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l'agriculture vivrière menacée
Les jardins potagers ont la cote. Alors que l’hiver approche et que la terre va se mettre au repos, les journaux, même ceux qui ne sont pas dédiés au jardinage comme le célèbre « Rustica », donnent des conseils judicieux pour que jardins d’agrément et potagers passent bien l’hiver et soient prêts au printemps à reprendre du service. Parallèlement, d’autres articles tirent la sonnette d’alarme car le nombre de petites exploitations agricoles familiales ne cessent de diminuer dans le monde, privant les agriculteurs et les consommateurs de ressources vivrières.
Le monde occidental est saisi de la mode du potager. Ceux qui en ont la possibilité et le courage consacrent un coin de leur jardin aux cultures maraichères. Dès que les beaux jours et les températures clémentes reviennent, ils plantent avec amour de jeunes plants encore fragiles qui grâce à des soins quasi quotidiens deviendront des plantes potagères dont les fruits fourniront de la fin du printemps au début de l’hiver une grande partie de la table familiale. Durant l’été et l’automne, ces jardiniers courageux pourront se livrer aux joies de la fabrication de confitures et de conserves « fait main » et remplir les étagères de provisions pour l’hiver. Ils pourront aussi régaler leurs amis en leur offrant leurs bocaux « maison ». Les jardiniers amateurs qui disposent de davantage de temps, installent couches chaudes et serres pour continuer à récolter même durant les périodes les plus froides.
En dehors de ces plaisirs gourmands et saisonniers, ce qui me réjouit le plus sont les manières de jardiner qui sont préconisées dans les journaux et manuels. Je note un vrai retour à des techniques traditionnelles et avérées propres et soutenables utilisant les produits de la nature : paillis de feuilles mortes et de paille, enrichissement avec du compost et des fumures naturelles à base de fumier et de purin d’ortie par exemple, soins à base de décoction de plantes, conseils de plantations de plantes compagnes : les plantes soignent les plantes. Autre bonne nouvelle, le retour des semences traditionnelles et anciennes au détriment des hybrides et la redécouverte des plantes ou plutôt des herbes des jardins de moines. On trouve ou retrouve ainsi des formes et des couleurs, des goûts et des saveurs oubliés, des noms poétiques. Arroche, dolique, scorsonère, bardane, mauve et sauge, pâtisson, cresson alénois, plantain corne de cerf, tomates miel du Mexique ou Beauté blanche, topinambours, panais et chou-rave, crosne et cardon …
L’importance du potager marque un retour vers une pratique séculaire. Le potager était le jardin qui permettait aux paysans et plus précisément à la paysanne de nourrir sa famille tout au long de l’année. C’est dans ce jardin qu’elle cultivait et cueillait ensuite les légumes et herbes diverses qui alimentaient la marmite et la cuisine quotidienne. Les surplus vendus sur le marché le plus proche avec quelques œufs et un peu de lait offraient la possibilité de se consitituer un petit pécule permettant d’acheter ce que la ferme ne produisait pas ou quelques nouvelles bêtes pour la basse-cour. Perette et de son pot à lait existait bel et bien, La Fontaine n’a pas eu besoin de chercher très loin ce modèle, il l’avait sous les yeux tous les jours. Et sur les marchés campagnards on voit encore de vieilles paysannes vendant quelques œufs, des légumes et des fleurs de leur jardin-potager. Et surtout autour des grandes villes et même parfois dans certaines villes des espaces sont dévolus à des jardins vivriers, qu’ils s’appellent jardins-ouvriers ou autrement, ils se redéveloppent de manière significative dans l’hémisphère nord, manière de renouer avec la terre et la nature et pour les services sociaux d’occuper des personnes sans travail tout en leur procurant de quoi se nourrir et de posséder des produits d’échange et de troc. Puisque ce système de culture et d’échange a disparu de notre continent au profit d’une agriculture intensive et exclusivement marchande.
Ce système est aussi en train de disparaitre dans l’hémisphère sud et dans les pays dits émergents. Pays où pourtant ce type de cultures vivrières et familiales est vital. Cultivées essentiellement par les femmes et les plus âgés, ces parcelles procurent la nourriture quotidienne et la possibilité de se constituer une petite cagnotte utilisable pour pouvoir résister dans les périodes difficiles ou pour éduquer les enfants. A une échelle un peu plus élevée, les petites exploitations familiales, c'est-à-dire cultivées par les membres de toute une famille sont indispensables à l’équilibre des économies des pays de l’hémisphère sud comme ils l’étaient chez nous il y a encore peu de temps. Les paysans sélectionnent et échangent entre eux les graines et semences les plus belles et les mieux adaptées au terroir et aux climats, faisant évoluer les variétés naturellement et gardant chaque année de quoi replanter l’année suivante. Il s’agit d’une agriculture propre, ces agriculteurs n’ayant pas les moyens d’acheter des engrais chimiques et autres produits phytosanitaires. C’est un système un peu autarcique qui donne aux paysans une certaine indépendance alimentaire et économique et la possibilité de ne pas mourir de faim si aucune catastrophe climatique ne s’abat sur le pays. Equilibre précaire comme chez nous autrefois certes, mais droit à une dignité d’être maître chez soi et de ne dépendre de personne.
