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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La découverte du Pain

Le pain et le vin sont les piliers de la nourriture des hommes jusqu’au 20ème siècle ce qui donne à ces aliments un caractère sacré, tellement sacré qu’ils tiennent une place importante dans les cérémonies religieuses et que longtemps on traça une croix sur le pain avant de le couper. Tellement important qu’une foule de maximes ou de proverbes montrent la primauté du pain sur les autres aliments et même l’angoisse de manquer de ce pain vital :
 « Gagner son pain à la sueur de son front », « Manger son pain blanc le premier », « Après le pain blanc, le bis ou la faim » qui montrait le manque qui devenait parfois la famine : « Long comme un jour sans pain ».
Un homme peut être « bon comme du bon pain » ou « grossier comme pain d’orge », s’ « il va à la boulangerie, il mange son blé en herbe » et s’il est trop dépensier « il prend des miches dans la fournée ». Il y a ceux qui « ôtent le pain de la bouche » et ceux qui préfèrent « courir à la miche plutôt qu’au médecin ». Et les vantards qui « promettent plus de beurre que de pain » dont il convient de se méfier.
Il fallait toujours poser le pain à l’endroit, sinon ça portait malheur,  ne jamais jeter le pain. Il était si précieux que le pain perdu c’est à dire trop sec pour être mangé devint un dessert savoureux trempé dans le lait et frit et les puddings étaient une manière gourmande  d’utiliser les restes du pain de la table.
Le pain n’est pas un aliment comme les autres, quasiment tous les pays du monde ont une tradition de panification quelque soient les formes que prennent les pains quotidiens de l’humanité.

 

Plaque en terre pour cuire le pain, Pakistan

Le pain des origines.
Le pain des origines est une galette de pâte non levée. Où et quand les hommes eurent l’idée de faire du pain ? Dans la région du croissant fertile et en Amérique du sud, là où les céréales poussaient naturellement, les premiers pains sont apparus au Paléolithique supérieur. La période est longue, je vous le concède et l’évolution fut lente du passage de la bouillie à celui de la première galette cuite sur des pierres. Les premières meules qui ont été trouvées datent de – 11 000 ans, en Amérique et au Moyen-Orient. Il en fallut du temps, en effet, entre les premiers grains grillés et le tamisage et les premières meules. Entre les pierres chaudes et les fours creusés dans la pierre, entre les grains ramassés dans des prairies sauvages et les épis coupés avec des faucilles dans des champs cultivés. On sait que 10 000 ans avant J-C les habitants de Jéricho créèrent le premier blé non brisant qui donnera l’amidonnier et l’engrain  8000 ans avant notre ère,  et  les premières moissons eurent lieu en Dordogne avec des faucilles de pierre.  A partir de là, tout peut commencer, tout va évoluer.
Les premières céréales, dans la nature, laissent tomber à terre, une fois mûres, les graines qui se ressèment elles-mêmes. Mais quelques graines restent accrochées dans l’épi le rendant stériles. Les hommes du paléolithique, qui étaient malins, plutôt que de ramasser les grains tombés à terre, préféraient cueillir ceux qui étaient restés sur l’épi, c’était quand même moins fatigant et plus rapide. Ils semèrent ces graines et obtinrent des céréales plus productives, plus résistantes et surtout dont les graines ne s’envolaient pas au premier vent qui soufflait, finies les céréales brisantes. Vivent l’engrain et l’amidonnier et l’orge « à deux rangs » qui donnèrent en se croisant avec des céréales sauvages l’épeautre et le blé tendre. Peu à, peu, ces blés conquièrent l’Europe méditerranéenne et centrale, et d’autres céréales firent de même à la même époque en d’autres lieux, maïs en Amérique, mil en Afrique, millet en Asie et Afrique et riz en Asie. C’est ainsi que naquirent la civilisation du blé, celle du riz et celle du maïs.  Avec leur dieux tutélaires, leurs mythes, leurs pratiques agricoles et les diverses méthodes de panification.



