S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

L'économie du chocolat

Le cacao est produit dans l’hémisphère sud dans les régions tropicales, en Amérique Latine, Afrique et Asie, les pays traditionnellement producteurs de matières premières alimentaires. Si nous nous régalons de délicieux chocolat, ceux cultivent et préparent les fèves de cacao, n’en ont souvent jamais mangé et n’auraient pas les moyens d’en acheter hormis en Amérique Latine. Car la réalité économique de la production de fèves de cacao est bien triste. L’investissement de base est peu important, du terrain, des plants, des machettes, des feuilles de bananier et des claies en bois, mais le travail est dur physiquement et les travailleurs sont le plus souvent mal payés. En Afrique et en Asie, ce sont le plus souvent des ouvriers émigrés, des femmes et des enfants – 284 000 enfants dont 64% ont moins de 14 ans dans 1500 fermes - qui sont utilisés et exploités dans les grandes plantations. Et les petites plantations familiales ne sont guère rentables. Pourquoi ?

 

L’organisation du  marché du cacao.

Les fèves de cacao sont produites dans les grandes plantations et les petites fermes familiales. Elles emploient 14 millions de travailleurs rémunérés entre 30 et 100 $. Les fèves sont vendues 0,40$/livre par les producteurs

Les petits producteurs n’ont pas de contrôle sur les prix des fèves de cacao. Dans les pays producteurs, le commerce des fèves est tenu par des intermédiaires qui fixent eux-mêmes le prix des fèves, appelés « coyotte » dans certains pays et « traiteur » dans d’autres, ils achètent les fèves au prix le plus bas et les revendent aux exportateurs qui les vendent au prix du marché, fixé par la Bourse de Londres. Les exportateurs les vendent aux entreprises de transformation qui contrôlent les cours du marché et achètent et vendent  aux moments les plus avantageux pour eux.

Le marché mondial du chocolat représente 3 milliards de dollars/an.

5 entreprises multinationales contrôlent 80% du commerce mondial du cacao dont Callebaut, ADM cocoa, et Cargill.

En 2005, l’exportation des fèves de cacao représentait 2,97 millions de tonnes, 80% de la production mondiale car le Brésil et la Malaisie transforment sur place.

5 multinationales occidentales contrôlent 70% de la transformation, les trois précédemment citées plus Nestlé et Hamester.

80% du marché du chocolat est entre les mains de 6 multinationales ; 3 sont américaines : Mars, Philip Morris (Kraft, Jacobs, Milka, Suchard, Côte d’Or) et Hershey, 3 sont européennes : Nestlé qui est suisse, Cadburry Schweppes qui est britannique et Ferrero, italienne.

 

Production mondiale de cacao en 2006 (source FAO)

 

Côte d’Ivoire

34,5%

1 400 000 t

Ghana

18,1%

   734 000 t

Indonésie

14,3%

   580 000 t

Nigeria

12%

   485 000 t

Brésil

4,9%

   199 000 t

Cameroun

4,1%

   164 000 t

Equateur

2,3%

     93 659 t

Togo

1,8%

     73 000 t

Papouasie Nouvelle Guinée

1,1%

     38 153 t

Mexique

0,9%

     38 153 t

Autres pays

6,2%

   252 000 t

                     Ce qui fait un total de 4 063 237 tonnes

 

Les autres alternatives

Le commerce équitable

42 000 petits producteurs pour vivre plus décemment se sont groupés en coopératives qui n’emploient pas ni enfants ni d’esclaves et qui vendent par le biais du commerce équitable (Oxfam, Fair Trade, Max Havelaar, Kokoa et d’autres). Les fèves sont achetées 0,80$/livre. Ce sont généralement des petits producteurs de pays produisant des fèves de qualité comme le Ghana, le Cameroun, la Bolivie,le Costa Rica, le Nicaragua, la République Dominicaine, l’Equateur et Belize. Les firmes du commerce équitable font pression pour obtenir des grands fabricants de chocolat comme  M&M/Mars et Hershey d’utiliser au moins 5% de chocolat équitable.

 

La qualité

Le Venezuela, Trinidad et Tobago, l’Equateur et la Tanzanie ont misé sur la production de cacao d’origine de très haute qualité avec une grande finesse d’arômes.

 

La surproduction de fèves de cacao.

En 1975 les cours du cacao se sont envolés passant à 2500 livres/tonne, pour une production d’environ 1 million de tonnes de fèves de cacao, entrainant une véritable folie de plantations nouvelles en particulier en Asie, Indonésie et Malaisie. C’était un pari, risqué sur l’avenir, les plantations ne devenant productives que quelques années plus tard. Dix ans plus tard, 2 millions de tonnes de fèves sont produites et en 2000, 3 millions. La conséquence fut inévitable, les cours se sont effondrés cette année là, passant à  540 livres/tonne. Mais pas seulement les cours, la qualité des fèves commercialisées aussi. Car, pour une question de rentabilité, les nouvelles plantations ne cultivaient plus le Criollo et le Triniterio mais des espèces hybrides qui résistent aux conditions non naturelles de ces plantations.

