son chaland relevant son carrelet, ses nasses, traquant l’anguille avec sa foëne était un spectacle quotidien.
Dans les marais s’était établi un équilibre biologique naturel avec une grande diversité des espèces
aquatiques et végétales qui servaient d’abris et de nourriture.
 

Carpe, manuscrit Bnf

La Dombes
Les hommes y ont créé une tradition de pêche originale qui s’est transmise et pérennisée permettant le maintien des activités humaines.
La Dombes est un plateau qui fut envahi par le glacier dit du Rhône à l’ère… glaciaire. Lorsqu’il se retira, il y a 25 000 ans quand la terre se réchauffa, il laissa derrière lui disséminées un peu partout dans ce qui allait devenir la Dombes des dépressions plus ou moins profondes recouvertes d’un dépôt d’argiles morainiques. Ces dépressions furent peu à peu remplies d’eau et la région devint alors un immense marécage insalubre. Il resta dans cet état jusqu’au XIème siècle, époque à laquelle les hommes et plus particulièrement des moines décidèrent à rendre plus prospère et viable cette région malsaine, infestée de moustiques et périodiquement la proie d’épidémies de paludisme. Les étangs les plus profonds, les leschères (qui signifient en parler local, endroit où pousse la laiche, une herbe aquatique) furent alevinées pour en faire des étangs piscicoles.
Mais auparavant les moines firent quelques travaux préliminaires nécessaires à la création d’une mise en valeur très originale du terrain. Les étangs ont été creusés dans les dépôts morainiques en
marquant une légère pente qui allait permettre l’écoulement des eaux lors de la vidange de l’étang. Car les moines ont mis au point une technique ingénieuse en pratiquant une alternance d’inondations et d’assèchements des étangs tous les deux ans. La période d’inondation fut appelée évolage et celle d’assèchement assec.
Ils inventèrent et fabriquèrent pour ce faire des thous : sorte de petite écluse que l’on relève
lorsqu’on veut vider l’étang. Ils creusèrent également sur un côté de chaque étang un bief très utile comme le verra.
Comment procède t-on ?
L’évolage
Pendant deux ans l’étang est en évolage, c'est-àdire qu’il est plein d’eau il sert à la reproduction et
à l’élevage des poissons, on l’appelle un étang de pose. Au bout de deux ans à l’automne a lieu une pêche réglée. L’étang est vidé, l’eau s’écoule par le thou qui est relevé et envahit le terrain d’à côté. L’eau se vidant, les poissons de réfugient tous dans le bief, un peu plus profond qui contient encore de l’eau.
Les pêcheurs s’organisent alors pour récupérer tous les poissons, ils utilisent un long filet lesté de plomb qui balaye le fond de l’eau. Ils déploient ce filet et le tirent tous ensemble en ramenant les poissons vers la rive. Alors, armés d’épuisettes, appelée arvaux, ils récupèrent les poissons et les déposent dans un grand baquet d’eau, les gruyères, d’où ils sont ensuite extirpés, triés, pesés et vendus. Les acheteurs sont des négociants qui les transportent vers les lieux de vente dans des camions viviers, mais ce peut être aussi des amateurs. Beaucoup sont envoyés à la coopérative et les plus gros sont vendus pour être consommés et les plus petits servent à repeupler les étangs inondés.
L’assec
Cet étang vidé redevient alors un champ qui s’assèchera complètement. Enrichi des déjections des poissons et des oiseaux aquatiques ainsi que par les plantes, engrais naturel, ce champ sert de pâturages ou est mis en culture, blé ou avoine et de plus en plus en maïs.
Et deux ans plus tard il est de nouveau remis en eau et le cycle continue.


Mots-clés : Technorati, Technorati

le 13.01.12 à 09:00 dans Histoire des aliments
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