S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

La dune

 Durant quelques temps, je ne vais pas parler de nourriture, de vins, de produits, ni d’alimentation tout ce qui fait la particularité de ce blog, je vais publier un petit texte que j’avais écrit il y a quelques années sur la dune qui borde notre belle côte en Nouvelle-Aquitaine. Je viens de le retrouver et il m’a rappelé de belles promenades sur ce désert de sable ainsi qu' un travail d’écriture qui devait accompagner des photos pour un livre, un projet avorté.

La dune… celle du Pilat est la plus célèbre « 112 mètres de haut, 500 de large, 2,7 kilomètres de long, la plus haute dune d’Europe est recouverte par la forêt sauf en son sommet. »

Cette sèche description géographique voile une approche différente et surtout plus variée de cette montagne de sable. La dune du Pilat est un mythe dont la forêt serait le point d’orgue. Elle ressemble à un corps de femmes, offrant ses courbes girondes et douces à la caresse du soleil ou aux morsures des tempêtes. Poudrée de sable virevoltant, léchée par les vagues, elle se parfume de l’odeur des pins, de l’iode de la mer et de fragrances sauvages.

Etendue le long de l’Atlantique, elle prête ses flancs aux amoureux du soleil, aux enfants qui font la culbute en dévalant ses pentes. Elle admire sans fatigue les prouesses des surfeurs, les sillages des bateaux qui vont mouiller au Banc d’Arguin, les dentelles d’écume s’envolant sur les hauts-fonds. La dune ronronne au soleil, délaissant son autres flanc, domaine des amateurs d’ombre, de silence et de tranquillité.



Source: wikipedia

Lorsque, lasse d’admirer cette étendue liquide, elle se tourne vers la terre, un autre océan s’étend à l’infini. La forêt des Landes ! Une immensité d’arbres verts qui ondule selon les courbes du sol. Les crêtes des arbres moutonnent comme l’océan de l’autre côté, balançant leurs branches au rythme du vent. La rumeur des frondaisons, le craquement des branches répond aux grondements de l’océan, aux ahanements des vagues. Ces immenses étendues de sable et de verdure, immobiles mais toujours changeantes, offrent au promeneur le silence et la solitude.

Quand on gravit cette dune un matin pour la première fois, c’est comme fouler une étendue neuve au premier matin du monde. Du sommet de la dune, on domine le monde tel un géant qui contemple son univers. Des bateaux, ces minuscules esquifs ? Des maisons, ces petits pointillés sur le vert des arbres ? De cette hauteur, la mer se pare de l’aigue marine des gouffres insondables, une allure calme d’eau endormie alors que, si l’on dévale la pente surplombant l’océan, à hauteur humaine, celui-ci prend alors un tout autre aspect. Ce n’est plus cette étendue sombre, plate et calme, mais une mer agitée qui lance ses rouleaux à l’assaut des plages. Sa robe, turquoise pâle, est griffée par l’écume des vagues qui se brisent, roulent et s’allongent sur le sable qui s’assombrit à leur contact.

Après avoir triomphé de cette montagne de sable, quand victorieux et essoufflé, on s’arrête au sommet, notre persévérance est récompensée par la grandeur du panorama qui glisse vers le sud, vastes espaces désertiques qui appellent à l’aventure : le soleil dessine des falaises et des à-pics, des arêtes et des combes, des allures de grande montagne. La forêt semble sortir du ventre de la dune, une sœur siamoise sombre, aux ondulations plus douces, aux « trucs » moins hauts. Mais cette osmose n’est pas réellement telle qu’elle parait. Dune et forêt se combattent inlassablement et les traces de leurs combats sont nombreuses : cascades de sable, squelettes d’arbres, troncs engloutis dont seuls des branchages verts émergent : poumons verts qui donnent souffle et vie à l’arbre. Bataille infinie entre le sable et les arbres, chacun luttant pour ne pas être vaincu par l’autre. Le sable dégringole sur les arbres qui restent debout, vaillants défenseurs qui résistent malgré leurs blessures. Les avalanches de sable sont le signe d’une activité sans cesse renouvelée : le sable glisse le long de la dune comme il file entre nos doigt, symbole implacable de la fuite du temps dans un décor qui semble éternellement figé et immobile.

Et puis de l’autre côté la civilisation est là : le Bassin d’Arcachon, les plages du Pyla et du Moulleau, les villas cachées dans les arbres, la blanche pointe du Cap-Ferret comme un doigt pointé vers l’ouest que l’on pourrait presque toucher du doigt tant les distances semblent abolies. La mer remuée par de puissants courants qui rendent dangereuses les passes et modifie sans cesse les contours du banc d’Arguin, refuge des oiseaux migrateurs et des bateaux, des huîtres qui y grossissent, nourries des claires eaux de l’océan qui s’étire vers l’horizon, étendue tranquille, ponctuée des éclats du soleil sur ses vagues et des rouleaux se brisant sur le sable.

Lorsque l’aurore réveille la nature, réchauffant sable et arbres, laissant le parfum des pins se mêler à l’haleine iodée de la mer, c’est le spectacle des beautés éternelles : les passes comme des huis protecteurs, la dune tel un sablier géant entre l’Adour et la Gironde. La lumière du latin, douce et rasante, fait ressortir des reliefs insoupçonnés qui laisse au promeneur solitaire une impression de bout du monde, le réveil d’un monde lointain aux confins de ses rêves et des souvenirs brumeux des noms égrenés durant les cours de géographie : Sahara, Gobi, Namibie... Il se sont si petit au cœur de cette splendeur à l’instar des voyageurs curieux partis à la recherche des mondes ignorés. Un monde ignoré, c’est peut-être bien cela. Qui connait vraiment cette bande de sable ? Que sait-on de ces chemins, couverts de brandes ou de planches, empruntés pour se rendre à la plage, de ces enclos fermés qui délimitent l’horizon ? A bien y réfléchir pas grand-chose.

Il faut pénétrer lentement, l’œil aux aguets et l’esprit neuf dans ce pays et dunaire et, comme Alice, passer de l’autre côté du miroir, là où rien ne se montre de la même manière. Peu à peu alors, ces immensités floues prennent du relief, livrent leurs secrets et dévoilent les tréfonds de leurs mystères, nous laissant face à notre petitesse.

 

Truc : nom gascon désignant une éminence, une dune

le 08.09.21 à 00:40 dans Escapades
- Commenter -

Partagez cet article


Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR