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L'amer, encore et toujours, pissenlit et rue
Il y a quelques temps déjà, j'avais écrit un texte sur l'amer . Cette saveur si intéressante. Je vous propose aujourd'hui de découvrir d'autres aspects de cette saveur d'un point de vue botanique et médicinale et examinant de plus près deux plantes de nos jardins: le pissenlit et la rue.
L’amer c’est bon pour la santé !
Les plantes amères ont mauvaise réputation, considérées souvent comme des poisons. Elles évoquent la cigüe de Socrate, les potions mortelles d’Agatha Christie, les flèches empoisonnées de nos lectures d’enfant, les préparations des sorcières qui emportaient les secrets de fabrication dans les flammes des bûchers et les parapluies bulgares.
Sur environ 10 000 plantes comestibles, 5 % sont dangereuses pour l’homme et la plupart sont amères. Dans l’imaginaire collectif, les plantes amères, difficiles à manger sont donc dangereuses. C’est d’ailleurs souvent le goût très désagréable qui protège de l’empoisonnement.
Cependant, utilisées à des doses très calculées, les plantes amères peuvent se révéler extrêmement bienfaisantes pour les humains comme pour les animaux.
En herboristerie, les amers ou toniques amers sont bourrés de qualités, c’est le cas de l’absinthe, de la rue, de la morelle douce amère, de la quinine… et de la ményanthe ou trèfle d’eau qui contient un amer pur très actif, indécelable au goût et à l’odeur. Rangés dans la catégorie des toniques généraux, ils sont bénéfiques pour de multiples maux et depuis toujours utilisés en médecine pour combattre les faiblesses cardiaques, les fièvres et les vers. L’amertume a aussi des qualités digestives et agissent sur le foie, c’est pour cela qu’elles sont appelées cholagogues et cholérétiques, l’amer de la plante agissant sur la bile. L’absinthe et les armoises, la gentiane et les centaurées, la rue et l’artichaut entrent dans la composition de nombreuses boissons apéritives ou digestives.
Certaines sont mortelles si elles sont ingérées à hautes doses comme la grande cigüe, l’aconit, la tanaisie, la morelle noire.
Pourquoi ces plantes à l’aspect si inoffensif peuvent-elles devenir si dangereuses ?
Parce qu’elles contiennent des alcaloïdes puissants qui lui donne cette amertume, et qui, selon les dosages, peut être autant bénéfiques pour traiter certaines maladies que toxiques voire mortels. Les alcaloïdes sont des substances organiques, actives et efficaces dans le traitement thérapeutique de certaines maladies. En herboristerie et en phytothérapie, on utilise les extraits bruts des plantes qui sont les constituants solubles, les principes actifs sont isolés par des procédés chimiques et cette opération relève davantage de l’industrie pharmaceutique.
Les plantes amères étaient donc très utilisées en médecine, autrefois on disait même que plus un remède était mauvais c’est-à-dire amer, plus il était efficace. Maintenant on a oublié la saveur amère des médicaments enveloppés dans des capsules et mélangés à des adjuvants qui adoucissent le goût. Mais interrogez des gens plus âgés ou ayant vécus à la campagne, ils se souviendront des infusions vermifuges de la fin de l’été et autres tisanes pour soigner fièvres et toux qui les ont dégoutés pour longtemps de l’âcre, de l’acerbe, de l’astringent, du tannique, tous ces remèdes qui laissaient un goût d’amertume dans la bouche.
Mâchez-en quelques feuilles et vous découvrirez l’amer dans toute sa splendeur.
La Rue nommée scientifiquement Ruta graveolens-L. Ruta,car elle appartient à la famille des Rutacées, graveolens signifiant qui sent fort, et L classée par Linné. Voila pour l’état civil.
Elle porte des surnoms tellement contradictoires qu’on pourrait douter de son honnêteté, «belle fille» et «herbe de grâce», c’est plutôt attirant, mais «puante» et «abortive», ça sent le souffre, la marmite de sorcière, on en a brûlé ou guillotiné pour moins que ça !