Boulangerie en Egypte

Les premiers boulangers
Le blé devint ainsi indispensable à l’existence des hommes car c’est la céréale qui se prête le mieux à la panification en raison du gluten qu’il contient. La panification représente un progrès considérable dans l’histoire de l’alimentation humaine. L’homme commença par se nourrir de bouillies en mélangeant des grains entiers ou écrasés plus ou moins grossièrement avec de l’eau. Parfois cette bouillie fermentait et c’est ainsi que l’homme découvrit la bière. La bière n’est d’ailleurs pas sans relation avec le pain, avant que le vin ne la détrône, bière et pain étaient les aliments de base. En Egypte, par exemple, le salaire journalier d’un ouvrier agricole était de 3 pains et 2 cruches de bière, la bière assez épaisse et nourrissante tenait lieu d’aliment. Revenons à notre pain, les premiers pains étaient des galettes de pâte non levée que l’on faisait cuire directement entre deux couches de cendre chaude. On les fabrique encore dans différents pays sous le nom de nân, chapati, ekme, tortilla, sirip, lavûsh, etc et elles sont cuites directement sur des pierres ou des moules de pierre ou de fer, parfois dans des poêles, comme le firent les égyptiens. 
Tant que les hommes furent nomades, ces pains pouvaient se faire et se cuire n’importe où du moment qu’on trouvait du combustible et la tradition continua lorsqu’ils devinrent sédentaires. Ce qui fait que ces pains coexistent avec des pains levés encore maintenant en Orient et au Moyen-Orient. C’est la maîtrise de la fermentation, découverte par les Egyptiens, qui permit aux peuples de la bière, les égyptiens et les assyriens, de préparer du levain  pour l’incorporer à la pâte et la faire lever. La fermentation panaire est une fermentation alcoolique provoquée par l’action des ferments qui transforment les sucres présents dans la pâte en alcool et en CO2. Les ferments peuvent être des levures sauvages ou de la levure de bière. La  fermentation traditionnelle avec des levures sauvages est plus lente mais donne un pain plus savoureux, séchant moins vite.
Nous connaissons mal les pains de l’Assyrie, galettes épaisses cuites dans des vases de terre fermés, en revanche les égyptiens ont laissé de nombreux témoignages de leurs techniques boulangères. Ils fabriquaient 15 sortes de pains différents selon des techniques qui se cessèrent de s’améliorer, au fur et à mesure des progrès techniques et de la sélection des blés qui permirent d’obtenir de meilleures farines panifiables avec la bonne quantité de gluten. Ils broyaient les grains entre  deux pierres, pétrissaient longuement la pâte.  Ils cuisaient leur pains soit sous forme de galettes, soit dans des moules coniques en terre cuite, sorte de fours en miniature, qu’on empilait le uns sur les autres en forme de double cône pour les cuire d’abord autour d’un foyer, puis dans des fours. Ce sont eux qui inventèrent la boulangerie et c’est d’ailleurs pour cela qu’Hécatée de Milet, 500 ans avant notre ère,  appelait les égyptiens les mangeurs de pain.

Le pain azyme des Hébreux

Les hébreux avaient certainement appris la fabrication du pain levé auprès des égyptiens auprès desquels ils vivèrent le temps de leur exil. Lorsqu'il quittèrent l'Egypte avec Moïse, ils célébrèrent une fête une Pâque, le 15ème jour du mois de Abib, le mois des épis. Ils sacrifièrent donc des chevreaux et des agneaux et les firent rôtir au feu, les mangèrent "avec des azymes et des herbes amères".
Les azymes sont des pains non levés qu'on appelle encore aujourd'hui le pain des Bédouins. Ce sont des galettes faites d'une pâte vite cuite sur des braises ou sur une plaque chaude parce qu'ils n'avaient pas le temps d'attendre que fermente la pâte préparée avec du levain. Ceci est lié à la 10ème plaie d'Egypte, la mort des premiers-nés. Lorsque Yahvé frappa tous les premiers-nés dans le pays d'Egypte et qu'ainsi Paharon renvoya Mooïse et son peuple ainsi qu'il lui avait déjà demandé. "Le peuple emporta sa pâte avant qu'elle n'eut levé, leurs pétrins serrés dans leurs vêtements, sur l'épaule."Exode 12, 34.
La fête des Azymes fut ensuite une fête agricole que les Israélites obsévèrent après leur installation en Plaestine. Au début du printemps, on offre la première gerbe qui ouvre le temps de la moisson des orges. Durant cette fête, il est préconisé: " Pendant 7 jours, il ne se trouvera pas de levain dans vos maisons, car quiconque mangera du pain levé cette personne-là serait retranchée de la communauté d'Israël... Vous ne mangerez d'auciun pain levé; dans tos les lieux où vous habiterez vous mangerez des azymes" Exode, 12, 19-21.
On mange du pain fait avec des grains nouveaux, sans levain, c'est à dire sans rien qui vienne de l'ancienne récolte, c'est un recommencement. Dans l'usage rituel, l'élimination du levain, considéré ciomme un agent de corruption et de désagrégation, prend le sens d'une purification de tout ce qui est impur, donc mauvais. Le recherche et la destruction des levains qui demeureraient dans les maisons débutent la célébration de la Pâque. Parce que le terme Pâque, du grec pascha, signifie fléau, il s'agit d'un châtiment envoyé par Yahvé, manifestation du courroux divin. La célébration de la fête des Azymes est toujours observée en mémoire de la sortie d'Egypte du peuple des Hébreux.

 Si,les premiers chrétiens partagèrent lors de la communion du pain levé, on opta plus tard pour du pain azyme; le pain levé fut conservé seulement pour la distribution du pain béni offert par une famille de la paroisse.  


Mots-clés : Technorati

le 03.03.08 à 18:14 dans Histoire des aliments
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