Hélas, là aussi se reproduit le même phénomène. Les terres agricoles se font de plus en plus rares et disparaissent et l’accès à la terre est de plus en plus menacé pour les petits paysans et par conséquent la possibilité de se nourrir. Les terres agricoles se dégradent à cause du climat, d ‘une urbanisation galopante, d’un usage trop intensif de pesticides, d’herbicides et d’engrais chimiques qui rendent les terres stériles. Dans l’hémisphère sud, on doit aussi compter avec l’achat ou la location pour de très longues périodes de terres agricoles, les meilleures de préférence, de la part d’investisseurs de pays industrialisés afin de faire cultiver des produits agricoles ou industriels d’importation ou des agro carburants. Ces terres convoitées et achetées représentent 40 millions d’hectares, 10 millions de plus que celles qui disparaissent pour les raisons évoquées plus haut. Souffrant de la faim et chassés de leur terre dont ils ne possèdent pas toujours des droits de propriété, les petits paysans sont contraints de quitter leur village et leur maison pour aller chercher du travail dans les grandes villes. Dans ces immenses fourmilières humaines où ils ne trouveront ni logement, ni travail, contraints de vivre dans des bidonvilles ou dans des logements insalubres et de quêter leur nourriture ou essayer de sur vivre de chiches aides sociales ou de distribution de vivres de la part d’ONG. Le chiffre de 500 millions de petits agriculteurs soufrant de la faim est annoncé dans un rapport des Nations Unies. 500 millions ! Le chiffre est impressionnant et 500 millions d’agriculteurs le chiffre parait aberrant. Mourir de faim quand on est agriculteur, c’est un non sens absolu ! On se croitrait revenu des siècles en arrière.
Des siècles ou des années selon les degrés d’évolution des pays du monde. Et toujours en raison d’un besoin de puissance et de domination associé à un cynisme et un manque de sens moral. Rappelons-nous nos leçons d’histoire. Des paysans serfs de seigneurs laïcs ou religieux au Moyen-âge dont la plupart souffraient de la faim quand les récoltes étaient insuffisantes ou détruites par les intempéries ou des troupes de soldats en guerre. Ils souffraient également des réquisitions arbitraires lors des conflits qui leur ôtaient le pain de la bouche. Ce ne fut qu’au XVIIIe siècle quand la paix régna en France et en Europe que la situation des paysans s’améliora. Le spectre de la faim s’éloigna et beaucoup de paysans avaient acquis une autonomie. La plupart vivaient chichement et même très pauvrement et quittèrent la campagne pour la ville au siècle suivant allant travailler encore plus durement dans les nouvelles usines de l’industrie naissante. Ils connurent la faim et les conditions de vie plus insalubre encore que dans les campagnes. Mais certains d’entre eux purent renouer avec la culture des légumes et des fruits lorsque l’abbé Lemitre créa les jardins ouvriers. Devenus ouvriers dans les grandes villes, les paysans perdirent peu à peu les habitudes et le goût du travail agricole. D’autant que le travail agricole se mécanisa à outrance en particulier après la seconde guerre mondiale. Les tracteurs remplacent les hommes et les exploitations sont de plus en plus grandes, regroupant les terres de ceux qui les abandonnent.
On retrouve ce même schéma en Afrique et en Amérique Latine et en Asie avec des variantes dans chaque continent. Mais les transformations sont beaucoup plus rapides, ce qui a pris quelques siècles chez nous s’est fait en moins d’un siècle dans les continents précédemment cités. Et les nouveaux propriétaires ne sont plus des personnes privées mais des d’investisseurs étrangers, de grandes sociétés nationales ou internationales qui accaparent les terres pour produire des aliments, des cultures destinées à l’exportation et depuis peu des agro carburants. Cultures sur une très grande échelle qui ne profitent pas aux populations locales, peu payées et privées des terres ancestrales sur lesquelles ils cultivaient leur nourriture.
Il est temps de penser à une réforme agraire qui protégera les petits propriétaires, qu’ils soient des particuliers ou des collectivités (villages, coopératives, etc.), qui garantirai et protègerai les droit de propriété, la biodiversité, le libre accès aux semences et qui les protègerai des rapaces qui s’accaparent les droits de propriété du vivant. Il ne faut pas imposer un modèle occidental au monde entier, un modèle qui ne fonctionne pas forcément bien pour tout. Le libre accès aux semences est déjà un problème dans les pays développés où cependant des corporations, des syndicats, des lobbies peuvent s’organiser pour lutter, c’est beaucoup plus difficile dans les pays émergents où l’énergie des agriculteurs est monopolisée pour leur survie immédiate et où les instances gouvernementales se désintéressent la plupart du temps du sort des agriculteurs et les laissent se débrouiller seuls.
Le tableau n’est pas gai au premier abord et le travail est considérable pour parvenir à faire vivre décemment ces agriculteurs. Des actions existent déjà qui donnent une vision plus optimiste, car elles apportent une aide matérielle et morale sans être trop interventionnistes. Ce sont le plus souvent des actions individuelles ou provenant de petites collectivités locales. Parfois elles continuent ce qui a été lancé par une ONG ou sont soutenues par des particuliers ou des associations. « Il faut cultiver notre jardin » disait Candide et donner la possibilité à tous de le faire.
Pour compléter cet article lire aussi celui d'Afrique Expansion ainsi que celui du journal marocain Le Matin
le 25.10.10 à 15:58
dans Agriculture
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L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines.Vos dernières réactions
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Commentaires
en France on ne peut que saluer le travail de" terre de lien" qui permet d'instaler des agriculteurs (bio) sur des terres qui sont lorgnées par des investisseurs qui y mettraient bien des pavillons ou des zones commerciales....
mamapasta - 25.10.10 à 22:45 - # - Répondre -