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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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La crème fraîche

Le mot crème évoque le velouté, l’onctueux, cette mousse aérienne qui accompagne les fraises et tous les fruits rouges et qui remplit les pâtisseries, les cuillerées qui veloutent les potages et les sauces, le doigt trempé dans la crème du lait qui surnage en haut du pot à lait. Souvenir d’enfance, de plaisir volés, de gourmandises. 

Le mot lui-même provient du mariage de deux anciens mots, l’un venant du latin ecclésiastique : chrisma qui à évolué en chrême et, sous l’influence du vieux gaulois : crama, s’est francisé en crème. Le mot chrême est resté dans le langage religieux et désigne l’huile bénite destinée aux onctions lors des consécrations et de certains sacrements. Etymologiquement la crème a donc un prestige remarquable que sa couleur blanche et son onctuosité augmente encore.  
Ceci se confirme en cuisine comme en pâtisserie où le mot crème désigne les préparations aux textures savoureuses, onctueuses, fines : crème d’asperges, crème de riz, crème de cassis, crème anglaise  Qu’est ce donc que cette substance tirant entre le jaune et le blanc qui repose à la surface du lait et qui attire les doigts gourmands et les petites cuillères qui y plongent avec bonheur ? C’est un agrégat de petit lait et de molécules de matières grasses plus légères que l’eau qui remonte donc à la surface du lait. Dit comme ça, c’est beaucoup moins attirant !
Dès que les hommes ont trait leurs vaches, brebis, chèvres, chamelles, yack, juments et ânesses et qu’ils ont laissé reposer ce lait dans un pot ou dans une coupe, ils y ont trouvé une belle couche de crème. Dans les pays chauds tout autour de la Méditerranée, on ne la prisait guère sans doute à cause de sa fragilité. La crème, en effet, résiste mal aux attaques des bactéries, microbes et levures qui profitent de la chaleur pour se développer. Par contre, dans les pays du nord de l’Europe, les Vikings, les Celtes et les Germains l’appréciaient. Là un climat plus frais permettait de conserver une semaine à peu près la crème du lait. D’ailleurs, il est significatif qu’à l’intérieur même de notre hexagone, crème signifie Normandie et Bretagne.

Peu à peu, la crème a fini par séduire bon nombre de français. Au Moyen Age, la crème est encore absente des recettes, à partir de la Renaissance, elle entre dans la composition de desserts parallèlement à l’apparition du sucre et des fruits : choux à la crème, tartelettes, entremets. L’intérêt pour les douceurs et les sucreries marque l’entrée des desserts dans les livres de cuisine. Et qui dit desserts dit souvent crème. On faisait de la crème fouettée depuis la Renaissance, l’époque de Catherine de Médicis, célèbre gourmande et d’une bonne tenue à table. On trouve dans un livre de cuisine, daté de 1650, une crème battue avec des branches de buis ou d’osier. En voici la recette si vous voulez essayer :
Cresmes façonnées, Si vous vous fouettez la cresme avec des verges, et que vous adjoustez un peu de blanc d’œuf elle s’entretiendra en neige fort légère, la hauteur de plus d’un demy pied de haut dans le plat ; pour la conserver longtems en estat, il faudroit mettre dessous une mie de pain blanc pour attirer l’humidité qui fondoit la neige.

Au 18ème, on se régale de tartelettes à la crème, et avec Carême, la pâtisserie acquiert son heure de gloire et la crème y participe. Cependant, c’est au 19ème siècle que la crème gagne ses lettres de noblesse dans les sauces et les pâtisseries car sa consistance permet les liaisons. Pourquoi ce succès soudain ? Grâce aux transports devenus plus rapides et permettant l’approvisionnement des villes dans des délais plus courts. Du coup, la crème peut se trouver sur les étals des marchés et être conserver sans que son goût soit altéré. A cela, les progrès techniques comme la réfrigération puis, plus tard, la mise au point de l’écrémeuse-centrifugeuse vont permettre la consécration de la crème auprès de tous les gourmets. 
Le 19ème siècle est le siècle de la cuisine bourgeoise dont les sauces, les liaisons et les desserts. Symbole de nourriture riche, de prospérité, de bonne cuisine, la crème continue de nos jours à être très appréciée car elle allie le goût de l’onctueux, du moelleux à une faible teneur en calories, plus basse que le beurre. C’est la moins calorique des matières grasses, jamais plus de 325 Kilocalories par 100 gr. On l’utilise moins pour lier mais davantage pour la pâtisserie et en remplacement du beurre dans les potages, les pâtes, etc. 


Mots-clés : Technorati

le 18.04.06 à 10:47 dans Histoire des aliments
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