 

La directive européenne du 15 mars 2000

A cela s’ajoute l’autorisation par l’UE de remplacer le beurre de cacao par des graisses végétales. Beaucoup de plantations en Malaise ont arraché les cacaoyers pour les remplacer par des palmiers à huile et d’autres espèces plus demandées sur le marché. Pour les autres pays, il reste une d’autres solutions, produire des fèves de qualité par une sélection des plants et un travail sérieux sur les plantations et lors de la fermentation, l’organisation en groupements de producteurs et la vente directe à des organismes de commerce équitable qui achètent les fèves à un prix supérieur que celui du marché et qui soutiennent ces petits producteurs.

 

Les pays producteurs

L’Afrique

Les premiers cacaoyers arrivent en Afrique au XIXème siècle et sont plantés sur les îles de Sao Tome et Principe et au Ghana qui restera le principal producteur africain de cacao jusqu’à l’arrivée, beaucoup plus tard de la Côte d’Ivoire qui est maintenant le 1er producteur mondial de cacao, 39% de la production mondiale. Les plantations sont plantées pour 80% de Forastero, elles emploient 7 millions d’ouvriers. Il existe parallèlement des petites plantations familiales de 1 à 5 hectares produisent 1800kg/an. L’Afrique de l’ouest produit 70% de la production mondiale de cacao.

Le Cameroun et le Nigéria sont aussi producteur de cacao, mais en quantité moindre. Ce sont dans ces pays et dans les grandes plantations que les conditions de travail des ouvriers qui sont souvent des enfants sont épouvantables.

 

Le Brésil

Dans les années 30, c’était le 1er producteur mondial de cacao, En 80, le Brésil produisait 470 000 t/an, il est maintenant à la 5ème place avec 170 000 t/an. La raison en est une attaque de champignons en 1990 qui a détruit les plantations.

 

Sud-est asiatique

C’est 20% de la production mondiale de cacao avec des politiques différentes selon les pays.

En Indonésie, la production est passée de 1000 t en 1970 à 440 000 t en 1999. Mais cette production est en crise car la quantité a été préférée à la qualité. Une belle exception, l’île de Java, planté de Criollo qui a toujours pratique un travail remarquable de culture et de fermentation.

En Malaisie, 3000 t en 1970, 167 000 t de 1987 mais quand les prix ont baissé, les cacaoyers ont été abattus pour faire place à des cultures vivrières plus demandé sur le marché comme le palmier à huile.

 

Equateur et Venezuela.

1820, Simon Bolivar crée la République de Grande Colombie qui comprend les actuels Colombie,  Venezuela et Equateur. Ce pays fut nommé Gran Cacao en raison de la production principale de cacao. Depuis le XVIème siècle, le Venezuela et l’Equateur exportaient vers l’Europe des fèves de cacao très appréciées. le Criollo vénézuélien était autrefois appelé Caracas du nom du port d’où il partait vers l‘Europe. De 1800 à nos jours la production a été multipliée par 2 alors que la production mondiale a été multipliée par 10.

Car il y a eu de 1918 à 1939, une attaque d’un champignon, le Crinipellis perniciosa, qui a décimé les plantations, en particulier les cacaoyers hybrides. A cela s’ajoutent la baisse généralisée des cours du cacao et la concurrence internationale. Les plantations de Criollo, Trinitario et Nacional en Equateur ont été, en grande partie remplacée par des plantations de canne à sucre, de bananas et de café.

Ces pays produisent 15% des cacaos de première qualité, vendus à des prix élevés. Ce sont les meilleurs cacaos du monde avec des rendements quatre fois moindre que ceux de l’Indonésie. Dans le futur, la solution se trouvera dans les productions de qualité.

 

Les pays importateurs

Les pays importateurs et consommateurs de chocolat sont les pays de l’hémisphère nord avec une exception la Malaisie.

 

Pays Bas

20,6%

Etats Unis

18,5%

Malaisie

10,8%

Allemagne

8,3%

Belgique

6%

France

4,7%

Royaume Uni

4,2%

Espagne

2,4%

 

5 grandes sociétés multinationales transforment  65% du cacao.

Nestlé est le plus grand fabricant de chocolat parmi les 6 multinationales qui se partagent 80% du marché du chocolat.

 

Voila les grandeurs et les misères du chocolat. La nourriture des dieux est devenue celle du commun des mortels, précisons des mortels riches de l’hémisphère nord. Car sous les tropiques, ceux qui cultivent et récoltent ne connaissent pas, pour la plupart,  le goût du chocolat qui est pour eux bien amer. Cette boisson fut de tout temps celle des élites qui furent politiques dans un premier temps et économiques maintenant.

Le chocolat n’en reste pas moins un produit remarquable par son goût, son arôme et le plaisir qu’il nous procure. Elargissons ce plaisir en choisissant intelligemment ses achats : le chocolat pur, plus sain, plus éco-solidaire et bien meilleur. D’excellentes marques de chocolat distribuent des chocolat cultivés, transformés et mélangés dans le respect du producteur et du consommateur comme KOAKO, une firme bio-équitable et Max Havelaar qui travaille avec, par exemple le Kuapa Kokoo Ldt, une coopérative ghanéenne, Oxfam, Fair Trade….

 


Mots-clés : Technorati

le 31.03.08 à 17:33 dans Histoire des aliments
- Commenter -

Partagez cet article


Commentaires

Un bel article

Merci pour votre article très interessant qui m'a permet de découvrir une autre facette du chocolat !

Chocolat Paques - 12.04.11 à 15:44 - # - Répondre -

Commenter l'article

Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR