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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La dune et la forêt

 La forêt des Landes, la plus grande de France, environ 1million d’hectares, est l’œuvre volontaire de l’homme afin de rendre riante et plaisante l’Aquitaine. Ce sont d’ailleurs les franges maritimes de cette « pinhadar » qui servirent à désigner cette région : les Landes. Si le pin maritime, espèce indigène, poussait déjà à l’intérieur du pays, en particulier sur les terres sableuses les mieux drainées, la lande océanique aux dunes assez élevées, était le domaine du vent, de l’eau et donc peu boisée. Les hommes y ont planté des semis de pins protégés par des feutrages de fagots qui vont fixerla dune. De plus les pins vont assainir les sols, buvant l’eau captive au-dessus de l’alios, couche imperméable de grès ferreux, qui favorisait l’apparition de marécages inondables et insalubres. Dune forestière qui, sur ses franges maritimes, se bat avec le vent et le sable pour vivre.

Quittons les dunes pour pénétrer dans cette forêt. Les futs des pins sont droits et alignés comme une armée au garde à vous. Les rayons du soleil tracent des lignes obliques entre l’horizontalité des branches et les troncs verticaux. Vaste géométrie emplissant l’air d’une lumière dorée qui roussit le tapis d’aiguilles de pins et d’herbes sèches. Peinture éphémère qui suit la course du soleil, œuvre pointilliste éclairée par l’éclat blanc des fleurs d’hélianthèmes. Les aiguilles des pins, caressées par le vent et baignées de lumière s’habillent d’un vert très doux. Ici, ni fougères, ni bruyères pour étoffer le sol, seules les touffes d’ajonc pointent leurs vertes branches, tels des balais.

Sur le chemin forestier qui mène à la dune, les pins se font de plus en plus rabougris à mesure que l’on se rapproche de la mer. L‘insidieuse invasion du sable qui crisse sous nos pas fait son œuvre. Le bruissement des tiges sèches, le frottement des branches les unes contre les autres se mêlent au grondement de la mer dans le lointain. Bruits si finement entremêlés qu’il est difficile d’en distinguer l’origine et d’ailleurs qu’importe, cette musique du vent berce notre imagination. Tout comme l’enivrant parfum de noix de coco des ajoncs et des genets convoquant un monde exotique laissant l’esprit vagabonder au rythme lent des pas.

Plus loin, des pins semblent escalader la dune, à moitié engloutis, les troncs tordus par des vents violents, les branches étendues au ras du sols, tels d’improbables bonsaïs faisant un pied de nez à Eole. Entrons dans un domaine onirique et mystérieux. Des buissons de genets sont une porte à demi ouverte vers un espace inconnu. Un monde sculptures étranges, de fromes torturées sorties tout droit des rêves d’un artiste bizarre. Branches tels des membres tordus, dos cambrés pour fuit le contact du sable. Le temps n’a pas encore patiné ces peaux végétales d’une teinte de vieux bronze. Encore un peu rugueuses et sauvages, certaines s’offrent à nos regards dans leur impudique nudité. Là cette posture d’acrobate, de contorsionniste, bras tendus vers le ciel dans une posture d’imploration. Là une bête étrange dont la queue se dresse comme pour signaler l’extrémité d’un corps invisible à nos yeux. Quel Monde surréaliste ! Un être facétieux semble être passer par là et a tordu arbres et branches pour créer un musée à la gloire de ses œuvres. Son imagination nous entraine à poursuivre en nous-mêmes ses délires, errant au milieu de ses créations sans titre. Tels des enfants regardant les nuages et y trouvant des ressemblances avec le monde vivant, nous cherchons dans les arbres couchés des formes qui nous sont familières. La Nature exerce ici son éternelle œuvre de dégradation et de décomposition, promesse d’une vie nouvelle et de régénérescence, la transformant en beauté, en œuvre d’art. Comme surgie des sables, une déesse forestière dévoile ses courbes au soleil, intermédiaire entre le monde chtonien et le monde céleste. A ses flancs un bien curieuse bête filiforme, ces formes douces sont-elles une invitation au repos, à la rêverie, à une pause délassante, protégée des ardeurs du soleil par ses frondaisons ou est-ce un arbre magique pour jeux d’enfants ? Le vent a sculpté ce personnage figé dans sa course. Il y a longtemps qu’il est là à voir sa peau lisse et creusée. Les fibres di bois tissent un vêtement aux plis élégants épousant lz corps de ce personnage énigmatique à tête d’oiseau. Dieu d’une civilisation ancienne, placé là par ses adorateurs. Où un être puni pour d’anciennes fautes et condamner à poursuivre sa course indéfiniment ? La gorge enflée par l’effort, il semble invité, par ce bras tendu, vers la dune, vers les chevelures des oyats qui s’accrochent à l’écorce des arbres vaincus par le sable.

Là s’offre à nos regards un monde nouveau à la végétation rase et clairsemée, domaine du vent et du soleil.

 

Pinhadar : nom gascon de la pinède.

 

 

le 17.09.21 à 16:26 dans Escapades
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