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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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L'origine des cafés en Fance

Les premiers cafés ouvrent à Paris en même temps que les fèves de café et la boisson que l’on fabrique avec arrivèrent dans l’hexagone. C’est assez logique et cela se passait au XVIIème siècle. Tout se suite, on opposa les buveurs de vin aux buveurs de cafés, les premiers fréquentaient à cette époque les cabarets, les seconds « les maisons de café » qui raccourcirent leur nom en « Café » et l’on y boit maintenant autant de petit noir que de ballon de rouge.  

 

Les cafés à Paris

1644, les premières fèves de café firent leur apparition en France, cinquante ans plus tard le café a conquis les palais des français ainsi que leur esprit grâce à quelques voyageurs audacieux dont un certain Sieur de la Roque qui, de manière fort opportune,  ne se contenta pas de vendre les grains de café mais avaient également rapporté les ustensiles indispensables à la confection et à la dégustation de ce breuvage à des fins d’éducation de sa clientèle. Les aristocrates qui voulaient épater leurs amies se disputaient les « faiseurs de café » italiens. Les italiens étaient déjà célèbres pour leur café !

 

La folie du café et les premières maisons de café

Le café faisait fureur il était de bon ton de boire le Kavé ou Kaw. Il faut dire que les émissaires de la Sublime Porte avaient répandu l’usage du café en séduisant tous les sens des consommateurs. Pour cela « de jeunes et beaux esclaves, habillés d’un riche costume turc, présentaient aux dames des petites serviettes damassées garnies de franges d’or et servaient le café dans des tasses de porcelaine fabriquées au Japon » relate Lefèvre d’Ormesson. On se sait si les dames en question succombaient au café ou aux charmes virils des beaux esclaves, mais avec de tels arguments, ce fut un engouement, une vraie folie et très vite la mode se répandit dans la « bonne » société d’offrir du café lors des réceptions. Car il fallait dépenser des sommes plutôt élevées pour boire son café, imaginez que la livre se vendait 80 francs dans la maison de café que Jean de Thévenot  avait ouvert à Paris.

Les bourgeois récupérèrent à leur profit cette nouvelle mode en ouvrant des boutiques où ils vendaient du café. Le café était vendu en grain et utilisé aussi comme une drogue, dans le sens de médication.  Car des médecins s’étaient penchés sur le café, considérant les avantages et les inconvénients de la consommation de café dans un savant « Traité de l’usage du Caphé, du Thé et du Chocolate » (on était pas encore vraiment fixé sur l’orthographe), certains poètes avait décidé de ses qualités, tel  Subligny qui versifia sur le Kavé
« Qui guérit en moins d’un avé
Quand le reste ne peut guérir en une année
 »

C’est à Marseille en 1671 que l’on vit la première boutique de liqueur de café ouvrit et à Paris les maisons de café ouvrirent leurs portes sur la rive gauche, dans le quartier de la foire St Germain et du carrefour de Buci.

Jean Leclant écrit dans un article publié en 1951 dans l’AESC : «  L’usage habituel de servir à l’intérieur de Paris du vin frelaté a été une des causes dans le dernier quart de XVIIème siècle, du succès des cafés à Paris. La consommation de café n’a pu se faire qu’au dépens de celle du vin […] A Paris même, on ne peut attribuer au hasard le fait que vers 1672-86, les premières maisons de café dont la clientèle est d’abord populaire, se soient trouvées sur la rive gauche de la Seine, à la foire St germain et aux abords du carrefour de Buci, dans une partie de la ville où il était le moins facile d’atteindre, à cause de la distance, et du détour à faire pour franchir l’eau, les guinguettes dont le nombre s’accroissait rapidement dans les quartiers périphériques de la rive droite…. »

 

Procope et Grégoire inventent « Le Café »

Maliban, un arménien, ouvrit une « maison de café » rue de Bussy dans laquelle, outre le café, il vendait d’autres nouveautés tels du tabac et des pipes pour fumer à la mode orientale. Pour d’obscures raisons, il quitta la France et son commis, Grigor reprit l’affaire et eut une idée de génie. En 1680,  il transporta la maison de café à côté de la Comédie Française, située rue des Fossés St Germain,  dans laquelle les serveurs, jeunes et beaux, étaient vêtus de costumes orientaux. Dramaturges, comédiens et gens de lettres prirent l’habitude de se réunir Chez Grégoire, car l’homme avait francisé son nom, autour d’une tasse de café en porcelaine pour parler, causer, discuter. Le café littéraire était né. Très vite la clientèle s’élargit aux ecclésiastiques, aux  nobles, aux bourgeois et aux couples qui voulaient se rencontrer dans un endroit discret.

Procope était un des faiseurs de café que les parisiens chérissaient. Son nom de naissance était Procopio qu’il avait fait modifier en Procope, lorsqu’il avait été naturalisé français.  Procope débuta comme commis d’un certain Pascal qui, associé à un comparse nommé Logerot, avait loué une loge à la Foire St Germain, pour vendre des boissons et du café. Il était enregistré comme « distillateur-limonadier », titre qui lui permettait de fabriquer et de vendre du café sous toutes ses formes : en grains, en poudre et en boisson. Il décida de démanager en 1686 et d'ouvrir une boutique, rue des Fossés St Germain, qu'il appela le « Café Procope », un très vaste local qu’il avait aménagé d’une manière nouvelle et qui fut ensuite imitée devennant le style même des cafés : petites tables de marbre entourées de chaises, lustres de cristal au plafond, miroirs, glaces et tableaux et tapisseries aux murs. Un endroit clair, vaste, agréable et plutôt chic qui tranchait avec les estaminets sombres et enfumés. Son café fut vite le lieu à la mode où les gens chics se retrouvaient pour déguster du café et discuter. Les grands esprits de l’époque, les Fontenelle, Diderot, Voltaire, Beaumarchais, Marmontel, d’Alembert aimaient s’y retrouver pour boire cette « ombre liqueur puissamment cérébrale » autour de laquelle ils devisaient de concert de philosophie et de politique, rejoint parfois par des confrères d’outre manche comme Swift ou d’Amérique comme Jefferson et Benjamin Franklin. Les discussions devaient y être aussi passionnantes qu’animées.


 

Ces innovateurs furent imités et les Cafés devinrent très vite des concurrents des tavernes et cabarets où St Amant venait chercher l’inspiration
« Dans le doux chant des orgies,
Dans l’éclat des trognes rougies 
»

Point de cela dans les nouveaux cafés, lieu de rendez-vous des honnêtes gens et des gourmands qui venaient se désaltérer de boissons délicates et discuter calmement. Comme leur permettait le statut de distillateur-limonadier, Procope et ses confrères servaient également des bons vins et toutes sortes de liqueur tellement prisées à l’époque. Les verres de rossoly, de populo, de rosée du soleil et liqueur du parfait amour côtoyaient sur les tables les tasses de café, de thé ou de chocolat, pais aussi des verres d’eaux de gelées, des coupes de glaces et des fruits à l’eau-de-vie.

Venait y boire bien sûr une clientèle très variée. On y rencontrait des personnes seules venues lire les journaux, des groupes d’amis discutant de l’actualité culturelle ou politique, d’autres jouant aux échecs ou aux cartes, des femmes venues déguster cette boisson nouvelle qui « avait leur faveur car elle n’enivrait point », des amoureux désirant se rencontrer incognito. Une faune hétéroclite et élégante d’intellectuels, d’hommes politiques, de bourgeois et d’étudiants, de femmes du monde et de comédiennes, de jeunes et de vieux.

Comme nous le disions plus haut, le quartier de St Germain fut le quartier des cafés où des émules de Procope ouvrirent d’autres cafés :

  • Le Café Laurent à l’angle de le rue Dauphine et de la rue Christine
  • Le Café d’Etienne d’Alep, rue St André des Arts
  • Le café du Parnasse et le café Gradot, quai de l’Ecole
  • Le café Burette, un des préférés des écrivains

Pour avoir le privilège de vendre du café, il fallait payer au Trésor une taxe annuelle de 30 livres. Moyennant quoi on pouvait vendre aux clients des tasses de café pour 3 sols et 6 deniers ou une livre de café en grains ou en poudre pour 4 francs la livre.

 
De face et de gauche à droite: Condorcet, La Harpe, Voltaire, la main levée, Diderot

Des lieux qui sentent le soufre.

Au siècle suivant, les cafés étaient toujours aussi populaires et nombreux, il y en aurait eu 3000 à Paris. Les femmes qui ne pouvaient tenir salon s’y retrouvaient, les hommes de toutes origines venaient y discuter et apprendre les nouvelles du monde. La police surveillait de près les cafés où les discussions politiques allaient bon train. Cela n’empêchait pas la convivialité d’y régner et dans d’autres quartiers de Paris les cafés ouvrirent leurs portes. En particulier autour du Palais Royal qui appartenait au duc d’Orléans. Dans ce périmètre, les cafés foisonnaient : le café de Foy, le Caveau, le café de Chartres, le café des Mille Colonnes, Le café Mécanique, le café des Aveugles où joue un orchestre d’aveugles, le café Very.  Les discussions politiques y étaient  nombreuses et autorisées car le duc d’Orléans interdisait à la police de se montrer dans ce quartier. Les oreilles du roi devaient siffler souvent ainsi que celles de nombreux hommes politiques.

Lors de la Révolution Française, les cafés furent des lieux de harangues et d’appels à l’action. Chaque courant révolutionnaire avait élu son café qui servait de lieu de réunion politique. Les Jacobins tenaient tribune au café Hottot, les montagnards au Canon des Invalides, les tenants de Robespierre au Café Militaire et tant qu’ils gardèrent la tête sur leurs épaules, les royalistes au café de Chartres.

 

Les cafés, lieux de discussions littéraires et politiques, étaient des lieux de convivialité élégante et policée. Ils ont créé une nouvelle forme de sociabilité et permis des échanges impossibles ailleurs en rendant possible un mélange, un brassage des classes sociales, en raison du prix très modéré des consommations. On peut avancer que le café futt lié à la diffusion des idées nouvelles, d’une autre forme de rencontres et d’échanges. De tous les cafés d’avant la révolution, seuls le Café Procope et le Café de la Paix existent encore. Au siècle suivant les cafés se multiplieront encore avec la poussée démographique, une autre culture y naitra, mais ceci est une autre histoire.

 

Sources.
J.Leclant, AESC, 1951
J.C Bologne, Histoire morale et culturelle de nos boissonsImages : Wikipédia

 

Mots-clés : Technorati

le 19.01.11 à 09:00 dans Autour de la nourriture
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