Cette plante, venue des Balkans et de l’Italie méridionale fut connue dès l’Antiquité. La Rue est une très jolie plante vivace aux gracieuses feuilles polylobées portant des petites fleurs d’un jaune lumineux qui pousse bien dans les terres sèches et ensoleillées et même à l’ombre. Si son aspect est séduisant, elle dégage une odeur forte et pénétrante, qui peut déplaire à certains et qui repousse les chats, les rongeurs et même les vipères (pour les langues de vipères, c’est moins efficace !).
La rue fut d’abord l’un des ingrédients d’un condiment très prisé des romains, le moratum. Incontournable des jardins de simples, elle fait partie des plantes recensées dans le Capitulaire de Villis. Les feuilles séchées ou fraîches faisaient partie du bouquet que l’on plongeait dans les marmites de soupes et de pot au feu. Elles garnissaient également les salades, en petite quantité cependant, car à fortes doses, la rue peut-être toxique. Quelques feuilles dans une salade de tomates ravivent le goût des olives de l’huile qui l’assaisonne. En raison de ses vertus apéritives, la rue entre dans la composition de vins, de vermouth. En Italie, la tradition veut que l’on fasse infuser une branche de rue dans la grappa pour qu’elle parfume cette eau de vie de marc de raisin. Ses délicates notes aromatiques semblables à celle des pois de senteur se retrouvent dans l’huile essentielle de rue, très utilisée dans l’industrie agro-alimentaire et de la parfumerie.
La rue est une bonne herbe médicinale
Classée dans la catégorie des toniques-amers, la rue a toujours été utilisée en médecine pour faciliter la digestion, favoriser l’écoulement de la bile et chasser les vers. Contenant de la rutine, elle est aussi vaso-protectrice. Grâce à certains alcaloïdes, la rue favorise l’acuité visuelle. Mais ce qui a fait sa funeste réputation sont ses qualités emménagogue (qui fait couler le sang) et abortive. Employée pour faire venir les règles, elle favorisait aussi les avortements, c’était la plante favorite des faiseuses d’anges.
Mais oublions cela et voyons plutôt ses côtés positifs. Elle protégé de la peste, des voleurs certes ... Ecoutez plutôt :
"Durant l’horrible épidémie de peste qui sévissait à Toulouse en 1630 , quatre voleurs auraient détroussé sans dommage quantité de pestiférés décédés, se prémunissant des miasmes en portant devant la bouche et le nez un masque trempé dans une décoction vinaigrée de plusieurs plantes dont la rue, cette potion fut appelé le vinaigre des quatre voleurs."
Si vous êtes un peu paranoïaque, vous pouvez toujours vous préparer l’antidote de Mithridate en écrasant 20 feuilles de rue avec 2 noix et 2 figues sèches et un peu de sel pour vous prémunir contre d’éventuels empoisonnements.
«Mêlées au vin, la sauge et la rue l’empêchent de nuire.
La rue aiguise la vue,
L’infusion du fenouil, de la verveine, de la rose, de la chélidoine et de la rue l’éclaire.»
Ecole de Salerne
Avoir une meilleure vision avec la rue et même une meilleure acuité de la vision intérieure… Nous entrons dans un autre domaine. Ses vertus stupéfiantes la faisaient apprécier de certains artistes qui en consommaient pour favoriser leur inspiration, elle permettait d’aller au-delà, on disait même qu’elle agissait sur le troisième œil.
«Mangez-moi, mangez moi, mangez moi», comme dit la chanson.
le 25.10.16 à 19:26
dans Histoire des aliments
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Commentaires
Intéressant
Pardon mais personnellement je n'arrive vraiment pas à manger tout ce qui est Amer lol même si c'est bon pour la santé, je passe :D
Richard
Richard - 26.02.18 à 15:51 - # - Répondre -