S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

L’évolution de la gastronomie à l’époque classique.

 Nous avons vu dans le précédent article comment la période de la Renaissance a été féconde pour la gastronomie qui trouve alors un nouveau souffle et un début de théorisation des recettes. Les siècles qui suivent jusqu’à la révolution française vont continuer cette modernisation et cette évolution de l’art culinaire qui voit des nouveautés techniques et scientifiques modifier profondément les comportements et les habitudes culinaires. Si la vulgarisation de la fourchette est bien connue, celle de la profonde modification des systèmes de cuissons va bouleverser la préparation des plats qui tendent vers davantage de simplification.

Comment les inventions et idées nouvelles modifièrent l’art culinaire en France.

Le potager

Il ne s’agit pas ici du jardin dans lequel on cultive les légumes mais de l’ancêtre du fourneau dont ce dernier s’inspira.  Les grands potagers se trouvent dans les cuisines des grandes maisons et des maisons bourgeoises et ceux de taille plus petite dans les cuisines plus modestes. Nous avons vu dans l’article précédent sur le dessin des cuisines qui illustre l’ouvrage de B. Scapi, des rangées de fourneaux sur lesquels cuisaient des petites marmites. Ce fourneau va s’améliorer et devenir le potager qui est une grande révolution dans l’art de cuire les aliments avec concomitant avec l’utilisation des casseroles en cuivre.

Source wikipedia, cuisine du château de Balzac en Charente.

Diderot écrivait dans l’Encyclopédie et 1763 que le potager était « un meuble indispensable pour la cuisson des ragoûts », la possibilité d’y cuire plusieurs préparations en même temps, de cuisiner séparément les viandes ou poissons et les légumes consistait à une révolution en soi. Dorénavant toute cuisinière ou cuisinier, pouvait faire mitonner un ragoût tout en faisant cuire des légumes dans une autre casserole et préparer une sauce dans un caquelon. Le potager, pièce maçonnée, ne pouvait être présente que dans une cuisine, une pièce dédiée à la  cuisine, qui se répandit au XVIIe et surtout au XVIIIème siècle. Cuisiner à hauteur d’homme dans des récipients qui pouvaient cuire séparément a été une vraie révolution pour les cuisiniers et cuisinières.

A la fin du XVIIIème siècle, un lorrain, mécanicien de son état, un certain Mr Lavocat, mis au point une cuisinière portative au charbon, entièrement réalisé en métal. Elle préfigure les cuisinières du siècle suivant qui révolutionnèrent la manière de cuisiner.

Le beurre et la cuisine à la bourgeoise

Ce potager fut l’allié du développement de la cuisine au beurre et c’est ainsi que naquit la cuisine bourgeoise, une cuisine au beurre et friande de sauces liées. Mais tout ceci ne fut possible que grâce à l’évolution des ustensiles de cuisine : casseroles, poêles et poêlons fabriqués en cuivre puis en fer blanc, moins coûteux et plus maniable. Les manières de cuisiner « à la bourgeoise » se développèrent, il s’agit ni plus, ni moins que de faire revenir des légumes dans du beurre avec des petits oignons.

La cuisine au beurre coïncidait avec un goût nouveau pour les goûts plus simples. Et chose curieuse, alors que le prix des épices baissait du fait que les français avaient enfin brisé le monopole hollandais du commerce des épices, les français, et surtout les élites, se désintéressaient de celles-ci dont la  vulgarisation n’en faisait plus une denrée de luxe. Les seules épices qui  tirèrent leur épingle du jeu furent l’indispensable poivre, les clous de girofle et la muscade.  La grande nouveauté de la cuisine bourgeoise ce sont les sauces qui font encore partie intégrante des plats. Qu’il s’agisse d’un roux ou d’une réduction à partir du jus de cuisson. La mie de pain est remplacée par de la farine ou des œufs pour les liaisons des sauces. L’utilisation importante des épices est remplacée par des méthodes et des savoir-faire liés aux nouveautés techniques. Les prouesses techniques des cuisiniers remplaçaient les produits exotiques.

Gutenberg et la diffusion des recettes

Source : books, google.com

Tout cela était possible grâce à la diffusion des livres de cuisine. L’invention de Gutenberg a permis aux cuisiniers de répandre leur savoir. Les livres de cuisine furent beaucoup plus nombreux et destinés à un lectorat différent : la bourgeoisie. Menon publia en 1745 « La  Cuisinière bourgeoise ». Après « Le Cuisinier François » de La Varenne et « Les Délices de la campagne » de Nicolas Bonnefons, la bourgeoisie possédait ses livres de cuisine, destinés aux cuisinières des maisons bourgeoises qui proposaient une cuisine simple qui posa les principes de la cuisine française. Ces livres sont également riches en conseils pour installer une cuisine et choisir le bon matériel, en préceptes et en tour de main qui facilitent la réalisation des recettes autant pour les cuisinières expérimentées que les novices.

Le résultat est une extension de l’intérêt pour l’art culinaire et la gastronomie dans toutes les couches sociales. L’art culinaire n’est plus réservé à l’élite.

Malpighi et la découverte du goût

Un médecin italien, Malpighi (1628-1694), un grand utilisateur du microscope, découvrit le rôle les papilles gustatives et des muqueuses ce qui lui permit d’expliquer comment se formaient les sensations gustatives. Cette découverte ne se contenta pas d’être un sujet de conversation autour d’une table, cette découverte du rôle des papilles gustatives et un nouvel art de la table influencèrent la cuisine de l’époque classique. Le goût des aliments devint une chose importante, et surtout la redécouverte des qualités gustatives de chaque aliment. Il devint alors superfétatoire de masquer les goûts par des artifices. Les cuisiniers préfèrent les plats simples qui mettent en relief la saveur des mets. Ces découvertes renforcées par l’intérêt porté à la botanique et à l’agronomie modifièrent sensiblement les tendances culinaires de la fin de l’époque classique. C’était la mode des petits soupers intimes dans une salle à manger, autour d’une belle table fixe agrémentée d’une vaisselle de porcelaine, de verres en cristal et de couverts. Les convives y étaient peu nombreux et ont aimait réunir des gourmets soucieux de la qualité et de la variété des mets et des saveurs.

Une nouvelle cuisine naquit avec cette nouvelle convivialité. Plus légère, plus diététique, elle séduisit les aristocrates qui n’hésitaient plus à se mettre aux fourneaux et à donner leurs noms à des plats « ordinaires » de la cuisine quotidienne tel les petits pois St Germain ou le potage à la du Barry. Ces choix augmentèrent encore un patrimoine culinaire et la cuisine française devint alors un modèle de référence. Les cuisiniers incorporèrent davantage de technicité dans leurs préparations, montraient de l’intérêt  pour respecter l’harmonie des aliments et cuisinèrent des assaisonnements plus doux. En même temps, plus délicate, la cuisine se codifiait et se théorisait. Elle devint un sujet de réflexion en quête constante de nouveautés.

Le siècle des Lumières fut bien nommé dans le domaine de la gastronomie.

 
 

Mots-clés : Technorati

le 12.05.13 à 08:55 dans Autour de la nourriture
- Commenter -

Partagez cet article


Commentaires

La cuisine classique est en fait un mélange de grande cuisine des palaces et de cuisine bourgeoise, c'est la cuisine traditionnelle que nous connaissons. Un mélange de recettes sophistiquées et de plats du terroir.

Sarah de Serruriers Amherst http://www.serruriersamherst.com

Sarah - 04.07.16 à 01:32 - # - Répondre -

Commenter l'article

Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR