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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La pêche à Rome

 

A l’ouest des romains, fous de poissons

Les romains étaient fous de poissons quelque soient leurs aspects et ils ne cessèrent d'inventer des plats et des manières de les transformer et de les déguster.  Pour cela il fallait organiser la production et les romais en bons adminisytrateurs s'y sont employés.

Avant l’arrivée des romains sur la péninsule italienne, les étrusques pratiquaient la pêche qui était une activité très bien organisée. La pêche au thon était l’activité principale du port de Populania d’après Strabon. Des restes de poissons (longues arêtes), de coquillages – moules et palourdes-, d’hameçons, de poids de filets et de harpons prouvent l’existence de cette activité même si d’autres preuves nous manquent pour savoir comment étaient pratiquée la pêche, vendu et consommé les poissons. 


Musée de Sousse

A Rome, les poissons, les coquillages et mollusques marins pêchés  à la ligne ou au filet dans la mer ou dans les rivières appartenaient au domaine sauvage au contraire des poissons semi-sauvages qui nageaient dans les viviers. Si les particuliers faisaient construire des viviers dans leurs villae dans lesquels nageaient les poissons qui feraient leur ordinaire lors ces repas, il existait une importante pisciculture pour alimenter les marchés de Rome. Les plus luxueux des viviers comme celui de Lucullus étaient reliés à la mer par des canaux ce qui permettait une alimentation perpétuelle en eau de mer. Les poissons de viviers comme les murènes étaient très coûteux et par conséquent réservé aux riches. Les plus pauvres devaient se contenter de poisson, séché ou en saumure ou des poissons du marché couvert, poissons de haute mer comme le thon dont les effluves faisaient souffrir l’odorat des chalands.


Mosaïque de Pompéi, musée de Naples

Il existait une importante flotille de pêche dans ce pays qui possédait une très large façade maritime. Les besoins en poissons étaient tels à la fois pour approvisionner les marchés urbains et les fabriques de salaisons et de garum que les fonds marins côtiers s'appauvrissaient en raison d'une pêche trop intensive. C'est pour cela aussi que la création de vivivers de grande taille fut nécessaire. Mais cela avait aussi une contrepartie, les poissons des viviers étaient nourris de petits poissons marins, des poissons qui ne grandissaient pas et ne se reproduisaient pas. Il n'existait pas de lois pour interdire la pêche de jeunes poissons et cela a provoqué un  déséquilibre entre l'offre et la demande. 

 

La cuisine du poisson
Les poissons frais en sauce les laitances de poissons, les terrines de poissons  étaient consommés lors de la cena alors que lors de la gustatio, des coquillages ou des huîtres, plus légers étaient préférés. Dans le hit parade des poissons, le rouget de roche venait en bonne place pour la qualité de sa chair et le spectacle qu’offraient ses écailles lorsqu’il mourait :
Pline, HN, IX, 66: « On le voit en extirpant passer par toute une variété de couleurs et se mettre, par la dégradation des teintes de ses écailles rouges, à pâlir, surtout si on l'observe dans une prison de verre. » Ils étaient cuits dans des vases en cristal à tout petit feu qui, tout en empêchant le cristal de se briser, permettait de faire durer l’agonie du rouget dont les couleurs se fanaient lentement. Les gastronomes prisaient les rougets de très grande taille, certains  ont atteint des sommes astronomiques lors d’enchères très disputées. Puis venait la daurade, la sole, le loup, turbot et esturgeons et les … murènes au sujet desquelles nombres de légendes couraient comme celle qui raconte qu’elles mangeaient des esclaves jetés vivants dans les bassins. En réalité, les poissons, murènes comprises, étaient nourris de petits poissons pêchés en mer par des pêcheurs. Les murènes étaient des poissons très appréciés : 6000 furent servies lors du repas du triomphe de César, provenant toutes du même élevage, ce qui laisse à penser que ces piscinaria devaient être de taille imposante.

On les apprêtait de sauces très relevées, très colorées dont certaines rappelaient le bleu de la mer dans laquelle ils nageaient peu de temps avant. Seiches et calmars farcis de cervelle ou de farces de viandes et de légumes. Il est vrai que la gastronomie romaine est tombée dans des excès et aimaient dissimuler la nature originelle des aliments. Les poissons n’y échappaient pas. Rien de comparable avec la cuisine ordinaire de la plèbe qui grillait et cuisait les poissons frais au court-bouillon, dessalait les poissons pour une cuisine simple et frugale.

 
Le garum


Amphore de garum, Pompéi

Le romain était accro au garum et sa fabrication était devenue une véritable industrie. Les grecs en consommaient comme un condiment et les romains en avaient fait leur arôme indispensable sans lequel la nourriture n’avait pas de goût. Le besoin en était tel que des centres de fabrication étaient disséminés tout autour de l’ouest de la Méditerranée de Cadix à Naples. Très souvent, les ateliers de production de garum étaient couplas à des établissements de salaison de poissons, ce qui semble assez logique puisque les ingrédients de base du garum sont les tripes, sang et œufs de poisson, surtout maquereau et anchois ou thon, le plus recherché, mis à macérer plusieurs mois dans le sel au soleil. Cela se transformait peu à peu en un jus épais et brunâtre. Tout au long de cette transformation des potions de plantes aromatiques balsamiques y étaient introduites apportant leur parfum. On plongeait un tamis dans ce liquide et à la louche on prélevait ce précieux « sirop » qui était conditionné. Le jus restant au fond appelé « alec » était de moindre réputation et réservé aux classes pauvres comme condiment. Il y avait des crus de garum comme des crus de vins très réputés qui pouvaient atteindre des prix faramineux. Les meilleurs étaient si concentrés que quelques gouttes suffisaient pour aromatiser un liquide ou un plat. Aux enchères, c’était le garum sanguinolent fabriqué à partir de sang et intestins de thon qui était le plus recherché et les plus réputés venaient du sud de l’Espagne, la Bétique. Il existait des ersatz de garum, moins cher tel la muria réalisé avec du poisson-chat pilé ou un garum allongé d’eau, l’hydrogarum beaucoup accessible aux bourses plates.

L’ajout de plantes aromatiques était nécessaire pour masquer l’odeur et conserver ce trésor alimentaire. Trésor car extrêmement riche en acides aminés, en sels minéraux et azote, un supplément alimentaire comme nous disons maintenant consommé dans les plats, la bouillie  quotidienne, les sauces et les bouillons. Il y avait de nombreuses fabriques de garum le long du littoral provençal et a donné le pissalat, un condiment culinaire séculaire.

 

Pendant ce temps, dans un village d’irréductibles gaulois, les poissons d’Ordralabétix et de son épouse Ielosubmarine étaient rarement frais. Conserver la fraicheur du poisson était un véritable problème ce qui explique le recours fréquent au fumage et au salage. Les gaulois habitant les bords de mer pêchaient le long des côtes, le thon et les muges en Méditerranée, le bar et la morue, etc. en Atlantique. Mais, en raison des nombreux cours d’eau qui parcouraient la vaste Gaule, ils aimaient particulièrement taquiner le goujon et autres poissons d’eau douce. Le pêcheur assis au bord d’une rivière sa canne à pêche à la main est un spectacle très ancien dans notre beau pays. L’image du Gaulois belliqueux et braillard en prend un sacré coup ! Les poissons d’eau douce étaient d’autant plus appréciés qu’étant pêchés et mangés quasiment sur place, ne se posait pas de problème de conservation.  


Comment ça, il est pas frais mon poisson!


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le 18.11.11 à 09:00 dans Histoire des aliments
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